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Hollywood vs IA : pourquoi Here de Robert Zemeckis relance le débat, pour le meilleur et le pire

Par Alexandre Janowiak
17 décembre 2024
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Hollywood vs IA : pourquoi Here de Robert Zemeckis relance le débat, pour le meilleur et le pire © Canva SND 20th Century Studios

L’utilisation de certaines technologies dans Here de Robert Zemeckis avec Tom Hanks et Robin Wright ne plaît pas à tout le monde et crée encore le débat sur l’IA.

Après les échecs successifs de Bienvenue à Marwen, Sacrées sorcières et Pinocchio, Robert Zemeckis espérait sans doute retrouver l’approbation de la presse avec Here. Malheureusement, ce fut tout le contraire pour le cinéaste, en tout cas outre-Atlantique, où le film s’est fait étriquer par les critiques en affichant une triste moyenne de 40/100. Pire encore, Here a été un énorme flop au box-office avec seulement 12 millions de dollars récoltés pour un budget de 60 millions.

Malgré tout, le film a d’ores et déjà son petit fan-club (notamment en France), où une bonne partie de la presse et des spectateurs l’ont soutenu contre vents et marées. Il faut dire que Here, racontant la vie depuis le même angle de vue sur des millions d’années, est une expérience ultra-novatrice dans le paysage cinématographique actuel. Pour se faire, Robert Zemeckis a expérimenté (encore) avec de nouvelles technologies, dont l’intelligence artificielle, ce qui crée inévitablement une petite polémique à Hollywood.

Robin Wright et Tom Hanks dans Here
Une deuxième jeunesse

IA es-tu là ?

Pour son 22e film, Robert Zemeckis a en effet eu recours à l’intelligence artificielle générative, c’est à dire une IA capable de générer des images. Elle a ainsi été utilisée pour rajeunir ou vieillir les personnages durant le film, à l’instar de Tom Hanks et Robin Wright, que l’on suit de leur adolescence jusqu’à leur sénilité. Comment ça fonctionne ? Le studio d’effets visuels Metaphysic, qui s’est chargé de cet aspect, a regroupé des millions d’images provenant de films, d’interviews et d’archives personnelles sur les acteurs pour donner un maximum d’informations à l’IA.

Ainsi, avec toutes ces données, comme Ars Technica l’a très bien expliqué dans un article sur le sujet : « Metaphysic a développé le système de modification faciale […] sur les mouvements du visage, les textures de la peau et les apparences dans des conditions d’éclairage et des angles de caméra variés. Les modèles obtenus peuvent générer des transformations faciales instantanées sans les mois de travail manuel de post-production que nécessitent les CGI traditionnelles ».

De cette manière, pendant le tournage, il y avait deux moniteurs qui montraient en simultanée (et donc en temps réel) deux choses différentes : d’un côté, celui affichant l’apparence réelle des acteurs, et de l’autre, celui révélant leur transformation à l’âge correspondant à la scène filmée. Un gain de temps monstre lors de la production et surtout indispensable pour créer ce genre de film selon Robert Zemeckis, estimant que Here n’aurait pas pu voir le jour il y a trois ans sans cette technologie.

Ce n’est d’ailleurs pas le seul à en avoir fait l’usage en 2024, puisque l’IA générative a été utile sur Furiosa de George Miller et Alien : Romulus de Fede Alvarez, pour redonner vie à deux acteurs décédés : Richard Carter et Ian Holm. Forcément, un an après deux grèves historiques à Hollywood avec celle des scénaristes puis des acteurs, la technologie n’est pas du goût de tous.

Here making-of
Voilà à peu près ce que ça donnait en temps réel

here we go

Avant même la sortie de Here, plusieurs internautes s’étaient ainsi indignés de l’usage de l’IA générative pour ressusciter des acteurs. Désormais, c’est l’actrice Lisa Kudrow, rendue célèbre pour sa Phoebe dans Friends, qui s’est révoltée de la technologie de Metaphysic sur le film de Robert Zemeckis dans le podcast Armchair Expert :

« Ils l’ont filmée, ils ont pu filmer la scène puis regarder la vidéo d’eux-mêmes plus jeunes, et c’était prêt pour qu’ils la voient. Tout ce que j’ai compris de ça, c’est que c’est une promotion pour l’IA et mon Dieu, sérieusement. Ce n’est pas comme si on se disait : « Oh, ça va tout gâcher », mais que restera-t-il ? Oubliez les acteurs, qu’en est-il des acteurs prometteurs désormais ? Ils se contenteront de faire des licences et de recycler.

Et si je laisse cela de côté. Quel travail y aura-t-il pour les êtres humains ? Et après ? Il y aura une sorte d’allocation de subsistance pour les gens, vous n’aurez pas à travailler ? Comment cela pourrait-il suffire ? »

Robin Wright dans Here
Un plan qui a évidemment fait parler

Des critiques assez légitimes à l’heure où les IA génératives sont de plus en plus utilisées, notamment sur les réseaux sociaux, comme Grok sur X, mis à disposition gratuitement des internautes par Elon Musk, substituant le travail de milliers de photographes et autres créateurs. Pour revenir à Here, comme l’a relayé Deadline, Tom Hanks n’avait d’ailleurs pas été franchement rassurant sur le potentiel de la technologie dans The Adam Buxton Podcast :

« Ce qui est tout à fait possible en ce moment, si je le voulais, c’est que je lance une série de sept films dans lesquels je jouerais le rôle principal et aurais 32 ans jusqu’à la fin des temps. […] N’importe qui peut désormais se recréer à n’importe quel âge grâce à l’IA ou à la technologie deep fake… Je pourrais me faire renverser par un bus demain et ce serait tout pour moi, mais mes performances pourraient durer encore et encore. En dehors du fait que cela a été fait par l’IA ou le deep fake, rien ne vous dira que ce n’est pas moi et moi seul, et cela aura un degré de qualité de plus en plus réaliste.« 

Ian Holm dans Alien : Romulus
Encore quelques éléments à perfectionner, non ?

L’interview datant de mi-2023 et vu le bond technologique à ce sujet depuis, autant dire qu’il y a en effet de quoi s’inquiéter. Toutefois, comme n’importe quelle technologie révolutionnaire, ce n’est pas tant son efficacité et son usage qui est problématique, mais bien son abus. Robert Zemeckis s’était défendu lors d’une interview avec Canal+ pour la sortie de Here justement :

« Nous devons nous prémunir de ce que pourra réaliser l’IA. Mais ce que j’en fais, c’est à dire créer des images pour des films, ce sont juste des calculs informatiques très rapides, ça n’a rien de dangereux ou diabolique. »

Il avait également précisé lors d’autres interviews (et dans le dossier de presse) comme chez Variety, que l’utilisation de l’IA générative de Metaphysic n’avait pas eu d’impact sur le reste des équipes techniques (comprenant bien des départements maquillages, coiffures, costumes, effets spéciaux…).

Robin Wright et Tom Hanks dans Here
Et joyeux Noël bien sûr

Au-delà des séries et des films, l’IA est en tout cas sur toutes les lèvres notamment du côté des secteurs culturels. Fin septembre dernier, Shigeru Miyamoto, le papa de Mario, avait lui-même donné un avis très clair sur le sujet affirmant que Nintendo prendra un autre chemin que l’IA pour ses futures créations. Reste que les statistiques dégagent évidemment une tendance inverse.

Selon une enquête du CNC datant du printemps 2024 (relayée par Les Echos), la moitié des professionnels de l’audiovisuel, du cinéma ou de la publicité a d’ores et déjà fait usage d’outils d’intelligence artificielle (au sens large du terme). Plus précisément, 40% d’entre eux auraient carrément utilisé des IA génératives afin de tester de nouvelles idées. La bataille est donc plus qu’engagée.

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Tout savoir sur Here - Les plus belles années de notre vie
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