Le génial Everything Everywhere All at Once se fraye enfin un chemin en salles en France. Et c’est un petit miracle.
Aux États-Unis, on peut parler sans trop se mouiller de phénomène : Everything Everywhere All at Once est resté à l’affiche plus de 20 semaines et continue encore de fasciner. Il est facilement devenu le plus gros succès du célèbre distributeur A24, lequel a pourtant lancé bien des carrières et produit bien des futurs classiques.
Ce mercredi 31 août, le long-métrage des Daniels (Swiss Army Man) sort en France, plusieurs mois après son démarrage triomphal chez l’oncle Sam. Et contre toute attente, il débarque au cinéma, dans un circuit conséquent. Une distribution qui tient du miracle : encore aujourd’hui, les films A24 s’exportent mal dans nos contrées, la faute à différents paramètres. Le cas The Green Knight, privé d’exploitation salles, faisant office de symbole de la politique de l’entreprise. Comment cela est-il possible ? C’est la question qu’on s’est posée en vidéo.
On est allé voir le fondateur d’Originals Factory pour parler des pratiques d’A24, de la distribution en France, du piratage, de la promotion et du statut très particulier d’Everything Everywhere All at Once dont le succès pourrait bien redonner espoir en le cinéma indépendant, voire en Hollywood, tout simplement.
N’importe quoi N’importe comment À la Matrix.
« Everything Everywhere All at Once » est un film qui trahit une nature de production algorithmée, comme faite pour une plateforme numérique : des cinéastes talentueux laissés en roue libre, sans être canalisés par des producteurs connaissant leur sujet, rajoutant idées folles et gags pas toujours pertinents, ayant une demi-heure de trop, casant une tonne de références à des films qu’on pourrait relier par un moteur de recherche…
Pas vraiment un film de Cinéma donc, plutôt fait pour un public pouvant morceller leurs visionnages sur leurs écrans personnels, en cas de manque d’attention.
Malgré tout, il y a du cœur caché là dedans, à la vue de tous d’ailleurs. Il faut d’abord se dégager du jeu de piste géant qui se présente pèle mêle.
« Matrix » évidemment car c’est la même histoire d’Élu récalcitrant face à une oppression (bureaucratique), découvrant les codes complexes pour sauver sa vie et débloquant de nouvelles compétences utiles (façon jeu vidéo), comme dans le premier film. Et racontant une méta histoire romantique entre gens d’âge mûr, comme dans le dernier film (en moins cynique).
Avec l’Asie et le Kung-fu, car c’est Cool. Avec du Grotesque et du tissage de liens entre les individus, comme dans toute l’œuvre des Wachowski.
Et du Multivers car c’est en train de rentrer dans les mœurs, regroupant toutes les Monocultures en un – à vous de choisir si vous voulez tout connaître, ou juste vous limiter aux seules parties qui vous intéressent.
Le Multivers donc, surtout utilisé petit à petit dans les histoires filmées de super-héros, lesquels amènent une pertinence par les différentes versions qu’on peut avoir de ces héros, et non pour leurs capacités à évoluer entre des univers – ce ne sont pas un homme-araignée affrontant des pilleurs, et un sorcier baigné dans le Surnaturel, qui vont être les protagonistes idéaux.
Mieux vaut avoir des héros ordinaires, surtout s’il s’agit d’une famille popote, encore plus si leurs acteurs ont un culte autour d’eux.
Tous très attachants :
Michelle Yeoh, dans une sorte de « Not so crazy rich asians », avec toute sa carrière dans les arts martiaux au cinéma, tentant ici de trouver le rôle de sa vie (américaine)…
Jamie Lee Curtis, « Laurie Strode » devenant elle-même un poursuivant massif…
Ke Huy Quan, non pas utilisé comme reliquat des années 80 (tout comme James « Lo Pan » Hong, tant mieux)… mais qui avec la douce maturité est devenu un sosie de l’ancien partenaire de Yeoh, Jackie Chan. Et même avoir de faux airs de Tony Leung, dans un des univers émulant Wong Kar-wai.
Toutes ces références cinématographiques étant proche de la parodie, de manière évidente (la blague sur « Ratatouille » s’étire en longueur, et il y a d’ailleurs un mauvais dosage des ruptures de ton insolites), ou involontaire, comme dans un cartoon survolté.
C’est l’une des qualités formelles de ce film, toujours cadré symboliquement au centre, et capable d’user des meilleurs codes du Cartoon, de Tex Avery à « Rick et Morty » (influence majeure). Comme par exemple les surgissements via le hors-champ, les transformations ou la violence surréaliste.
Le revers de la médaille étant que ça devient épuisant une fois passé en Action Réelle – heureusement équilibré par des moments calmes encore plus proches de l’abstraction, qui permettent de souffler un peu.
Et tout ça pour quoi ? Aucun mystère, c’est annoncé dès le début : crise familiale, dépression due à un mal-être générationnel pour chacun, et des rêves brisés qui justifient le Multivers par les routes secondaires qui ont été ratées…
Mais avec une famille lambda qui se trouve également être composée de citoyens déracinés, pris dans des problématiques de traditions (honteuses) et administratives (stressantes). Là aussi, des films sortis peu de temps avant ont enfin traité du sort des américains d’origine asiatique, et de leurs traumatismes.
Alors quand le film cesse de nous balader dans cette odyssée furieuse mais statique, circonscrite à une poignée de décors récurrents, la distraction finit par ne plus nous leurrer. Il ne s’agissait donc pas d’une histoire où les protagonistes plongent dans des aventures rocambolesques de sauveurs des Univers, jusqu’à créer des techniques d’arts martiaux loufoques, pour mieux échapper à une réalité angoissante.
Non, c’est un film où toutes ces aventures folles sont une extension cataclysmique de drames intimes à taille humaine – de toute façon, pour des gens modestes, le moindre accroc ou malentendu c’est déjà la fin du Monde.
Où l’Acceptation et la main tendue (plutôt que destructrice) deviendront les enjeux difficiles à atteindre mais cruciaux, pour chacun. Que ce soit par la parole ou une belle étreinte muette.
Mais quel long, long détour il aura fallu arpenter pour revenir à ce point de départ !
Je viens juste de le voir et comment dire … juste dingue !
J’étais parti pour voir Bullet train mais j’ai finalement bifurqué pour avoir un film en VO et je suis tombé dessus. Quelle claque !
Il y a bien quelques longueurs par moment mais ce film m’a scotché. Le montage, la photo, l’histoire, la « morale » de ce film, j’ai accroché à tout !
Vu hier soir, j’ai trouvé ça incroyable sur tous les plans cinématographiques…
Surcoté, sérieux?
Tous les avis sont dans la nature, mais on se plaint sans cesse de n’avoir que du Disney à bouffer, et quand une proposition originale avec un montage dingue arrive, c’est « sur côté », sans aucune argumentation…
Ce qui est « sur le côté » de la plaque, c’est ce genre d’interventions lapidaires…
@julien
Non.
Mais c’est plus rapide de dire « surcôté » que « j’ai pas capté »
Sur côté