Ecran Large est de retour sur la Croisette pour l’édition 2024 du Festival de Cannes, en partenariat avec Métal Hurlant. Et c’est l’heure de revenir sur Horizon : Une saga américaine, première partie d’une épopée sur la conquête de l’Ouest par Kevin Costner, présentée hors compétition.
Métal Hurlant nous accompagne à Cannes cette année, dans notre exploration des sélections hétéroclites du festival. Au travers de récits de bande dessinée et d’articles sur l’actualité culturelle, Métal Hurlant développe avec éclectisme, dans quatre numéros par an, un imaginaire sans aucune limite. Une ligne éditoriale totalement en accord avec la soif d’expérimentations et de découvertes du Festival de Cannes.
Après presque un siècle de domination sur le cinéma américain (et pas que), le western est devenu l’exemple ultime du genre tellement essoré qu’il s’est éteint de lui-même. Pourtant, quelques irréductibles croient encore dur comme fer à son pouvoir de fascination et à la puissance de son imagerie. C’est le cas de Kevin Costner (Danse avec les loups, Open Range), qui a profité du succès de la série Yellowstone pour se lancer dans son arlésienne : la saga épique Horizon.
Horizon : le retour du western ?
De quoi ça parle ? Dans l’Ouest américain, pendant plus d’une décennie, beaucoup (trop ?) de destins se croisent et s’affrontent, indigènes et colonisateurs.
C’était comment ? S’il y a bien une récurrence dans ce Cannes 2024, c’est celle des projets fous et insensés, maturés par des artistes tenaces en dépit des désidératas de l’industrie. Pour tous ceux qui ne cessent de craindre une uniformisation algorithmique du septième art, il y a quelque chose de galvanisant à voir Francis Ford Coppola ou Jacques Audiard ne se donner aucune limite.
Néanmoins, Horizon se retrouve un peu dans le même panier que Megalopolis, dans le sens où sa démarche créative intransigeante se révèle bien plus passionnante que le résultat final. Depuis Danse avec les loups et Open Range, Kevin Costner rêvait de revenir derrière (et devant) la caméra pour une grande fresque épique en pleine conquête de l’Ouest, malgré les rejets successifs d’Hollywood. Qu’à cela ne tienne : le bonhomme a puisé dans sa propre fortune (notamment en hypothéquant sa maison) pour mettre en œuvre les deux premiers chapitres d’une saga pensée comme une trilogie (voire plus, si le succès est au rendez-vous).
Horizon a de l’ambition, ça, on ne pourra pas lui enlever. Visuellement, le choix du format 1.85 (et non du 2.39 comme on aurait pu s’y attendre) ancre ses paysages américains dans une ampleur spectaculaire, sans jamais perdre de vue le raccord humain et une certaine verticalité écrasante sur les visages de ses personnages.
En même temps, l’horizon du titre est dès le départ parasité par des piquets, puis des croix, plantées sur les territoires encore vierges de la vallée de San Pedro. Le péché étasunien originel, c’est bien la propriété privée, et sa manière de marquer l’histoire de ces lieux par les cadavres toujours plus nombreux qui y sont enterrés.
D’un point de vue purement théorique, Costner fascine par ce parti-pris, qui trouve sa pleine puissance dans sa meilleure scène : lors d’une attaque d’Apaches sur une jeune colonie, une mère (Sienna Miller, toujours géniale) et sa fille (Georgia MacPhail) cachées dans une cave condamnée n’ont plus qu’un canon de fusil pour respirer à la surface.
L’une des meilleures intrigues
Danse avec la star
Du Montana au Wyoming en passant par le Kansas, les panoramas variés du cinéaste sont empreints d’une odeur de mort, et reflètent avant tout l’escalade inévitable de la violence. Dans un premier temps, on se plaît à voir Costner alterner les points de vue et les camps, qu’il filme des Amérindiens bien décidés à défendre leur terre ou des colons en quête de vengeance. C’est loin d’être toujours fin, mais les parallèles qu’il tisse (tout le monde perd des proches, doit choisir avec quel allié partir, etc.) tendent vers une égalité des forces pour rendre justice à une grande saga trop longtemps écrite par les vainqueurs.
Le problème, c’est le trop grand nombre des forces en présence. Débutant en 1853, Horizon raconte tour à tour l’histoire d’une mère traquée par le gang de son ex-mari (Jena Malone), les allées et venues des survivants d’un massacre par les Amérindiens, l’arrivée de l’armée qui préfigure la guerre de Sécession ou encore le suivi d’un convoi dans le désert. Au milieu de tout ça, Costner s’offre le beau rôle, celui du vieux cow-boy sexy, mutique mais au grand cœur, clé de voûte supposée de ces narrations vouées à se recouper.
Sam Worthington se balade aussi
On dit bien “supposée”, car cette première partie d’Horizon n’est qu’une (très) longue introduction de trois heures, qui passe son temps à vagabonder de scène en scène, de personnage en personnage, sans ne jamais rien connecter. L’exercice en devient aussi épuisant que vain, tant la durée lancinante du film n’est que rarement au service du développement des protagonistes. On notera quelques éclairs épars de brio (une discussion tendue entre Costner et un outlaw à la gâchette facile), mais l’investissement requis par le réalisateur n’est jamais à la hauteur de sa promesse.
À force de ne s’attarder sur rien, de zapper de situation en situation (souvent au mépris de notre mémoire ou de notre engagement émotionnel), l’ensemble a des airs de premier montage mal dégrossi, de folie des grandeurs engloutie par sa propre mégalomanie. On en veut pour preuve sa fin totalement arbitraire, qui se conclut sans prévenir par un montage de sa future suite. Clairement, Kevin Costner aime le genre, et cherche autant à moderniser son approche thématique qu’à rassembler un siècle d’histoire cinématographique (un peu de John Ford par-ci, un peu d’Eastwood par-là).
L’hypothèque de la maison était-elle une si bonne idée ?
Sur le principe, c’est grisant, mais dans les faits, on a l’impression de voir le long-métrage switcher entre plusieurs quêtes de Red Dead Redemption. Face à l’ambition démesurée d’Horizon, difficile de ne pas penser aux chefs-d’œuvre de Rockstar Games, et à leur peinture riche d’un territoire américain en pleine mutation. Tout peut y arriver, et dans l’enclave de sa carte gigantesque, chaque joueur peut croiser d’autres gens, les aider, les ignorer, ou les tuer.
Tout le paradoxe de cette version cinéma involontaire réside dans cette nature hybride. D’un côté, Horizon est tourné vers le passé, vers un bon vieux temps oublié que Costner espère remettre au goût du jour (même si on peine à croire le projet viable au box-office, entre sa durée et son côté ringard parfois touchant). De l’autre, le réalisateur vise une forme d’exhaustivité narrative digne des nouveaux médias, comme s’il avait mixé une écriture de jeu vidéo avec plusieurs saisons de Yellowstone, le tout avec une ampleur esthétique d’antan réservée au grand écran. On a clairement envie de saluer l’effort et ses outrances. Cela dit, attention à l’indigestion.
Et ça sort quand ? En France, Horizon sortira le 3 juillet au cinéma. Sa deuxième partie débarquera quant à elle le 11 septembre.
Hâte de le decouvrir
Horizon est certainement un projet risqué et ambitieux. La démarche artistique de Kevin Costner, perçue aujourd’hui comme atypique à Hollywood, rappelle effectivement celle de Francis Ford Coppola avec son film Megalopolis. Indépendamment de la qualité réelle de ces films et du résultat final, j’ai envie de les découvrir en salles. D’abord, ce sont des personnalités dont les films ont nourri ma cinéphilie depuis plusieurs années et puis, voir des artistes prendre des risques, alors que rien ne semble les y obliger sinon leur passion du cinéma, a quelque chose d’admirable. Pour ces raisons, je pense qu’il est intéressant d’aller voir ces films en salles, dans la mesure du possible. Par ailleurs, dans le cas d’Horizon, le western étant très rare, ce serait dommage de bouder son plaisir. Je ne m’attends pas à ce que ce soit aussi bien que Danse avec les loups mais juste à passer un bon moment. Cela fait bien longtemps qu’on n’a pas vu Kevin Costner dans un film de cette envergure: je ne compte pas les seconds rôles qu’il a tenus dans des films comme Man of Steel. Le parcours de Costner a été très sinueux: de superstar au début des années 90, il est devenu has-been une dizaine d’années plus tard. Malgré tout, il est resté une personnalité attachante du cinéma américain.
@Ned
Merci pour cet échange instructif 😉
@The insider38
1) Quel film n’a pas de standing ovation, surtout en présence de son équipe ?
2) Où a t-on dit que c’était nul ?
3) S’il faut arrêter de parler / rendre son accréditation dès que quelqu’un n’est pas d’accord avec nous et nous enlève un badge fantasmé de légitimité, autant tous fermer nos gueules et arrêter de débattre.
Donc merci du fond du coeur pour votre conseil mais navré, on continuera. Et on est super ravis de votre présence à Cannes, n’hésitez pas à venir nous faire coucou.
@Eddie_Felson Aux US, c’est le producteur qui détient les droits (cf Stallone qui n’a pas les droits de Rocky). Costner est aussi à Cannes pour le MIF et trouver les fonds pour financer les suites 3 et 4 de Horizon, et faire le sav pour le distributeur france. Il y a bien sûr un deal avec une plateforme streaming, voire plusieurs, parmis celles qui vont proposer le bouquet Max (WB). Kevin Costner est aussi un homme d’affaire avisé, ce qui n’enlève rien à son talent.
C’est tellement que nul que il y a une ovation hallucinante ! Costner en a pleuré , Écran Large rendez vos accréditations ! Vous n’êtes pas légitime pour parler d’un film pareil , et oui moi aussi je suis à cannes
@Ned
Très étonné! Logique de producteur plus intéressé par le retour sur investissement plus intéressant, sans doute(?!?), sur une exploitation streaming (j’en doute) que par l’expérience spectateur en salle! Étonnant, paradoxal même au regard de l’ambition visuel de son Horizon qui ne peut vraiment pleinement se déployer que sur de grandes diagonales!
@Eddie_Felson Costner interviewé par Léa salamé pour France Inter sur la croisette :
LS: « Voir un film sur Netflix ou au cinéma ? » KC: « Je regarde le film sur Netflix ».
Ça a le mérite d’être clair. Costner a écrit le film, c’est pourquoi il le produit pour conserver ses droits d’auteurs et leur exploitation, encore plus lucrative exploitée en salle.
Si il sort dans mon cinéma, j’irai le voir. C’est toujours intéressant un projet de Costner.
Il y a un sacré casting quand même.