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Guillermo del Toro raconte comment Alfonso Cuaron a refusé de changer la fin de Gravity

Par Christophe Foltzer
16 janvier 2019
MAJ : 7 janvier 2021
16 commentaires
Sandra Bullock : Gravity

Alfonso Cuaron, en plus d’être un grand cinéaste, est un artiste qui cherche avant tout à ne pas se répéter et à se mettre en danger. S’il l’a encore prouvé avec Roma très récemment, son coup d’éclat reste toujours Gravity.

Et c’est vrai qu’à l’époque, on ne parlait que de lui et du film Gravity. Il faut dire aussi que ce qui avait été accompli était juste incroyable. Alors oui, l’histoire n’était pas franchement originale ni très profonde mais l’utilisation de la 3D, cette sensation de vide, ce travail sur l’espace, tout cela constituait une date majeure dans le cinéma moderne et les effets spéciaux que seul un Avatar 2 pourra supplanter si vous voulez notre avis.

 

GravityUne date dans le cinéma

 

Le résultat ? 10 nominations aux Oscars, sept statuettes remportées donc celle de meilleur réalisateur pour Alfonso Cuarón et des recettes s’élevant à plus de 720 millions de dollars à travers le monde, ce qui est une sacrée performance. Mais on aurait peut-être tendance à oublier qu’il s’agissait aussi d’un film de studio et que, du coup, les producteurs, probablement effrayés par l’expérience, ont tenté à un moment donné de mettre leur grain de sel pour s’assurer un succès garanti.

C’est le poto Guillermo del Toro qui vient de le révéler sur Twitter en annonçant qu’effectivement la Warner avait tenté de faire changer la fin mais que Cuaron s’était battu pour qu’elle reste comme il la voulait. Pour rappel, la capsule de Sandra Bullock s’écrase dans un lac, sur Terre, et son personnage, le Dr. Ryan Stone, se dépouille de sa combinaison pour finalement retourner à la surface, gagner le rivage et revenir sur la terre ferme. Là, elle nous apparait très grande, imposante, puissante, en parfaite adéquation avec la symbolique du film sur la renaissance, la résilience et le dépassement de ses traumas.

 

Photo Alfonso CuarónAlfonso Cuaron sait ce qu’il veut

 

« Cuaron utilise souvent l’océan de façon métaphorique, que ce soit dans Roma, Les Fils de l’Homme, Y Tu Mama Tambien, etc…. et dans la grande fin de Gravity. Le studio lui mettait la pression pour qu’il montre des hélicoptères dans le ciel qui arrivaient pour sauver le personnage de Sandra Bullock. Cuaron leur a dit non. Emerger de l’eau et se tenir sur la terre était un triomphe.

Alors le studio lui a dit : « Ok, mais alors on entend les hélicoptères arriver ? » Là encore, Cuaron a dit non. Ensuite le studio a suggéré qu’une radio donne ses coordonnées, ce qui indiquait un sauvetage. Alfonso a encore dit non. Une nouvelle fois, une fin qui mêle air, terre et eau. »

Et c’est tout à l’honneur de Cuaron d’avoir tenu bon, ce qui montre bien la position de pouvoir dans laquelle il était déjà d’ailleurs. Cela dit, voici un très bon exemple pour expliquer aux gens comment un studio tente d’assurer ses arrières en fonction d’un public qu’il pense connaitre avant même que le film soit fait, au détriment de la vision du réalisateur. Heureusement qu’il a tenu bon.

 

photo gravityUne image qui a beaucoup de sens

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Darkreveur

On peut imaginer la fin…
Soit elle se retrouve en Corée du Nord, et elle est abbattue pour espionnage ou prisonniere indéfiniment.
Soit elle se retrouve sur la petite île au large de l Inde, où les autochtones tuent tout étrangers ????

Moi

Quand t’engages Alfonso tu te dois de respecter sa vision.

Sinon on omet selon moi le principal défaut du film et de la fin : la prestation de la Sandra.

CinéGood

Un documentaires à voir sur le rôle d’un producteur qui a su changer la donne : The Kid Stay In The Picture.
Sans Robert Evans, pas de version de 3h du Parrain. le studio voulait le réduire à 2h, Coppola a refait le montage (il ne s’en vante pas !) et finalement c’est Evans qui a imposé la « version longue » et la pleine vision du réalisateur.

L’exemple est-il meilleur que Venom ? 😉

fedor85

Merci a Jag de lancer l’idée d’un dossier sur les producteur délégué. Dont on parle (malheureusement) plus souvent de leurs mauvais choix, que de leur bon. C’est un métier qui a perdu ces lettres de noblesse, depuis un moment.

Petite vidéo de McTiernan, parlant rapidement de prod avec qui il a bosser.

https://www.youtube.com/watch?v=yL9cSTD0pws

EUh

@Pierre et @Yboy : Merci, je me sens moins seul, un plaisir de vous lire

strum

Pour aller un peu dans le sens de Jag, Die hard 3 a subit des corrections à cause de cette fin qui n’était pas du tout hollywoodienne. Au final, ce film fut une réussite commerciale après modification.
Est ce que ce film aurait mieux fonctionné commercialement sans ces modifications, personne ne le saura mais moi en tant que simple spectateur, j’aurais préféré la version du réal. À la limite, de mon point de vue, je préfère qu’un film se croûte au box-office mais que la vision du réal reste intacte.

vicTEAM

Je trouve l’orientation du texte un peu à charge. On peut trouver une autre lecture à cette histoire, qui montre que, quand un cineaste possède de solides argument justifiant un parti pris artistique qui va à l’encontre des envies du studio (en l’occurrence warner passablement décrié ces derniers temps), le dit studio peut se laisser convaincre. Warner est studio historiquement connu pour laisser une liberté relative aux réalisateurs. Alors oui, évidemment avec Zack Snyder ca s’est moins bien passé qu’avec Nolan, Kubrick, Cuaron ou Eastwood. Mais on parle d’un gars qui enchaîne les échec critique ET commerciaux depuis 300 et dont on devrait se demander surtout comment il a pu se retrouver à la tête de la creation de l’univers DC au cinéma. Après même Sucker Punch a ses fans il parait…

Pierre

Il n’y qu’à voir la super vidéo réalisée par le ciné-club de Mr Bobine pour se rendre compte de l’excellence du scénario de Gravity. Non, un scénario n’est pas un livre. Il n’existe que pour être mis en images. Le scénario est donc visuel avant tout ! Dire que Gravity est un film vide de sens au scénario simpliste est hors de propos. Que la ligne narrative du film est simple est une chose, c’est en effet un survival avec un but annoncé et un enchaînement d’épreuves. Mais visuellement, Cuaron raconte une histoire particulièrement riche et symbolique.
Un scénario sans dialogue peut être bien plus riche qu’un scénario foisonnant de discours verbaux. Et je rejoins la comparaison avec Fury Road.

Pseudo1

@Birdy
D’accord avec ta description, mais The Artist est pour moi un mauvais exemple puisqu’il a été pleinement soutenu par Langmann. Hazanavicius a fait le film qu’il voulait, ce n’est qu’après que Weinstein a vu le potentiel pour lui faire tout péter niveau Oscars. Mais si mes souvenirs sont bons, aucune modif n’a été faite.

@JAG
Un autre exemple de film récupéré par les prods pourrait être Spider-Man 3 (l’ajout de Venom), mais même chose : considère-t-on un choix payant sur le plan artistique ou financier ?

Si ça inclut le plan artistique, il y a un seul exemple qui me vient en tête : Le Seigneur des Anneaux.
Pour mémoire, Jackson était en relation avec Miramax pour en tirer 2 films. Miramax a voulu le réduire à 1 film, Jackson ne voulait pas. Miramax leur a laissé un mois pour trouver un autre producteur, Jackson a été voir plein de prods qui ont refusé. Ils ont finalement rencontré New Line qui était intéressé et les prods leur ont même dit cash : ils y a 3 bouquins, faites en 3 films !
En gros, sans les prods de New Line, on vous laisse imaginer le saccage qu’aurait été le Seigneur des Anneaux.

Sinon, Cuaron a eu raison de se battre pour sa fin. Le personnage de Sandra est au centre de tout le film, elle se bat pour sa survie et la fin va dans ce sens : elle a réussi à sauver sa peau dans l’espace, ce n’est pas maintenant qu’elle est revenue saine et sauve qu’elle a besoin qu’on l’aide.
Par contre, on dira ce qu’on veut, mais Gravity fait vraiment partie de ces films qui ne peuvent s’apprécier à leur juste valeur qu’au cinéma (et en 3D dans son cas).

Y Boy

Ça fait un peu mal de lire que Gravity ne vaut que pour ses effets spéciaux et sa technique. En terme de narration c’est un bijou de symbolisme, avec plusieurs niveaux de lectures qui sont passionnants. En ce sens la comparaison avec Fury Road est très pertinente.