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Crise des cinémas : le public déserte les salles parce qu’il y a trop de films, selon Vincent Lindon

Par Axelle Vacher
29 août 2022
MAJ : 13 mars 2023
33 commentaires
Feu : photo, Vincent Lindon, Juliette Binoche

Invité à promouvoir son prochain film, Avec amour et acharnement, Vincent Lindon en a profité pour revenir sur l’un des problèmes de fond du cinéma actuel.

Cela n’est plus à prouver depuis bien longtemps : l’heure n’est pas au beau fixe pour les salles obscures. Qu’il s’agisse des stigmates pandémiques dont les cinémas peinent encore à se remettre, de l’inépuisable multiplication des plateformes de SVoD, de l’inflation qui impacte jusqu’au plus innocent paquet de Barilla dans les supermarchés, ou encore de la tristement méprisée chronologie des médias, l’exploitation française accuse, non seulement, une baisse de fréquentation préoccupante, mais surtout, une crise économique historique.

Alors certes, le streaming, le Covid et l’inflation ne peuvent qu’agir en défaveur des cinémas. Néanmoins, ces facteurs externes ne peuvent raisonnablement être considérés comme les uniques facteurs à l’origine de ce désamour progressif du grand écran. En effet, selon une étude récente du CNC, si certains spectateurs ont effectivement choisi de déserter les salles au profit d’autres supports, ou tout simplement parce qu’ils ont perdu l’habitude de se rendre en salles après leur fermeture prolongée en 2020 et 2021, 23% des Français ont surtout reconnu que peu de films suscitaient leur intérêt. 

 

Once Upon a Time... in Hollywood : photo, Margot RobbieUne programmation qui laisse sur le carreau ?

 

trop de films (tue les films)

La qualité des films serait-elle réellement à blâmer ? Selon l’acteur Vincent Lindon, s’il y a effectivement un peu de cela, l’essence du problème est ailleurs. Invité à promouvoir son prochain film Avec amour et acharnement dans l’émission France Inter Le Grand entretien, l’acteur et réalisateur a ainsi remis en cause la profusion de l’offre cinématographique :

« Je pense que l’on fait un tout petit peu trop de films […]. Évidemment que le nombre de bons films français a énormément augmenté depuis des années, mais le nombre de films en général a augmenté. Donc évidemment il y a moins de pépites, et elles sont plus difficiles à  trouver puisque, tous les mercredis, il y a entre 8 et 13 films qui sortent. Il n’y a que sept jours dans la semaine. […]. C’est trop de choses, trop de propositions. Mais sinon, oui, il y a des films absolument formidables. »

 

Vincent Lindon : « On fait trop de films ; tous les mercredis il y a entre 8 et 13 films qui sortent, et il n’y a que 7 jours dans la semaine » #le7930inter pic.twitter.com/bordePPEhv

— France Inter (@franceinter) August 29, 2022

 

Il y aurait donc trop de films, et de fait, davantage de films moyens (voire mauvais) dont la proposition éclipserait ceux plus ambitieux, ou tout simplement, mieux réalisés. Ainsi, les projets réellement attractifs (ou au moins divertissants) seraient de plus en plus difficiles à dénicher parmi la pléthore de métrages qui investit les salles chaque semaine, et découragent subséquemment le spectateur de se rendre en salles. 

Que l’on s’entende, le cinéma n’est pas mort, et il y a bien toujours de très bons films qui sortent chaque année. Pour n’en citer que quelques-uns, l’excellent Parrain iranien Leila et ses frères, la nouvelle dinguerie de George Miller Trois mille ans à t’attendre, le dernier bijou de Park Chan-wook Decision To Leave ou encore le film monstre As Bestas sont autant de petites merveilles qu’il a été possible de découvrir en salles en 2022. Néanmoins, ces propositions risquées ne sont pas toujours mises en avant par les distributeurs, et se retrouvent bien souvent noyées dans un flot de propositions plus insipides.

 


 

et un manque de savoir-faire

Car il y a effectivement une importante perte de savoir-faire au regard du cinéma dit « moyen », c’est-à-dire celui qui ne se répond ni de grosses productions franchisées ni de films indépendants plutôt réservés à un public aguerri. Avec le temps, ces films qui assuraient, dans l’ombre, une fréquentation quasi continue des salles entre deux blockbusters, se sont de plus en plus uniformisés, tant et si bien qu’ils ont fini par lasser le public.

C’est par exemple ce qu’a remarqué le réalisateur et scénariste Laurent Tirard (Le Petit Nicolas, Le Discours) lors d’un entretien accordé à Jérôme Lachasse pour BFMTV : « Il y a quelque chose que l’on sentait venir et qui malheureusement a été accéléré par le Covid. Je m’en suis rendu compte en 2018, à la sortie du Retour du héros. Des films qui auraient dû faire 1 million d’entrées commençaient à faire 700 000 ou 800 000″. La crise subie par les cinémas trouverait donc plutôt sa source dans l’offre proposée que dans les autres facteurs externes généralement évoqués pour justifier la baisse de fréquentation des salles.

 

Ed Wood : Photo Johnny DeppUne grammaire cinématographique qui se fait la malle

 

Il s’agirait donc de se poser les bonnes questions afin d’être en mesure d’impulser un regain d’intérêt du public pour les cinémas. Réinvestir dans la qualité d’écriture du scénario, mais aussi, plus généralement, dans la proposition artistique. Produire moins, mais mieux ? Autant de propositions pensées afin de remettre à l’honneur une grammaire cinématographique plus exigeante, et plus soignée, car si le cinéma est une industrie, il reste aussi, et avant tout, le 7e Art.

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Mastok

ce qu’il leur faut, c’est une bonne guerre… quoi ? On sort à peine de la guerre à la grippe ? Ah, ben alors, sortez les mouchoirs, c’est la fin des haricots.

Kyle Reese

Beaucoup d’avis intéressant ici.
Trop de films … OUI.
Surtout trop de films sans réelles qualités, des films qui n’intéressent pas grand monde pour des tas de raisons faciles à détailler si on le veut.
Alors oui il y a beaucoup de proposition (trop) et le public fait son choix. Mais trop de choix … tue le choix et on ne sait plus quoi aller voir, même en étant un lecteur régulier de ce site, entre autre.
Pas assez de temps, pas assez d’argent pour voir déjà ce qui est encensé, ou qui fait événement, et encore moins pour découvrir des films à la marge, alors le tout venant même pas en rêve.

Et une chose qu’oublie ce cher Lindon, que j’aime bien (impressionnant dans Titane) c’est que l’offre de séries en streaming est énorme (et je ne parle pas des films des plateformes ni des séries sur les chaines de TV originales ou rediff).
Entre les productions US, Espagnole, Coréenne, Israélienne, Françaises et j’en passe il y a énormément de choix et de qualité. Comme dit plus bas par qqun, nombres de séries haut de gamme US dépassent en qualité les gros blockbusters du moment.
Alors pourquoi aller à l’aventure tenter de regarder des films avec souvent peu de budget, peu d’originalité et surtout peu d’ambition artistique qui pour moi (mythe ou réalité) constituent les 3/4 de la production Française … Alors oui sur 100% des films Français produits il doit y avoir 25% dignes d’intérêt, peut être faut-il produire beaucoup de « déchets » pour avoir aussi des pépites car personne n’est certain de ce que donnera le projet d’un film. Surement comme aux US d’ailleurs, après cette estimation est très subjectif de ma part.

Mais avec 1 ou 2 abonnement streaming on a bien plus de choix pour un prix raisonnable sans devoir sortir de chez soit. Certaines offres d’abos suivant sa box commencent à 10€ par mois ! Le prix d’une seule place de ciné. D’autres abos sont gratuit 1 ans avec l’achat d’une ordi ou tablette. Pour les budget serré et famille, c’est vite vu. Et les films arriveront bien à la TV dans 2 ans max, et auront un prix dégressif en SVOD. A moins d’un films événement, Top Gun 2 ou des grosses machines avec un marketing rouleau compresseur, beaucoup doivent préférer maintenant attendre et compenser avec des séries en attendant.

My two cents … ^^

Simon Riaux

@Rodriguez

Personne ici ne parle de « se l’attribuer ».

« Ce que je voulais dire avec bolore c’est que en général on retient le nom du réalisateur, un film de besson, de Spielberg ou autre. »

Certes. Et ce n’est pas le sujet.

Fox

@的时候水电费水电费水电费水电费是的 Rodriguez et @的时候水电费水电费水电费水电费是的Simon Riaux

Je me permettrai de rajouter qu’As Bestas n’est pour l’instant – à ma connaissance – visible qu’en France. Même l’Espagne ne le projette pas encore puisque sa date de sortie là-bas est prévue pour novembre, soit 5 mois après nous. Je pense que ça en dit long sur l’implication de la France dans ce projet.

Rodriguez, je comprends votre point de vue sur « l’origine artistique » d’un métrage mais ce n’est vraiment pas comme ça qu’est déterminée la « nationalité » d’un film. Ce n’est pas une posture, c’est la réalité. Et ce n’est pas du chauvinisme mal placé puisque certains films qu’on pourrait estimer « français » (comme Le Nom de la Rose par exemple, réalisé par Jean-Jacques Annaud) ne le sont qu’en partie (pour cet exemple, franco-italo-allemand). C’est l’origine des fonds qui détermine sa nationalité au film, et elle est parfois – souvent – multiple (surtout en Europe).

Parce que soyons clairs : un réalisateur/auteur NE PEUT PAS réaliser un film (pas de cette ampleur en tout cas) sans un ou plusieurs producteurs. Vous avez fait plus bas un parallèle – un peu hasardeux je dois dire – entre « éditeur » et « producteur ». Mais sauf à avoir un contrat préalable, avec un engagement sur X livres, avec le paiement d’avances… un auteur peut très bien écrire son roman et démarcher les maisons d’édition dans un second temps : le livre n’est juste pas publié, mais il existe et ça ne nécessitait pas obligatoirement des fonds pour le réaliser. Au cinéma, c’est tout bonnement impossible. Donc si vous n’avez aucun producteur qui vous suit pour monter votre film et vous le paie d’avance, alors celui-ci n’existe pas. Ce n’est qu’un projet, un scénario. En gros, c’est Dune de Jodorowsky. Donc si Sorogoyen n’a pas, au moins pour partie, de financements ET espagnol ET français, alors As Bestas n’existe pas et il reste chez lui à jouer aux dominos.
Oui, le film est écrit par des espagnols, en grande partie tourné en espagnol, en Espagne, avec beaucoup de comédiens espagnols… mais avec des fonds en partie français, avec des comédiens (principaux de surcroit) français, avec une distribution française plutôt « solide » (c’est relatif). Donc ça en fait un film non pas espagnol, non pas français, mais franco-espagnol.

Simon Riaux

@Rodriguez

Sauf que là encore, non, la comparaison ne fonctionne pas.

Quand vous écrivez que nombre de films américains vont se tourner au Canada, pour des raisons économiques, il faut comprendre « pour faire des économies ». Ces productions ne sont aucunement à l’initiative du Canada.

Ce qui n’est donc pas du tout la situation d’As Bestas.

Et pour reprendre votre formule, navré, mais si. Si Bolloré (ou Pathé, Gaumont, Mandarin Film, etc etc) « se paie un film », ce sera bien un film d’initiative française. Quelle que soit votre opinion, bien légitime, sur sa portée artistique.

Rodriguez

@simon Riaux
J’ai bien compris mais le cinéma américain tourne beaucoup avec les canadiens pour de multiples raisons économiques mais pas ARTISTIQUES, cela ne fait pas de ces films des films canadien, dans le cas As bestas, rodrigo sorogoyen et sa co scénariste sont les dépositaires artistiques les créateurs, les faiseurs, les artistes, les écrivains.
Donc as bestas ne peut artistiquement être considéré comme une œuvre française, le reste c’est de l’économie, si bolloré se paie un film c’est pas le film de bolloré ! ( les acteurs auraient pu être différents également, de très bons acteurs il y en a plein).

Joegilian

Le problème est plus profond que ça et même avant internet,il y avait beaucoup de films !!Mais certains était déjà dans l’ombre des blockbusters mais aussi il y avait des films B voir Z.
De plus la qualité reviens avant tout au public qui devient de plus en plus exigeants et impatient sans compter les firmes qui en profitent.Enfin , le problème global est le pouvoir de l’argent, des stats et des recettes souvent au détriment de la qualité et sans ce soucier des œuvres en les dénaturant. Aujourd’hui ont peut avoir beaucoup de choses, mais sans l’âme et le plaisir. Aller dans une salle obscure et sans ce soucier de ce que pense les autres est plus difficile aujourd’hui avec l’ère numérique.
Mais est ce que l’industrie du Cinéma ?!

Yuchii

Il y a peut-être aussi le fait que les gens n’ont d’argent à mettre dans le cinéma et préfère manger lol

L'ECRAN FOU

sinon Vincent, si tu estimes qu’il y a trop de films, plutôt que de jouer au népotiste, tu peux déjà demander à ta fille d’arrêter d’en faire, surtout vu le résultat qualitatif… ce sera toujours ça de moins

Kobalann

L’offre ne parle pas au publique, le CNC finance des films sociaux tristounet à la pelle, ou des feel good movies sociaux avec l’emancipation d’un jeune des banlieues movie vu et revu , mais qui a envi de voir ça encore et encore ?
Science fiction zéro, fantastique zéro, historique histoire de france un peu hollywoodien zéro