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Oppenheimer sur Netflix : pourquoi la scène de l’explosion est un grand moment de cinéma

Par Alexandre Janowiak
21 décembre 2024
22 commentaires
Oppenheimer : Pourquoi la scène de la bombe est incroyable spectacle de cinéma

La scène de l’explosion de la bombe dans Oppenheimer de Christopher Nolan a divisé les spectateurs, et pourtant, c’est une énorme claque de cinéma.

Avant de devenir l’énorme carton qu’on connaît (975 millions de dollars récoltés au box-office mondial), Oppenheimer a mis les bouchées doubles pour attirer le public dans les salles. Comparaison avec la fin d’Inception, ressemblance avec la trilogie Dark Knight, promesse d’un film d’horreur… tout y est passé pour espérer conquérir les spectateurs. Et avec un film racontant la conception de la bombe nucléaire, Universal a surtout décidé de capitaliser sur la reconstitution de l’explosion pour vendre un grand spectacle pyrotechnique au cinéma.

Ainsi, la promotion a largement mis en avant le choix de Christopher Nolan de recréer l’effet d’une bombe atomique sans utiliser aucun CGI dans l’excellent Oppenheimer. Si Christopher Nolan n’a pas déclenché une véritable bombe A dans le désert du Nouveau-Mexique, son élaboration précise reste un secret bien gardé (pour le moment toutefois). Une chose est sûre, la séquence est largement à la hauteur des promesses. Retour sur ce très grand moment de cinéma. Attention spoilers !

NB : ce papier a été publié à l’origine lors de la sortie du film au cinéma et est MAJ pour son arrivée sur Netflix en France

nuclear bomb

Loin d’être un simple film sur le processus de création de la bombe atomique, Oppenheimer est avant tout une longue plongée dans l’esprit de son créateur, Robert Oppenheimer, et une exploration du retentissement de cette arme à travers le temps. Car oui, le constat du film est assez limpide et terrifiant : la bombe atomique a été créée pour battre les nazis, a permis de se défaire des Japonais, mais est surtout devenue l’une des plus grandes menaces pour la survie de l’humanité.

Le premier test de la bombe nucléaire, ayant eu lieu le 16 juillet 1945, a donc marqué un tournant dans l’Histoire, un impossible retour en arrière, future épée de Damoclès pesant au-dessus de nos têtes pour l’éternité. Et forcément, Christopher Nolan ne pouvait pas se contenter de faire exploser une simple bombe. Le cinéaste a donc trouvé le moyen parfait pour mettre en scène ce point de bascule historique, en le fixant hors du temps. Précédée d’une séquence terriblement haletante, portée par le morceau Trinity de Ludwig Göransson, la scène de l’explosion déjoue ainsi totalement les attentes.

En effet, lorsque le compte à rebours affiche zéro, le long-métrage plonge les spectateurs dans un silence absolu, laissant la puissante lumière causée par la bombe éblouir les personnages. Dans une succession de plans fixes, où l’on entend seulement la respiration des personnages, le feu de l’explosion envahit alors l’atmosphère. Loin de la séquence tonitruante fantasmée, c’est donc un spectacle hypnotisant et silencieux (ou quasi, on entend la musique discrète de Göransson) que Christopher Nolan nous offre.

Tout du moins, avant que l’obscurité remplace la lumière et que l’immense détonation de la déflagration (et le souffle) atteigne enfin les personnages. Un bruit étourdissant qui ramène les personnages du film à la réalité : derrière la fascinante beauté de l’explosion, leur bombe est surtout une création terrifiante qui semble avoir réveillé les enfers.

En deux minutes, avec ce simple jeu visuel et sonore, Christopher Nolan déploie la puissance du cinéma, conjuguant admirablement ces deux éléments (son et image) et rappelant l’importance de leur tempo grâce à ce décalage évocateur (par ailleurs, scientifique).

Oppenheimer : Photo Cillian Murphy
Un spectacle étincelant

this is cinema !

Un choix esthétique et sonore qui pourrait largement diviser tant Nolan prend le contrepied des blockbusters d’action hollywoodiens actuels (souvent assourdissants). Pourtant, il s’agit bel et bien d’un grand moment de cinéma, où l’on peut également voir une mise en abyme même de notre expérience de cinéma.

Après tout, les personnages de Oppenheimer se préparent tous à découvrir la bombe comme s’ils étaient dans une salle de cinéma. Qu’ils s’assoient sur leur siège comme au cinéma, se trouvent dans leur voiture comme dans un drive-in ou portent des lunettes comme pour une séance en 3D, le cinéma est partout. Robert Oppenheimer lui-même découvre l’effet de sa propre création à l’intérieur d’une petite cabine et à travers une petite fenêtre, comme pourrait le vivre un projectionniste au coeur d’un cinéma (ou un cinéaste observant une salle du coin de l’oeil).

Oppenheimer : Photo Cillian Murphy
Quand t’es au premier rang dans une salle IMAX

Bref, les personnages regardent l’explosion sans un mot, captivés par l’événement qu’ils sont en train de regarder. Soit peu ou prou ce que sont censés vivre les spectateurs au cinéma et ce que vivront un certain nombre d’entre eux devant la reconstitution de cette explosion dans Oppenheimer.

Une sublime séquence qui prouve d’autant plus la grande sincérité artistique de Christopher Nolan. Non seulement, il est toujours déterminé à (et soucieux de) nous offrir un grand moment de cinéma – pas étonnant qu’il ait donc mis des années à concevoir cette scène de l’explosion. Mais plus encore, il semble impatient de découvrir nos visages émerveillés devant le spectacle qu’il nous aura proposé. Chapeau l’artiste.

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Jean François Truffard

« derrière la fascinante beauté de l’explosion, leur bombe est surtout une création terrifiante qui semble avoir réveillé les enfers. » la synthèse du cinéma de Nolan, 3 heures de complications virtuoses qui accouchent d’une réflexion d’adolescent. La bombe c’est beau mais ça fait des morts.
Ce film aurait pu être pertinent il y a 60 ans. Mais bon, puisque c’est bien fait, c’est du grand cinema paraît il. Écran large mais pensée étriquée. Ça m’étonne pas que Nolan soit un dieu pour vous

Jacohubert

Long, soporifique, ennuyeux…bref, heureusement qu’il y a eu le boom de Trinity pour me sortir de mon sommeil. Pour ceux qui ont vu « Les maîtres de l’ombre » de Rolland Joffé à propos du projet Manhattan, passez votre chemin..Nolan est aux fraises…Et même le sujet du Maccartysme est traité à la « vas y que je te pousse… ». C’est nul, c’est zéro, c’est 3 heures à s’emmerder!

Peretcharmass

… la couleur est remplacée par un noir et blanc ultra contrasté alors que le seul son est un sifflement strident avant que l’onde de choc mécanique puis thermique ne produisent les ravages sur les populations et les bâtiments. Cette scène, malgré une pauvreté technique est saisissante et peut-être plus puissante émotionnellement que celle du film de Nolan.

peretcharmass@gmail.com

Bonjour,
Entièrement d’accord sur ce grand moment de cinéma ou la sobriété sonore renforce le spectaculaire visuel.
Nolan n’a cependant rien inventé, l’animé Gen d’Hiroshima usait il y’a plus de 2 décennies avec encore plus d’émotion du même procédé pour montrer l’explosion nucleaire à hauteur d’homme : la couleur cédait au moment du blast lumineux à un noir et blanc ultra contrasté et un simple si

Spamnco

Clairement déçu par cette scène en particulier survendue par la promo et qui ne correspond pas aux images de l’explosion qu’on trouve sur Google. Il faut attendre 2h pour que l’intention de Nolan soit enfin révélée car la première partie du film, du fait du découpage et de la juxtaposition de deux ou trois périodes historiques laisse le spectateur dubitatif quand aux faits qui se déroulent.
Encore une fois Nolan a un propos volontairement confus qui n’a pas de sens dans un biopic et peut s’apparenter à du maniérisme (certains diront une patte). C’est long, compliqué à suivre et au final pas passionnant alors que l’histoire elle-même l’est.
Faire du cinéma pour quelques fans du genre a du sens, à la condition exclusive de le faire dans un budget raisonnable et de ne pas vendre le résultat comme un blockbuster.
Le moindre rôle tertiaire est ici tenu par des acteurs qui ne quittent pas leur caravanes pour moins d’un million de dollars et qui n’apportent rien au film (ok pour les premiers rôles qui sont excellents).

Je n’ai pas détesté Oppenheimer mais je n’ai pas aimé qu’on nous vende un film sur une explosion nucléaire quand on final on a surtout un film sur la folie humaine qui justifie tout et n’importe quoi (cf le dialogue sur le nombre d’enfants qu’il est acceptable de sacrifier pour atteindre un but hypothétique).

Euh

Alexandre est visiblement encore émerveillé par Nolan, c’est mignon. Il faut réussir à fermer les yeux sur plus de 2h de dialogues en champ contre champ rythmé par une BO atroce, l’affreux Tenet avait au moins la décence d’être un peu plus court. Que c’est loin Memento.

Sigi

@Kyle Reese Merci de partager la preuve que Nolan n’a pas su reproduire le test Trinity. Sois jamais avocat ahahah

Mic mac

@的时候水电费水电费水电费水电费是的 Kyle Resse
Pas pour contredire, mais es-tu sur de ne pas voir de champignon dans la vidéo de ton lien ?
Parce que perso, je trouve qu’on ne voit que cela. Ou alors on a pas la même définition de ce qu’est un champignon. A ne pas confondre avec un nuage lenticulaire.

Cidjay

BOF… j’ai écouté la piste sonore (je n’ai pas vu le film) sans le film, c’est d’un chiant…
Des nappes de son dissonnantes s’ajoutant les unes sur les autres pendant 6 minutes… ça c’est de la composition !
Décidémment, les compositeurs ont laissé place à des sounds designer !

Jul

En effet, cette bombe « cinématographique » dont on ne sait qu’elle force elle va avoir et qui donne l’image avant sa claque ressentie ensuite par le public et l’ovation que cela entraîne. Il ne peut y avoir que des aigris qui voulaient en voir plus comme une tribune de bombe bien plus forte (bombe H pour toujours faire plus dans la concurrence à faire toujours plus d’effet).