Dès le début de la promotion, les comparaisons entre le film Borderlands et les Gardiens de la Galaxie ont fusé. Pourtant, les jeux Gearbox sont pour la plupart sortis avant la saga Marvel, et reprenaient déjà beaucoup des codes que la saga super-héroïque s’est approprié.
Ce 7 août 2024, le Borderlands de Eli Roth sort dans les salles françaises. Un projet de longue date, un temps confié à Leigh Whannell, avec la promesse d’un classement R. Mais depuis 2015, de l’eau a passé sous l’arche de Pandora et c’est le metteur en scène de Hostel qui s’en est occupé, avec un classement PG-13 (probablement tous publics chez nous) et un casting quelque part entre le douteux et le génial (Kevin Hart, Cate Blanchett, Jamie Lee Curtis, Jack Black).
Selon certains, c’est pour Lionsgate moins l’occasion de réitérer le succès de la franchise vidéoludique (dont le 3e opus date de 2019) que de se doter de son propre Gardiens de la Galaxie, avec son univers de space opéra, ses personnages de doux dingues hauts en couleur, ses vannes incessantes et son esprit d’équipe. En réalité, les deux œuvres sont allées de pair.
Les Gardiens de Borderlands
Bien entendu, Borderlands n’a pas précédé les Gardiens de la Galaxie, puisque ceux-ci sont dans l’univers Marvel depuis plus de 50 ans. La première équipe des gardiens officiait depuis 1969 et celle qui a eu l’honneur du grand écran s’est réunie en 2008, soit un an avant la sortie du premier opus de la saga vidéoludique, lequel devait en fait paraître exactement la même année.
Toutefois, Les Gardiens de la galaxie ne constituent pas une influence pour les développeurs, du moins pas officiellement. L’envie qui a présidé à la création de Borderlands est, bien avant toute considération narrative, celle d’une hybridation, de l’alliance entre le FPS bien bourrin et le RPG généreux en loot. Ou, tel que résumé dans un article de Gamespot, « Halo rencontre Diablo ». C’est une fois les mécanique de jeu établies que des scénaristes ont planché sur une histoire, évidemment inspirée de Mad Max avec ses déserts à perte de vue et son culte de la bagnole, de la tôle froissée et bien sûr du flingue, sans compter la description d’un univers régi intégralement par un capitalisme des plus agressifs.
À vrai dire, Borderlands premier du nom n’aurait même pas du ressembler au jeu qu’on connait aujourd’hui. Comme en attestent les premières bandes-annonces, il devait être un poil plus réaliste et nostalgique des années 1950. Mais les similitudes avec la saga Fallout ont fait paniquer le studio, qui a changé de braquet à la dernière minute, ce qui aurait entrainé le départ de la directrice artistique. Le cell-shading est arrivé au menu et la référence est devenue de manière évidente le court-métrage Codehunters.
Voilà qui explique peut-être le ton du premier jeu, à la fois aride, cruel et décomplexé. Un mélange étrange qui a convaincu les joueurs, mais qui aujourd’hui laisse un arrière goût bizarre en bouche. Comme si l’ensemble manquait de space opéra et surtout de cohésion entre ses différents personnages, jusqu’ici rencontrés les uns à la suite des autres, paumés dans le désert. Quant aux personnages jouables, ils restent des coquilles vides pour certaines assez génériques (Roland), dans lesquelles le joueur est invité à se projeter. Même Moxxi, la célèbre tenancière du bar au casting du film n’apparait en fait que dans un DLC, peut-être le pire de la saga qui plus est…
Borderlands 2 et Les Gardiens de la galaxie : même combat
Plus drôle, plus attachant, plus coloré, plus varié, plus généreux… plus tout. Borderlands 2 est le Borderlands ultime, qui a mis la barre si haut que la licence ne s’en est jamais relevée. Et c’est là que la comparaison devient intéressante. Le jeu ne s’inspire toujours pas directement du comic-book, du moins s’il y a une interview qui y fait mention, nous l’avons ratée. En revanche, il est sorti trois mois à peine avant le premier film. Or, c’est bien entre ces deux aventures que la ressemblance est la plus frappante, puisque le contenu ajouté par Gearbox constitue une bonne partie de ce qui le relie au long-métrage de James Gunn.
Le grand public de l’époque, qui a réservé un accueil chaleureux aux deux œuvres, était-il en manque de space opéra coloré à un an du grand retour de Star Wars ? Toujours est-il qu’ils partagent une approche particulière de la science-fiction.
D’abord, il y a l’univers bien sûr. Contrairement aux Gardiens de la Galaxie, Borderlands 2 reste un planet opéra, qui squatte l’hostile Pandora. Mais le succès du premier jeu a convaincu les développeurs de sortir du désert aride, et leur a surtout donné les moyens de le faire. Les environnements plus variés rappellent la diversité des décors de la production Marvel. Un lien qui se ressent surtout dans les hubs, lesquels, plein de néons et de poubelles remplies de maladies, rappellent les planques de brigands de Star Lord et ses sbires. Dans The Pre-sequel et sa base lunaire, c’est encore plus évident.
Ensuite, il y a l’humour. Certes, Les Gardiens de la Galaxie n’est pas aussi chargé en références et en parodies que son pendant vidéoludique. Mais l’humour noir, voire parfois puéril, cher à James Gunn ne fait pas tache dans cet océan de vannes bancales et de délires cosmiques. On est même prêts à parier que le réalisateur a déjà farmé Terramorphous l’invincible entre deux tournages.
Des hommes et des pneus
D’autant que la saga vidéoludique aime, comme elle, pousser la blague jusqu’au malaise, révélant les faiblesses de ses personnages. Un exemple parmi d’autres : la fête d’anniversaire de Clap-trap. Dans cette quête secondaire gimmick, on rit de la solitude de ce faire-valoir à roues, avant de s’en désoler, au fur et à mesure qu’on essuie les refus. Si bien qu’on se retrouve seul à lui donner du baume au cœur mécanique. Un trait d’humour cruel qui s’insérerait bien dans la franchise du MCU… ou dans n’importe quelle autre réalisation du cinéaste venu de Troma.
Dans les deux cas (sous l’impulsion du scénariste Anthony Burch dans celui de Borderlands 2), le délire constant de l’intrigue est interrompu par de vrais tournants émotionnels, forçant le joueur ou le spectateur à se détacher parfois violemment de la gaudriole ambiante. Dans les deux cas, ce revirement survient dans le dernier acte. Dans Les Gardiens des Galaxie, c’est le sacrifice de Groot, dans Borderlands 2 (attention, spoilers), c’est la mort de Roland. Des ruptures de ton assez caractéristiques qui font le sel de ces deux univers de space opera presque parallèles.
Mais ce qui saute aux yeux, c’est bien évidemment ce casting de personnages, des parias contrebandiers qui se retrouvent, à force de courir après le butin, en lice pour sauver le monde. Leur morale à géométrie variable gagne en noblesse au fil de l’aventure, jusqu’à un final apocalyptique contre un méchant plus (Le Beau Jack) ou moins (Ronan) charismatique. Certains parallèles coulent de source : la masse de muscles de Drax évoque évidemment Brick et dans une moindre mesure Salvador. Le leadership des sirènes fait écho à celui de Gamora.
Même les capacités spéciales des différents protagonistes les rendraient éligibles à rejoindre l’équipe. Alors bien sûr, la franche camaraderie mise en avant dans les bandes-annonces de Borderlands vise surtout à promouvoir le jeu en multijoueur, l’un des grands arguments de la franchise. Mais il faut reconnaître que la ressemblance est frappante, d’autant que Burch a avoué sur Kotaku regretter n’avoir réservé à ses héros que quelques catchphrases (« Tel un fantôme dans la nuit, je disparais. Toujours l’arme au poing »), dans un scénario aussi bavard.
À voir comment le film contournera le problème et s’il sera aussi drôle et touchant que l’une ou l’autre de ces aventures spatiales. Tout n’est pas gagné pour les chasseurs de l’arche.
en me remattant les Aliens, j’ai trouvé que c’est Alien 4 qui a beaucoup de similitude avec les gardiens