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S.O.S. Fantômes déjà parmi les flops de 2024 : La Menace de Glace montre bien les limites des sagas

Par Geoffrey Crété
2 juin 2024
MAJ : 7 juin 2024
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S.O.S. Fantômes : La Menace de glace n’a pas vraiment été un succès… mais est-ce qu’on peut parler d’échec ? Comment analyser et comprendre les attentes du studio avec cette saga culte ?

Chaque année, c’est l’un des jeux incontournables, qui peut se révéler très divertissant ou profondément déprimant selon les cas : celui des plus gros bides du box-office. 2024 compte déjà quelques prétendants avec le fiasco Madame Web, Argylle, Lisa Frankenstein ou encore The Ministry of Ungentlemanly Warfare, sachant que l’appellation “flop” peut tout aussi bien désigner un désastre absolu qu’une déception méritant une analyse plus nuancée. 

Le nouveau SOS Fantômes appartient plutôt à cette deuxième catégorie. Après le joli succès de SOS Fantômes : L’Héritage en 2021, qui avait fait oublier l’échec de SOS Fantômes en 2016, SOS Fantômes : La Menace de glace devait tout simplement continuer l’exploitation du filon Ghostbusters. Ni plus ni moins. Mais comment mesurer la réussite d’une telle opération de business ? Le cinéma est-il si important, ou n’est-ce finalement qu’une simple formalité ?

On revient en détail, chiffres à l’appui, sur le succès (ou pas) de ce S.O.S. Fantômes 4.

Fantômasse

SOS Fantômes : La Menace de glace fait partie d’une franchise qui compte cinq films, des séries, des jeux vidéo, des comics et bien d’autres choses inutiles. C’est donc ainsi qu’il faut l’analyser : comme un épisode, et par rapport aux autres films. Parce que la raison d’être d’une suite est bien de capitaliser sur une marque.

Pour les studios, les sagas représentent une certaine idée de la sécurité. On compte sur le public acquis, on espère qu’il grossira naturellement (grâce au marché de la vidéo, SVoD, etc), voire on espère que la franchise traversera les âges pour que les parents emmènent leurs enfants. Ghostbusters n’est pas Star Wars, mais c’est la même logique. Et c’est pour ça que Bill Murray, Dan Aykroyd, Ernie Hudson et compagnie ont été ramenés.

C’est la première raison pour laquelle S.O.S. Fantômes : La Menace de glace ressemble a priori à un non-succès : comparé à L’Héritage sorti en 2021, il a fait moins bien, à tous les niveaux. Soit le contraire de la logique business pour une telle franchise.

Allez, on va analyser ce machin

Tous les rires les S.O.S.

Le calcul est simple. En 2021, L’Héritage a encaissé plus de 204 millions au box-office mondial, avec un budget officiel de 75 millions. En 2024, La Menace de glace a empoché moins (environ 200 millions), tout en ayant coûté plus cher (100 millions). La différence n’est pas immense, mais elle est bien là. Et encore, c’est en considérant que le budget marketing de ce nouveau film n’était pas plus élevé, ou que le casting ne bénéficiait pas d’une part plus importante sur le box-office.

Si on regarde plus en détail, c’est encore pire. Au box-office domestique, qui est le plus important puisque c’est là que le studio récupère le plus sur les recettes, La Menace de glace a également fait moins bien : à peine 113 millions, contre 129 millions pour L’Héritage.

Notre petit guide pour tout comprendre au box-office

Cette douche froide est d’autant plus notable que le film de 2024 avait démarré un peu mieux, avec 45 millions sur son premier week-end américain, contre 44 millions pour le précédent épisode. C’est après que les choses se sont compliquées, puisque La Menace de glace a accusé une chute de fréquentation bien plus importante que L’Héritage. Autrement dit : le public a simplement moins aimé ce film, qui n’a pas bénéficié d’un bon bouche-à-oreille.

Le public qui répand la bonne parole après le premier week-end

Le business Ghostbusters

Mais la vie d’une superproduction S.O.S. Fantômes continue au-delà des salles de cinéma, et c’est peut-être là que le plus gros se joue. Car au-delà des films, il y a la marque, et le business du studio Sony et sa division Ghost Corps.

Créée en 2015, la société Ghost Corps est le fruit des business men et/ou gardiens du temple Dan Aykroyd (coscénariste des films et interprète de Ray Stantz), Ivan Reitman (réalisateur des deux premiers films) et son fils Jason Reitman (réalisateur de L’Héritage, et coscénariste-producteur de La Menace de glace). Ghost Corps est une division de Sony Pictures Entertainment, et son rôle est simple : gérer la marque, et son merchandising.

La gueule de la marque, 40 ans après

Si vous voulez un parfait exemple de ce petit business lucratif, pensez à Stranger Things. Quand les mômes portaient les costumes de Ghostbusters dans la saison 2, c’était certes un joli petit hommage, mais aussi une collaboration entre l’équipe de la série Netflix, Ghost Corps, et Sony Pictures Consumer Products. Ainsi a pu naître une collection de godasses, grâce à un deal avec Reebok. La même année, Ghost Corps profitait de la sortie du film réalisé par Paul Feig pour proposer Ghostbusters : Dimension, une expérience entre réalité virtuelle, musée et escape game, à New York.

Vous l’aurez compris : Ghost Corps a pour mission de vendre des mugs, des t-shirts, des slips et autres choses de qualité pour que la marque Ghostbusters perdure et rapporte plein d’argent.

Attention : un coup marketing se cache derrière ce mignon petit hommage

Merci netflix, merci Disney

La création de Ghost Corps prouve que le studio Sony avait de grands projets pour la marque S.O.S. Fantômes, ce que la sortie de trois longs-métrages en moins de dix ans ont prouvé. Mais au fond, tout ça participe à un cercle « vertueux » de business. Que ce soit la production de films à 100 millions ou un hommage glissé dans Stranger Things, tout ça a pour même but de maintenir la flamme Ghostbusters, et de permettre à la licence de jouer son rôle dans l’écosystème du studio.

Pour preuve : les contrats juteux que Sony a signés avec Netflix et Disney pour la diffusion en streaming de leurs films dès 2022 – d’abord exclusivement sur Netflix pendant 18 mois, puis sur les plateformes liées à Disney. A l’époque, Forbes parlait d’un deal sans précédent et d’un gain potentiel de 3 milliards sur cinq ans pour Sony, quand Deadline parlait d’une offre d’1 milliard de Netflix.

Comme l’écrivait Variety à l’époque, ce type de contrat est devenu une source de revenus vitale pour les studios… qui n’ont pas leur propre plateforme de streaming. Pendant que Disney, Warner Bros. et les autres continuent à investir (et perdre) des sommes massives pour faire tourner leurs boutiques SVOD, Sony se contente de revendre ses films aux concurrents, sur un créneau où ils ne sont pas en concurrence. Leurs productions ont une durée de vie assurée auprès de millions d’abonnés, et les propriétaires de ces plateformes remplissent leur catalogue pour attirer ou garder les abonnés.

Sony quand il faut vendre le film au public

S.O.S. Fantômes n’est peut-être qu’une goutte d’eau dans le catalogue Sony, au milieu des Spider-Verse, Bad Boys, Morbius, Uncharted, Jumanji, Bullet Train et Insidious, mais il ne faut probablement pas sous-estimer la popularité de la marque. Dans les communiqués de presse officiels parus en 2021, Netflix mettait en avant « les franchises bien-aimées et les nouvelles propriétés intellectuelles » qu’ils allaient pouvoir exploiter, quand Disney parlait des « films familiaux » prochainement disponibles pour leurs abonnés. Ghostbusters coche ces cases.

Les films S.O.S. Fantômes ont donc joué un rôle essentiel. Ils ont ramené et réactualisé une marque vieillissante, hier associée à des septuagénaires, et désormais portée par des visages dans l’air du temps (un acteur Marvel par ci, un ado de Stranger Things par là). Par ailleurs, du succès des films dépend la somme touchée par Sony dans le cadre du contrat avec Netflix, selon Variety – plus le film cartonne au box-office, plus cher il coûtera à la diffusion. Sony a donc tout intérêt à continuer à faire des films, et à s’assurer de leur succès.

Sony quand il faut négocier avec Netflix et Disney

Où va la saga S.O.S. Fantômes ?

Ce ravalement de façade de S.O.S. Fantômes a tout de même permis de reprendre le contrôle de la franchise face à l’équipe d’origine, et notamment Bill Murray. Depuis S.O.S. Fantômes 2 en 1989, les producteurs ont essayé plusieurs fois de monter un S.O.S. Fantômes 3, en ayant conscience que l’interprète de Peter Venkman était le visage le plus célèbre de la franchise. Mais dès la fin des années 90, ils ont cherché un moyen de s’en passer.

Dans une version du scénario de Ghostbusters 3 : Hellbent, Venkman avait quitté l’équipe. Dans une autre, il était remplacé par un personnage plus jeune, et le nom de Ben Stiller était évoqué. En 2009, le jeu vidéo Ghostbusters : The Video Game a finalement ramené toute l’équipe, pour être considéré comme le vrai S.O.S. Fantômes 3. Et pendant que le studio cherchait un moyen de créer une nouvelle équipe de Ghostbusters, Ivan Reitman, Dan Aykroyd, Bill Murray et Harold Ramis gardaient un droit de veto, selon un article de Vulture de 2010.

S.O.S. Fantômes 1984
Ça, c’était en 1984

Après une vingtaine d’années et de problèmes, il fallait avancer. Le film de 2016 a tenté une option : un reboot avec une toute nouvelle équipe, et des apparitions du casting original dans d’autres rôles. Même s’il a été largement rejeté (notamment par Dan Aykroyd, malgré sa présence au générique), ce S.O.S. Fantômes était la première production de Ghost Corps. C’était donc une première manœuvre officielle pour recalibrer la marque.

Après ce désastre, S.O.S. Fantômes : L’héritage a fait machine arrière, avec l’option plus douce : une nouvelle équipe certes, mais qui descend directement des anciens. Une manière d’avancer sans trop se mouiller, tout en flattant les egos (le public d’origine qui retrouve ses copains, les anciens acteurs qui touchent un joli chèque et reviennent sous le feu des projecteurs).

S.O.S. Fantômes version 2016
Ça, c’était en 2016

Deux films plus tard, la mission est accomplie. Ghostbusters est bien revenu. Mais à quel prix ? Sans même prendre en compte l’inflation ni les budgets, le premier film sorti en 1984 reste le plus gros succès de la franchise, avec près de 300 millions au box-office pour un budget officiel de 30 millions. Plus aucun film ne s’est approché d’un tel chiffre.

40 ans après le premier opus, La Menace de Glace fait le pire score de la franchise au box-office mondial, avec 200 millions. Et si on regarde les détails des films (notamment l’énorme budget du film de 2016 qui en fait un énorme bide), la saga est bien sur une douce dégringolade.

Pendant la promo du film en 2024, le réalisateur Gil Kenan évoquait bien entendu des suites. « Si le public est partant, on sait ce que les prochaines histoires vont être », racontait-il chez Total Film. Du côté d’Entertainment Weekly, il expliquait qu’ils avaient même des idées pour développer les histoires des Mini-Pufts, présents dans la scène post-générique (nulle).

Ajoutez à ça les déclarations de Tony Vinciquerra, le PDG de Sony Pictures Entertainment, qui a dit en mai 2024 que le studio comptait intégrer les IA pour réduire les dépenses dans la production des films, et vous avez de quoi faire quelques cauchemars. Allez, on se retrouve bientôt pour parler de la série Mini-Pufts générée par un scénariste et 45 IA, et qui servira à remplir les fonds de catalogue de Netflix et Disney.

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Wooster

J’ai essayé de revoir le premier Ghostbuster il y a quelques semaines… et il faut reconnaître que ça a très mal vieilli. Bien sûr les effets spéciaux sont à la ramasse comparés aux standards d’aujourd’hui, mais ça, ce n’est pas grave. Par contre c’est lourdingue et infantile au delà du supportable. Il y a des souvenirs qu’ils faut laisser tels quels, c’est à dire à l’état de souvenir.

petitbiscuit

Quand tu as connue les premiers films et le ton de ces derniers…il ne fait aucun doute qu’un goût de trahison émerge, le premier était un peu sulfureux, piquant et destiné à un public même plus adulte mais qui peut se regarder chez les jeunes.

Dans le dernier on a voulu refourguer un truc pour gamin et les clins d’oeil piquent plus l’oeil qu’autre chose, c’était même malaisant de voir les vieux revenir vaguement comme un air de vieillerie qui devrait ne plus quitter l’ehpad.

fedor

Hollywood n’a pas assez de concurrent, il domine sans adversaire, rien ne changera.

oliviou

Vachement intéressant, tout cet aspect business autour de Ghostbusters. Je pensais naïvement qu’ils faisaient des suites un peu au hasard, l’une après l’autre, et se navraient de ne pas avoir plus de succès. Mais comprendre qu’il y a finalement une stratégie globale de marque dont la sortie en salles n’est même pas le maillon le plus important, ça remet les choses en perspective !