Films

Le Fast & Furious hongkongais qui coiffe Vin Diesel et sa famille au poteau : Initial D

Par Axelle Vacher
10 juin 2024
MAJ : 20 novembre 2024
3 commentaires
Initial D

Hué à sa sortie par les aficionados du manga original, l’adaptation cinématographique du vrombissant Initial D par le tandem Andrew Lau et Alan Mak mérite bien que l’on y jette de nouveau un petit coup d’œil.

Certes, la course automobile n’est pas exactement le divertissement le plus écoresponsable qui soit. Un coup d’œil aux voies péniblement amassées par Les Verts aux dernières européennes devrait cependant persuader le spectateur amateur de franchises vroum-vroum que 1/ pourquoi diable se soucier du réchauffement climatique, et 2/ il n’y a rien de foncièrement mauvais à apprécier quelques relents d’huile de moteur depuis le confort de son canapé. 

En 2023, Canal+ pouvait ainsi se vanter de moyenner 1,13 million de spectateurs sur les retransmissions des vingt-deux Grand Prix que compte la saison F1 — un score avoisinant le record historique établi en 2022. À ces chiffres s’ajoute évidemment une liste bien fournie de longs-métrages dédiés au lissage de pneus sur asphalte oscillant entre propositions cultes et essais plus confidentiels. On y retrouve ainsi l’adaptation en prises de vue réelle du très célèbre Initial D de Shūichi Shigeno par le duo Andrew Lau et Alan Mak (que l’on retrouve notamment derrière la trilogie Infernal Affairs), un objet fascinant dont tout le sel repose sur ses scènes de courses montagneuses et leur montage… atypique.

Tofu drift

Assurance tous risques

Inutile de s’attarder plus que de raison sur la question tant ses intrications ont déjà été poncées en long, en large et en travers par l’ensemble de la sphère numérique : oui, porter à l’écran n’importe quel produit de l’animation ou de la bande dessinée japonaise est systématiquement une mauvaise idée. Ce ressentiment, le spectateur aguerri le doit à pléthore de propositions plus indigestes les unes que les autres, tels que les fiascos absolument lunaires qu’ont été (allez, au hasard) les adaptations Netflix de Death Note et Cowboy Bebop, l’affreux Devilman, la catastrophique trilogie Fullmetal Alchemist, et bien entendu, le cauchemar inégalé Dragon Ball Evolution.

Si de nombreux paramètres sont à blâmer dans ces échecs, leur indigence revient principalement à l’incompatibilité pure et simple des médiums. Après tout, l’animation et le storyboard ouvrent chacun la porte à un champ des possibles difficilement assimilable par le dispositif cinématographique. Là où programme numérique et coups de crayon peuvent aisément se jouer du rythme ou des lois de l’optique, la prise de vue réelle nécessite de se plier au concret et ses diverses interactions fondamentales. En d’autres termes : Newton et sa pomme sont effectivement responsables de tous nos malheurs.

Les origines du mal

Le fait est que les œuvres animées le sont pour une bonne raison, et leurs partis pris visuels et narratifs ne trouvent que rarement écho sur un plateau de tournage. Fort de ce principe, certains studios ont préféré verser dans l’image de synthèse plutôt que de forcer une transition inopportune. Cela a par exemple été le cas de Square Enix, déterminé à pousser sa licence Final Fantasy par delà ses horizons vidéoludiques en ayant recours à l’image de synthèse dès 2001 avec Les Créatures de l’Esprit en 2001 (soit, le premier de son genre à se répondre d’ambitions photoréalistes), puis en 2007 avec le tristement incompris Advent Children.

Mais revenons à nos moutons. Contrairement à certains de ses consorts plus fantaisistes, le récit de Shigeno se prête davantage aux caméras et aux protagonistes de chair et de sang. C’est qu’Initial D ne figure point de ninjas volants, de boules de cristal légendaires ou d’affrontements défiant les principes les plus élémentaires de la gravité, mais alterne gaillardement livraisons de tofu et street racing à flanc de montagne. Autrement dit, rien de foncièrement impossible en termes de mise en scène, et encore moins dans un contexte où la saga Fast and Furious confirme depuis 2001 l’intérêt du public envers les moteurs pétaradants.

Quand Justin Lin apprend qu’il y a déjà un Tokyo Drift

Hong Kong Drift

Si l’imaginaire collectif aime projeter le visage crispé de Vin Diesel au moindre crissement de caoutchouc, le drift trouve pourtant ses origines au pays du Soleil Levant dans les années 80, où il rencontre par ailleurs une popularité quasi immédiate. Il n’y a donc rien de bien surprenant à ce que le manga original, écrit en collaboration avec le Drift King en personne Keiichi Tsuchiya, soit parvenu a se forger une solide réputation dès ses premiers chapitres en 1995.

Alors qu’il signe en 1999 The Legend of Speed (suite du Full Throttle de Derek Yee), Andrew Lau s’intéresse de près à l’œuvre de Shinego. S’en suit un travail de longue haleine pour obtenir les droits d’adaptation ; à l’occasion d’un entretien dédié aux bonus DVD de l’édition britannique du film, le cinéaste hongkongais a notamment confié que les négociations ont été le produit d’un processus chronophage étalé sur environ deux ans. 

Ci-joint : l’élément le plus controversé du film

L’accord finalement obtenu, Lau et son coréalisateur Alan Mak ont enfin eu le loisir de plonger les mains dans le cambouis, et si le film est loin de pouvoir prétendre au titre phare de l’année, il est bien impossible de reprocher aux cinéastes de ne pas avoir mis du coeur à l’ouvrage. Soucieux de rendre hommage au mastodonte culturel que représente Initial D pour les communautés concernées, Lau et Mak se sont escrimés à minimiser autant que possible le recours aux effets numériques. La fameuse Toyota Sprinter Trueno que conduit nonchalamment Takumi (ici campé par le chanteur taïwanais Jay Chou) est ainsi reproduite à l’identique par le département automobile de la production, à l’instar des autres voitures imaginées par Shinego. 

L’ambition technique est bien réelle, et ne saurait d’ailleurs s’arrêter en si bon chemin. Les acteurs se sont ainsi vu chacun confier le volant des différents bolides dont ils ont la charge, effectuant dans la foulée une majeure partie de leurs scènes sans la moindre doublure. Si l’idée n’est pas exactement mauvaise sur le papier, n’est malheureusement pas Tom Cruise qui veut — et c’est ainsi que l’acteur principal a manqué de s’envoyer dans le décor au détour d’une prise. Peut-être qu’on repassera pour la sécurité, mais il n’empêche que cela a donné libre court aux scènes les plus audacieuses et organiques du film.

« Tu penses à passer la première la prochaine fois, ok ? »

Ça fait vroum vroum vroum

Arguer qu’Initial D ne brille pas exactement par son scénario reviendrait un peu à flirter avec l’euphémisme. Outre les très (trop) nombreux changements effectués par rapport à l’œuvre originale, le récit ne propose rien de bien novateur ou d’engageant en dehors de ses séquences automobiles. Toutes les ressources techniques et créatrices de Lau et Mak semblent ainsi avoir été concentrées dans la mise en scène, et surtout, le montage des fameuses courses clandestines. Non, le résultat n’est point subtil pour un clou. Mais c’est là tout l’intérêt de la chose.

En multipliant les effets d’assemblage, du plus basique (les moult fondus enchaînés) au plus rétro (l’affreux split screen ci-dessous) en passant par des expérimentations frôlant la compulsion (les douze mille trente arrêts sur image, par exemple), les deux réalisateurs semblent avoir non seulement cherché à proposer une expérience inattendue au spectateur, mais aussi, à capter l’essence du manga pour mieux transcender les médiums. 

+1 pour avoir osé

Comme avancé précédemment, ce que l’animation permet ne résiste que rarement au passage en prises de vue réelles. Plutôt que de tenter la reproduction bête et méchante et de risquer le mauvais goût, Lau et Mak se sont manifestement efforcés d’adapter leur dispositif cinématographique et de proposer, grâce aux outils à leur disposition, des séquences respectant l’intention de l’œuvre originale. En découle ainsi une prise de vue réelle bien plus ambitieuse qu’on ne lui en donne le crédit, et qui, malgré ses nombreuses imperfections, profite d’une exécution réussissant là où d’autres continuent d’échouer. 

L’époque y étant propice, une suite à cet Initial D était initialement prévue par le studio. Néanmoins, si le projet n’a jamais été proprement annulé, nombre d’éléments — à commencer par le fait que presque vingt ans plus tard, rien n’ait encore été mis en chantier — suffisent à considérer qu’il a été abandonné par ses têtes pensantes. Mais puisque le prix au litre du carburant n’est pas encore assez faramineux pour en dissuader certains, une nouvelle adaptation, cette fois-ci chapeautée par Sung Kang (oui, l’interprète de Han chez Fast and Furious) a d’ores et déjà été annoncée fin 2023, et devrait investir les salles obscures d’ici 2025. On lui souhaite d’être meilleure, mais pas aussi touchante.

Rédacteurs :
Vous aimerez aussi
Commentaires
3 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Kuma85

Une immonde bouse quine respecte en rien le manga d’origine ni l’animé qui en est tiré.
Rien ne va, ni dans les personnages, ni dans les voitures, 0/10.

CIDJAY

Le film etait naze, mais la série ( le première en tout cas) n’était déjà pas bien gégé…

batmalien

Merci pour la découverte !