Films

RRR, Kalki 2898 AD… pourquoi les blockbusters indiens cartonnent toujours plus au box-office ?

Par Antoine Desrues
23 août 2024
MAJ : 20 novembre 2024
rrr kalki 2898 ad abo box office tollywood © Canva Friday Entertainment

Le succès fou de Kalki 2898 AD et de RRR en Inde et à l’international confirme l’importance prise par les productions de Tollywood au box-office. Décryptage.

Contrairement aux idées reçues, Bollywood ne définit pas l’intégralité du cinéma indien, même si cette industrie est encore aujourd’hui la plus prolifique au monde. A l’image de ses diverses régions et de ses dialectes, le pays possède plusieurs pôles de cinéma, qui font de plus en plus concurrence à Bombay. Là où Kollywood produit ses films en langue tamoul près de Madras (au sud-est), Tollywood est basée à Hyderabad (au sud), et tourne en télougou.

Si chaque industrie a ses spécificités, tout ce beau monde réussit désormais à s’exporter, non seulement au sein du territoire local (grâce à une diffusion multilingue accrue), mais aussi à l’international. Tollywood, en particulier, s’impose depuis la fin des années 2010 comme l’outsider qui ne cesse de grandir, au point de pleinement prendre sa place dans la cour des grands. Explications.

Ça Naatu Naatu sur le box-office

Kalki 2898 AD : une nouvelle date pour le blockbuster indien ?

Alors qu’Hollywood n’a cessé de façonner son expansion au box-office du côté de l’Asie (et surtout de la Chine), ces cibles ferment de plus en plus leurs portes aux productions américaines. Le public valorise les blockbusters locaux. Il est logique que ces succès rendent curieux, et atteignent pour certains d’entre eux nos salles de cinéma.

Dans le cas de la Chine, nombreuses sont les œuvres à rester invisibles en Occident, mais l’Inde étend considérablement son catalogue. Un boom se pressentait, et il a été précipité par le Covid, dont le box-office américain a eu du mal à se remettre. Tandis que les franchises les plus installées ont connu des chiffres parfois décevants depuis la fin de la crise sanitaire (Marvel, DC, Lucasfilm ou encore Fast & Furious), les phénomènes indiens ont fait parler d’eux, et ont commencé à grappiller des places dans le top 10 hebdomadaire étasunien.

Kalki-epic
Du ralenti dans les cheveux et un gros mecha : forcément on aime

2024 est en soi un très bon exemple. Le début de l’été s’est montré catastrophique à plus d’un titre au niveau des entrées (The Fall Guy, Furiosa…), avant que quelques poids lourds comme Vice-Versa 2 ne viennent relever la barre. Dans ce contexte, Kalki 2898 AD, méga-projet de science-fiction très coûteux (65 millions de dollars de budget, une fortune pour un film indien), n’a pas eu beaucoup de difficultés à se hisser à la 5e place du box-office américain lors de sa sortie le 27 juin.

Pour son premier week-end sur le sol US, le long-métrage de Nag Ashwin, qui comptait parmi les plus attendus de l’année, a récolté 5,6 millions de dollars. La somme peut sembler faible, mais elle n’est pas si éloignée des 11 millions récupérés par Horizon de Kevin Costner, sorti à la même date. Dans le cadre d’un film indien, c’est tout à fait honorable, et proche des plus gros succès récents du genre (les 6,8 millions de Pathaan en 2023 et les 9,5 millions de RRR en 2022).

Au terme de son exploitation, Kalki a atteint la barre des 18 millions de dollars de recettes en Amérique du Nord. Un score qui en fait le deuxième plus gros succès du cinéma indien sur le territoire, devançant les 17 millions de Pathaan (film bollywoodien pour le coup), mais derrière les 20 millions de La Légende de Baahubali 2, sorti en 2017.

Ah oui, 300, on connaît

RRRouler sur la concurrence

Il est d’ailleurs important de revenir sur le cas de Baahubali, fresque épique en deux parties qui a intronisé le réalisateur S.S. Rajamouli avant le carton plein de RRR. Sur le papier, La Légende de Baahubali condense pas mal des codes attendus du cinéma indien : les passages musicaux, les ralentis esthétisés et les scènes d’action aussi jouissives qu’improbables.

Sauf qu’au-delà de la sincérité évidente de Rajamouli, et de son savoir-faire hautement divertissant, il y a dans son diptyque une approche du mythe et de son écriture qui dépasse son aspect exotique. Et c’est en partie pour cette raison que le film est toujours à l’heure actuelle le deuxième plus gros succès mondial de l’histoire du cinéma indien (308 millions de dollars, ajustés à l’inflation).

Baahubali : le nouveau Seigneur des anneaux

Kalki explore à sa manière ce même équilibre. Son scénario a pour enjeu la naissance d’une réincarnation du dieu Vishnou, mais le tout est enrobé dans une science-fiction post-apocalyptique beaucoup plus universelle et mondialisée dans son esthétique.

Selon The Hollywood Reporter, qui s’est entretenu avec un représentant d’Ormax Media (le spécialiste dans l’analyse des films et des séries en Inde), le succès de Tollywood doit beaucoup à cette approche diversifiée et renouvelée du storytelling. Kalki n’est pas seulement un immense blockbuster. Il est censé lancer sa propre franchise, son Kalki Cinematic Universe. L’inspiration du côté de Marvel Studios est claire, et se confirme avec d’autres exemples.

Shah Rukh Khan (ici dans Pathaan), toujours au sommet du box-office

À Bollywood, les stars Shah Rukh Khan et Salman Khan sont à la tête du Spy Universe, sorte de cross-over de films d’espionnage dont Tiger et Pathaan sont les principaux représentants. Et du côté de Kollywood, le Lokesh Cinematic Universe (en référence au nom du réalisateur Lokesh Kanagaraj) est en train de construire un univers étendu de films d’action, pour le moment porté par les succès de Kaithi, Vikram et Leo.

Ajoutez à ça un star-system bien plus puissant en Inde qu’aux États-Unis, et vous avez là l’évidence d’un phénomène qui accapare de plus en plus de spectateurs. Alors que Baahubali a profité d’un bouche-à-oreille au fil des ans, RRR est carrément devenu une porte d’entrée pour de nombreux cinéphiles curieux (et on en fait partie), laissés bouche bée par le grand spectacle épique et jusqu’au-boutiste de Rajamouli. Reparti entre temps avec l’Oscar de la meilleure chanson originale pour le fameux Naatu Naatu (une première dans l’histoire du cinéma indien), le film confirme que Tollywood est en train d’asseoir son emprise sur le box-office mondial.

Un film qui met de bonne humeur

En crores plus ?

Si Baahubali 2 reste le recordman intouchable (encore une fois, 308 millions de dollars de recettes mondiales), RRR a tout de même récolté 176 millions de dollars dans le monde (ajustés à l’inflation). De son côté, Kalki a dépassé la barre des 180 millions, allant plus loin que les deux records de 2023, Jawan et Pathaan, avec leurs chiffres respectifs de 140 et 130 millions. En bref, le palier symbolique des 100 millions est franchi plus régulièrement par les blockbusters indiens.

Mais il est peut-être encore plus pertinent de constater cette réussite en roupies. Pour les grandes sommes d’argent, l’Inde utilise le crore (en bref, un crore est égal à 10 millions de roupies) et le box-office comporte désormais un cercle fermé de films qui sont parvenus à atteindre les 1 000 crores (soit 10 milliards de roupies). Pour Kalki, il a suffi de 15 jours, et son total de 1 500 crores (ajusté à l’inflation du dollar, le nombre réel est de 1 100) le positionne déjà à la troisième place du podium, derrière Baahubali 2 (2 010 crores) et le film hindi Dangal (2 023 crores), sorti en 2016. RRR étant à la quatrième position, trois films sur cinq du top 5 proviennent de Tollywood.

Nul doute qu’avec des résultats aussi exponentiels, l’Inde (et Tollywood en particulier) va investir toujours plus dans des blockbusters coûteux. C’était le risque pris par Kalki 2898 AD et son budget massif, mais il a clairement payé.

Rédacteurs :
Tout savoir sur Kalki 2898 AD
Vous aimerez aussi
Commentaires
3 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Djek57

Pourquoi on ne trouve pas RRR sur les plateformes?

ringo

Bah, avec 1,5 milliards d’habitants, faut pas chercher plus loin. Et suis bien content de ne pas faire partie de ce public même si j’aime bien leur bouffe, parce que leur… cinéma, pour ce que j’ai testé, c’est…….. vraiment pour eux.

at-tlantis

L’Inde est désormais le pays le plus peuplé du monde. Il suffit que seulement 1 % de la population aille voir un film pour en faire un énorme succès ! 😄