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Cannes 2023 : on a vu Firebrand, le thriller royal qui dynamite le patriarcat

Par Alexandre Janowiak
22 mai 2023
MAJ : 3 mai 2024
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Photo Jude Law, Alicia Vikander

Ecran Large est de retour sur la Croisette pour l’édition 2023 du Festival de Cannes. Entre cinéastes confirmés et jeunes talents prometteurs, la centaine de films sélectionnés a de quoi donner le tournis. Après l’ouverture de Maïwenn, Jeanne du Barry, c’est l’heure de s’intéresser à Firebrand ou Le jeu de la reine en français. Adapté du bouquin éponyme d’Elizabeth Fremantle, le film de Karim Aïnouz dynamite les codes du film d’époque pour mieux faire exploser le patriarcat avec Alicia Vikander et Jude Law.

 

 

De quoi ça parle ? Dans l’Angleterre ensanglantée des Tudors, Katherine Parr, sixième femme d’Henri VIII, est nommée Régente pendant ses campagnes militaires. Elle tente alors d’influencer les conseillers du roi vers un avenir basé sur ses croyances protestantes. À son retour de combat, le roi, de plus en plus paranoïaque et malade, condamne au bûcher une amie d’enfance de Katherine pour trahison et soupçonne sa femme d’être au coeur d’une conspiration. Alors que son mari est capable des pires atrocités, Katherine commence à craindre pour sa vie.

C’était comment ? « L’Histoire nous raconte quelque chose, surtout à propos des guerres et des hommes. Pour le reste de l’humanité, à nous de faire des conclusions souvent hasardeuses ». Dès son panneau d’ouverture, accompagné ensuite par la voix off d’une jeune princesse plaçant les pions du récit à venir, Le jeu de la reine décide de déjouer les attentes du film d’époque. Cette fois, il ne s’agira pas de raconter l’énième histoire d’Henri VIII alias Barbe Bleue, alias le roi ogre, à travers son point de vue (ou son souvenir), mais bien de s’attarder sur celui de sa sixième femme Katherine Parr.

 

Firebrand : Photo Alicia VikanderAlicia Vikander veut tout enflammer

 

À une époque post-Me Too, cette démarche n’est évidemment pas spécialement originale et s’est largement répandue. Toutefois, Karim Aïnouz, déjà largement habitué à explorer des personnages féminins et la sororité (La Vie invisible d’Eurídice Gusmão, Le ciel de Suely, La falaise argentée), décide ici de le faire au coeur d’un film d’époque. Et loin de se contenter de raconter le désir d’émancipation féminine de cette reine et des femmes l’entourant à la cour dans une structure classique de film historique, il vient au contraire transformer cette quête en véritable épreuve.

S’il a un peu de mal à démarrer et repose sur un ton un peu monocorde, Firebrand plonge ainsi progressivement sur les terres du thriller politique pour carrément finir dans une sorte de film d’horreur (ou plutôt d’angoisse) psychologique formidablement tenu. Car la bataille de Katherine Parr pour un avenir meilleur, pour espérer sortir de sa prison dorée (comme un oiseau en cage), était un défi audacieux, une manoeuvre majeure face à la domination masculine, que l’Histoire a tristement effacé (ou oublié volontairement) pour mieux s’attarder sur la figure violente d’Henri VIII.

 

Le jeu de la reine : Photo Alicia VikanderPrendre le pouvoir

 

En racontant ici un bout de la vie de la sixième femme du roi ogre, qu’aucune oeuvre cinématographique n’avait réellement étudiée jusqu’ici (contrairement à Anne Boleyn par exemple), pour mieux explorer cette facette méconnue de la royauté britannique, Karim Aïnouz vient démanteler une vision erronée, un souvenir biaisé de l’Histoire. Un geste punk (le final est d’ailleurs sacrément revanchard) qui aurait sans doute pu aller encore plus loin dans son approche révoltée, mais qui vient habilement abattre un patriarcat brutal, violent et sanguinaire.

En résulte une oeuvre fascinante sur le papier (le scénario est écrit par le trio féminin Jessica Ashworth-Henrietta Ashworth-Rosanne Flynn), constamment rehaussée par de nombreux atouts artistiques. Le jeu de la reine est en effet d’une beauté sidérante, notamment grâce au travail formidable de la cheffe opératrice française Hélène Louvart, chaque plan étant pensé comme un tableau aux multiples détails (dont les costumes fabuleux de Tamara Amalie). La musique de Dickon Hinchliffe vient régulièrement jouer sur les terres de Game of Thrones au milieu de ce jeu de pouvoirs et manipulations passionnant, ajoutant un souffle épique à l’ensemble.

 

Le jeu de la reine : Photo Alicia VikanderUn film à la beauté dévastatrice

 

Mais plus encore, c’est évidemment le duo de comédiens au coeur du film qui vient donner vie à la violence du récit. Si le méconnaissable Jude Law est formidable en roi répugnant et psychopathe, c’est Alicia Vikander qui embrase tout dans le rôle de Katherine Parr. Malgré la fragilité de son corps, son personnage s’impose ainsi progressivement comme une force de la nature, capable de résister à de terribles atrocités pour mieux triompher d’un joug masculin infernal.

Et ça sort quand ? En France, le film n’a pas encore de date de sortie, mais il sera distribué par ARP.

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