Les libertés prises par Sous la Seine vous ont choqué ? Préparez de quoi amortir votre descente d’organes quand vous regarderez Shark Night a.k.a Shark 3D, sommet de kitsch des années 2010 et de vulgarité sanglante étrangement satisfaisant.
A partir de quand peut-on tirer d’un mauvais film un plaisir (presque) coupable ? Les braves gars de Nanarland ont consacré une rubrique entière à cette question. Leurs bases de données n’incluent cependant pas Shark Night, sorti en France sous le titre très sobre Shark 3D (et sous le titre encore plus sobre Requin 3D au Québec) en 2011.
Pourtant, le long-métrage réalise par David R. Ellis (Destination finale 2… et 4) est selon nous un sérieux prétendant au titre de nanar typique des années 2010, alternant beauferie chimiquement pure et twists complètement cons, quelque part entre le faux sérieux des Dents de la mer 4 et le ricanement postmoderne de Sharknado. Bienvenue dans un monde parallèle où les requins nagent dans les lacs et où les femmes sont toutes des bouts de viande, au propre comme au figuré.
Sharks on a lake
Shark Night est l’œuvre de David R. Ellis, ancien coordinateur de cascades et réalisateur de second équipe responsable de films qui fleurent bon les années 2000, les téléphones à clapet et le Axe parfum Dark Temptation.
Parmi eux on compte Cellular, mais surtout le culte Des Serpents dans l’avion, ainsi que le meilleur et le pire volet de la saga Destination finale, à savoir le deuxième et le quatrième. Malheureusement, c’est ce dernier qui va lui valoir le poste de metteur en scène sur un projet alors en train de se concrétiser.
Tout le monde s’en souvient : on est au tout début des années 2010 et Avatar vient de prouver que le grand public aime la 3D. Mieux encore : le public adolescent aime la 3D cheap dans des séries B taillées sur mesure pour lui. Une théorie prouvée donc par Destination Finale 4 et ses prolapsus anales en relief, qui a rapporté la bagatelle de 186,1 millions de dollars au box-office, soit le plus gros score de la franchise.
C’est parce qu’il a su concilier le cahier des charges de la prod’ horrifique américaine et un tournage en 3D qu’Ellis est sélectionné pour concrétiser un projet qu’on pourrait résumer grossièrement en : « la même chose, mais avec des requins ».
Des requins, mais en 3D
Le concept est simple : envoyer le maximum de squales numériques dans la tronche du spectateur prépubère shooté au pop-corn. Le réalisateur estime que 60% de ses bestioles, de toutes les tailles et toutes les formes, sont générées par ordinateur. Pourtant, les vedettes sont bien les 40% restants, confectionnés par Ty Boyce, déjà derrière le requin de Peur Bleue et d’un autre superprédateur emblématique de la période : Anaconda. Le cadavre du requin marteau est particulièrement réussi. Miser sur les squales plutôt que sur le casting, en voilà une bonne idée.
Avant même la pitoyable scène d’ouverture, on ne peut s’empêcher d’esquisser un sourire : pourquoi Shark Night ? Ces requins-ci sont-ils nyctalopes ou somnambules ? Aucune explication, tant et si bien que Ellis lui même avoue à Vulture détester ce titre. Avant la sortie, il se bat d’ailleurs pour imiter Samuel Jackson, lequel avait insisté pour que son film le plus célèbre garde son titre de production : Snakes on a plane. Shark Night devrait donc s’appeler aux Etats-Unis… Untitled 3D Shark Thriller. « Ce titre dit tout ce que vous avez à savoir : on a des requins, c’est en 3D et c’est un thriller » argumente-il.
Malheureusement, quelqu’un se débine et le film ne sort pas sous ce titre absurde. Dommage, puisque cela lui aurait peut-être évité d’être poliment ignoré par la presse… et les spectateurs. Il récolte 41 millions de dollars à partir de 25 millions de budget et fait face à une réception critique assassine.
Il faut dire qu’il souffre de la comparaison avec Piranha 3D, sorti un an auparavant et qui pousse déjà le niveau de régression puérile à son maximum. D’autant que Shark Night est classé PG-13 et donc ne rivalise pas en termes de gore et d’effeuillage féminin.
Le réalisateur, expert de la langue de bois, s’excuse dans une interview insipide au possible donnée à Moviemaker :
Piranha 3D était un film très camp, et le gore et la nudité en constituaient une large partie. Avec Shark Night, on s’est dit qu’on avait une bonne histoire (LOL, n.d.l.r) et nous n’avions pas besoin de nudité, de gore excessif et de jurons pour avoir un film vraiment flippant.
Ou comment éviter d’assumer la misogynie et la crétinerie d’une production typique d’un cinéma à la fois racoleur et puritain, dont les excès sont donc moins généreux que parfaitement risibles, voire carrément hilarants.
We gonna need a bigger beauf
L’introduction de nos héros bras cassés en tout début de film donne le ton. Pas question de directement dévoiler le premier personnage (dont le principal trait de personnalité sera : « Il était pauvre mais ça va mieux »). En amorce, la caméra s’accroche à un cul de figurante, qu’il suit quelques secondes avant de s’intéresser à lui. Quelques secondes à peine sont passées et le budget caméra 3D est déjà amorti. Pour qui n’est pas particulièrement adepte des jeans serrés et des crop-tops, il ne reste plus qu’à rire de cette sexualisation outrancière, qui concerne en particulier les femmes.
Ne dépassant jamais la sainte limite du soutien-gorge, PG-13 oblige, il force ses pauvres actrices à se déshabiller plusieurs fois, comme si le découpage avait été effectué par un enfant de 14 ans en pleine poussée d’hormones. Le public-cible, à n’en pas douter. On ne pourra pas lui enlever une certaine lucidité, puisqu’il met longuement en scène un pervers en train de mater les personnages féminins dans les toilettes… tandis qu’il propose au public le même spectacle.
Dans la même scène, il passe carrément le cap de la banalisation du viol. Joel David Moore, le scientifique ironique d’Avatar, intime à son ami supposé coincé de faire picoler leur accompagnatrice. « Elle va pas se laisser peloter si elle est pas bourrée » lui assure-t-il dans une VF d’une beauferie absolue, avant de se la jouer conseiller d’orientation : « Si tu veux être médecin, tu devrais voir une femme à poil ». Un aileron n’a toujours pas été aperçu que déjà le film est honteux, comme seuls les films de cette période pas si lointaine savaient parfois l’être.
Et c’est ainsi qu’il gagne ses jalons de turbo-nanar : quand Piranha 3D assume ses pires outrances avec un humour douteux, Shark Night est un vrai film d’exploitation, qui ne cherche qu’à satisfaire les supposées envies de son prétendu jeune public, c’est-à-dire un défilé de fesses pudiquement dissimulées derrière un jean moulant et un véritable catalogue de requins expédié manu militari dans leur tronche à l’aide d’un effet 3D des plus subtils.
SHARK RAP
Tout le reste n’est qu’approximations délirantes, à commencer par ce scénario épique peuplé de personnages unilatéraux, qui enchaine les twists hallucinants de stupidité.
Attention, spoilers : la présence de requins dans le lac est due à une alliance des autorités locales avec les caïds du coin, lesquels, pour arrondir les fins de mois et motivés par le succès de la Shark Week (???), ont monté un business de snuff-movie squalesque. Trois abrutis finis qui pêchent des Grands blancs dans l’océan, les rapatrient dans leur lac pourri et leur collent des caméras pour diffuser leur repas en ligne, c’est le principe de Shark Night.
Si le doute était encore permis, la fin enfonce le clou. Probablement pour atteindre la marque fatidique des 1h30, nécessaire à ce qu’on le prenne un minimum au sérieux (sans générique, il atteint péniblement les 1h20), le film se conclut sur un… clip de rap… tourné sur le mode du making-of…. Le genre de friandise trop sucrée qui reste généralement planquée dans les sections « bonus que personne ne regarde » des DVD des années 2000, quelque part entre les featurettes promotionnelles et les bandes-annonces.
Encore un précipité du mauvais goût des années 2010, avec parodie gênante des codes du gangsta rap et prestations pétries de malaise dignes du Harlem Shake du Décathlon Thonon-les-braillardes.
Une fois la torture terminée, le générique défile enfin et l’évidence apparait : on ne s’est pas ennuyé une seule seconde devant ce superbe nanar, parmi les plus divertissants du petit monde de la sharksploitation.
Alors non, Shark 3D est infiniment plus réaliste que Sous la Seine. SLS, c’est un Sharknado qui se prend au sérieux.
J avais enormement envie de regarder Shark 3D, mais je n ai trouve nulle part Shark 3A, shark 3B, et shark 3C pour pouvoir voir le debut de l histoire avant de regarder la suite dans shark 3D.
c est vraiment dommage du coup.
Rien que pour le clip post-générique, ce film remporte mon adhésion !!!
Mon Dieu que ça à l’air mauvais…