Tony Leung

Par Didier Verdurand
19 octobre 2004
MAJ : 21 mai 2024
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Le jury du festival de Cannes de l’année 2000 fut très inspiré en offrant à Tony Leung le prix d’Interprétation Masculine pour In the mood for love, de Wong Kar-wai, avec qui il vient de terminer 2046, leur sixième collaboration. Celui qu’on surnomme le Clark Gable asiatique est passé par l’hôtel Costes pour parler de 2046.

Je crois savoir que vous n’aviez pas lu le scénario de 2046 avant de donner votre accord ?
Parce qu’il n’y en avait pas ! Wong Kar-wai nous a vaguement raconté ce qu’il voulait faire avant que le projet se concrétise, mais rien de plus, le strict minimum. Au départ, je devais être un facteur dans la partie futuriste du film, et j’ai d’ailleurs tourné quelques scènes. Deux ans après le début du tournage, Wong a voulu que je recommence tout et que j’incarne un autre personnage. Arrive le premier jour du second tournage, Wong s’approche de moi et me dit qu’il désire que je reprenne le rôle que j’avais déjà dans In the mood for love, tout en l’interprétant différemment !

Plus exactement ?
Il pensait à un personnage dans le style de Bukowski, assez sombre et sûr de lui car fort de son expérience. Pas grand chose à voir en effet avec le M. Chow que j’étais dans In the mood for love. Vous voyez un peu à quoi il faut se plier pour bosser avec Wong Kar-wai ! Je ne sais même pas pourquoi il voulait ce changement et comment cela lui est venu à l’idée, mais en tout cas, cela représente un sacré challenge pour un acteur. Vous connaissez le rôle, mais vous ne devez pas donner cette impression car il ne faut pas montrer les mêmes facettes. C’est d’autant plus difficile que vous ne savez pas de quoi parle le film. On vous donne les scènes du jour lorsque vous arrivez sur le plateau.

Wong Kar-wai est-il très directif ?
Je reste très libre et je peux beaucoup expérimenter en m’engageant dans diverses directions. Après, Kar-wai garde et coupe ce qu’il veut dans la salle de montage, c’est ainsi qu’il travaille. Il y a en général de nombreuses prises, car il aime filmer les scènes sous plusieurs angles. Par exemple, nous avons dû refaire une trentaine de fois la scène du baiser avec Gong Li. Il a fallu qu’elle pleure trente fois ! C’est épuisant pour les comédiens, surtout parce qu’il veut plus encore que ce que vous pouvez a priori lui donner.

Comment abordez-vous les scènes érotiques ?
J’ai une grande confiance en Kar-wai et je sais qu’il y a de bonnes raisons pour qu’il les tourne, donc tout se passe de manière très professionnelle et cela ne me dérange aucunement. Le plus important est de bien communiquer avec votre partenaire, mais je pense que le metteur en scène tient un rôle essentiel de médiateur, car il y a des limites à ne pas toujours franchir. Surtout s’il vous demande de la refaire plusieurs fois et que vous vous sentez de plus en plus à l’aise. (Rires.)

Cela fait un moment qu’on ne vous a pas vu dans une pure comédie ?
Je veux en faire une très vite pour rétablir l’équilibre. Quand vous faites une comédie, vous êtes facilement de bonne humeur tous les jours sur le plateau. C’était moins évident sur celui de 2046, dont l’histoire est à mes yeux très triste. M. Chow n’est pas un type joyeux, il souffre de la solitude, et cela déteint naturellement sur vous, surtout s’il vous accompagne pendant cinq ans ! Je vais enchaîner très vite avec une comédie d’action que je tournerai en Corée. Jingle Ma sera le metteur en scène. L’équipe attend que je termine la promotion de 2046 et on commence fin octobre.

Vous êtes toujours en contact avec John Woo ?
Lorsqu’il rentre à Hong Kong, nous dînons parfois ensemble, mais assez rarement car il passe la plupart de son temps aux États-Unis. John a du succès là-bas et c’est ce qu’il voulait. Lorsque nous tournions ensemble à Hong Kong, il se plaignait souvent de ne pas avoir un plus gros budget pour réaliser telle ou telle idée. Il n’a plus vraiment ces contraintes aujourd’hui. J’en suis heureux pour lui car John est un être adorable.

Vous pourriez refaire un film ensemble, cette fois en Amérique ?
Cela dépend surtout du scénario. Je ne suis pas attiré par Hollywood, et les rôles offerts aux comédiens asiatiques y sont très limités. La palette de rôles qui s’offre à moi en Asie est largement plus étendue.

Alors vous n’êtes pas envieux de la carrière américaine de Jet Li ou Chow Yun Fat ?
En fait, peu importe l’endroit où vous tournez. Je choisis de faire un film pour son scénario ou parce que je sais que je vais être entouré de gens talentueux. L’Asie n’est pas encore trop petite pour moi, j’y trouve assez d’espace pour y faire encore de bons films ! Je n’ai pas de bonnes raisons pour aller à Hollywood, car y aller pour l’argent ou pour être plus populaire ne m’intéresse pas du tout.

Vous êtes un collectionneur de récompenses ?
(Rires.) Oui, je dois en être à onze trophées. Ils sont rangés chez moi, dans une vitrine.

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