Avec The Witch, Robert Eggers a stupéfié beaucoup de spectateurs, saisis par la perfection plastique d’un premier film à la fois viscéral exigeant, tenant le grand écart kamikaze entre trip arty et terreur brute de la première à la dernière image. C’est pourquoi on attendait de pied ferme The Lighthouse, présenté à la Quinzaine des réalisateurs.
BATARKOVSKY
Format carré, noir et blanc obtenu à coup de 35mm et de lentilles des années 40 rebricolées, grain omniprésent… Dès l’ouverture de son film, le réalisateur réaffirme combien il est désireux de revisiter de grands univers artistiques, d’accoler son travail aux gestes des plus grands. Passé une suite de plans merveilleusement bien découpés et profondément angoissant, le cinéphile sera en terrain connu : il est invité chez Andrei Tarkovsky et on lui réserve un peu d’horreur grouillante lovecraftienne en guise de dessert.
Et c’est de cette note d’intention, appétissante aussi scolaire que programmatique, que viennent les limites de l’exercice. Assez curieusement, on s’étonnera franchement que The Lighthouse soit le deuxième film de son auteur, tant celui-ci paraît moins fin, mûri et digéré que The Witch. Techniquement exécuté avec un savoir faire sans-pareil, le film cite et orchestre la valse des révérences, sans jamais s’approprier ses glorieux modèles.
C’est appliqué, tenu, mais contrairement à son effort précédent, le sentiment d’artificialité prédomine, et se teinte par endroit d’un snobisme assez puéril. Jusqu’au boutiste dans sa volonté de mimer le style des grands, le métrage noie dans l’océan qu’il voudrait ingurgiter une grande part de sa force, et on se demande par endroit s’il ne touche pas le cinéma d’épouvante avec un bâton, en se bouchant le nez.
Un phare miniature dans The Witch (Oui bah y qu’une image officielle de The Lighthouse pour le moment)
L’ANTRE DE LA FOLIE
Pour autant, on aurait tort d’en rester là et de ne pas savourer les réussites et trouvailles qui parsèment ce ténébreux voyage. Plusieurs séquences jouent habilement de ruptures de ton absurdes, d’un pet inattendu à une hallucinante scène de castagne alcoolisée, c’est un autre film qu’esquisse parfois Eggers, et dont la folie bouillonnante impressionne.
Il faut dire qu’avec Willem Dafoe et Robert Pattinson, le cinéaste a trouvé les deux véhicules idéales d’un projet à la fois biscornu et dangereusement sophistiqué. Avec un naturel confondant, le duo s’approprie des dialogues admirablement écrits, parmi lesquels on retient évidemment les deux puissants monologues délivrés par Dafoe.
Enfin, quand il ne se prosterne pas devant ses maîtres, Robert Eggers fait preuve d’une inventivité plaisante dès lors qu’il joue de front les cartes de la terreur absurde et de l’humour. Dans ses meilleurs moments, The Lighthouse se tord et se cabre, dévoilant la même radicalité vertigineuse qui offrait à The Witch sa grandiose conclusion. Mais cette démence ne prend ici jamais les commandes, tenue en laisse par un délire plastique souvent vain.
résumé : Beaucoup trop scolaire et maniériste pour exister par lui-même, The Lighthouse bénéficie néanmoins d’acteurs impériaux, de dialogues finement ciselés et d’une poignée de scènes entêtantes. 6/10
Bonjour,
J’ai assisté à cette projection à la Qunzaine des Réalisateurs à Cannes. Ayant revu le film en salles hier je me suis aperçue que la scène de l’éclatage de la mouette avait été raccourcie et qu’il manque une scène où l’on voit Robert Pattinson assis en extérieur devant une porte. Avez-vous des infos sur un nouveau montage du film ?
Merci.
Il me semble qu’il n’a pas encore de date de sortie française.
Quand ce film sera t’il sur nos ecrans svp