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Le grand film censuré sur la guerre d’Algérie qui a inspiré Kubrick : R.A.S

Par Léo Martin
17 octobre 2024
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RAS : le grand film censuré sur la guerre d'Algérie qui a inspiré Kubrick @ Canva UGC Distribution

La guerre d'Algérie filmée dans R.A.S n'est pas glorieuse. Et pour son propos antimilitariste, le réalisateur Yves Boisset a encore eu des problèmes.

Dans la biographie de François Truffaut (écrite par Antoine de Baecque et Serge Toubiana), on apprend que le célèbre cinéaste aurait, un temps, envisagé de faire un film sur la guerre d'Algérie. Un sujet important, digne d'être capturé par le cinéma avec un ton évidemment critique et politique. Il y renoncera toutefois, ne sachant pas comment s'y prendre. Car après tout, selon lui, "montrer quelque chose, c'est l'anoblir."

C'est d'ailleurs Truffaut qui, en 1973, dans une interview du Chicago Tribune, aurait déclaré que "chaque film sur la guerre finit par être pro-guerre." Le cinéma se retrouverait donc impuissant face à l'horreur, incapable de la représenter pour la dénoncer ? Pourtant, la même année que l'interview, sortait dans les salles de cinéma un long-métrage sur la guerre d'Algérie fondamentalement antimilitariste. À tel point qu'il sera saboté, houspillé et censuré. Il s'agit de R.A.S réalisé par l'irrévérencieux Yves Boisset (Le Prix du danger, Dupont Lajoie).

(In)soumission

R.A.S le bol de la guerre

À l’instar d'œuvres comme le Voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino (le premier film américain sur la guerre du Viêt-Nam), R.A.S. d'Yves Boisset ne s'intéresse pas tant à reconstituer le conflit armé (les batailles, les instants de bravoure et l'épique) qu'à s'attarde sur l'humanité des soldats et l'inhumanité de leur environnement. Allant plus loin encore, le long-métrage français s'attaque à la violence structurelle de l'armée, filmée comme brutale, raciste, inique et capable du pire dans ses propres rangs.

R.A.S raconte donc l'histoire de March, Charpentier et Dax, des réservistes marginaux (dont un communiste) qui se retrouvent dans un bataillon disciplinaire. À l'écart du gros du conflit, ils sont entraînés à la dure, subissant l'autorité traumatisante de leurs supérieurs. Pris malgré eux dans l'engrenage de la mort, ils seront témoin des exactions commises par leurs semblables : viols, pillages, tortures. Jamais subtil dans sa volonté de dénoncer l'institution militaire française et ses actions en Algérie, R.A.S fera même l'éloge de la désertion. Ultime blasphème qui ne plaira guère.

"Si vous me poursuivez, prévenez vos gendarmes que je n'aurai pas d'armes et qu'ils pourront tirer"

La guerre d'Algérie, qui a opposé la France coloniale au Front de libération nationale (FLN) algérien de 1954 à 1962, a longtemps demeuré un sujet tabou dans le cinéma français. La question de l'armée et du devoir des citoyens envers elle fut aussi très sensible, certains ne permettant pas la critique vis-à-vis d'un ordre sacré, qui assurerait prétendument l'ordre et la paix.

Dans les années 1960, le gouvernement français impose ainsi un contrôle sévère sur tous les films qui évoquent ce conflit, notamment en interdisant systématiquement les œuvres de René Vautier (par exe...

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