Ecran Large est de retour sur la Croisette pour l’édition 2024 du Festival de Cannes, en partenariat avec Métal Hurlant. Et c’est l’heure de revenir sur L’amour ouf réalisé par Gilles Lellouche avec François Civil et Adèle Exarchopoulos, présenté en compétition.
Métal Hurlant nous accompagne à Cannes cette année, dans notre exploration des sélections hétéroclites du festival. Au travers de récits de bande dessinée et d’articles sur l’actualité culturelle, Métal Hurlant développe avec éclectisme, dans quatre numéros par an, un imaginaire sans aucune limite. Une ligne éditoriale totalement en accord avec la soif d’expérimentations et de découvertes du Festival de Cannes.
Gilles Lellouche avait rendu hilare la Croisette avec Le Grand Bain en 2018 en hors-compétition. C’est un destin similaire qu’on voyait depuis un long moment pour son ambitieux projet L’amour ouf. Sauf que finalement, cette adaptation du roman éponyme de Neville Thompson que Gilles Lellouche a en tête depuis 2013 et d’une durée de 2h45, est entré dans une autre catégorie en concourant pour la Palme d’or.
north side story
De quoi ça parle ? Dans les années 80, dans le nord de la France, Jackie et Clotaire grandissent entre les bancs du lycée et les docks du port. Elle étudie, il traine. Et puis leurs destins se croisent et c’est l’amour fou… jusqu’à ce que le destin les sépare à tout jamais ?
C’était comment ? « J’ai toujours aimé le mélange des genres, et ce roman [L’amour ouf donc, ndlr] me paraissait idéal pour cet exercice », expliquait Gilles Lellouche à Madame Figaro début 2023. En octobre de la même année, il en disait plus lors de l’émission Beau Geste confiant que le film évoquera « notamment la comédie musicale. C’est un teenage movie, c’est un film d’amour… Le film cite Scorsese, Tarantino et West Side Story ». Même pour les fines bouches, il y avait donc de quoi être intrigué par ce projet, mais aussi inquiet.
Dès ses premières secondes avec une scène de guerre de gang où toute la violence est suggérée en hors-champ par la lumière des mitraillettes et les ombres des tireurs sur les murs, L’Amour ouf dégage en effet une ambition hors-norme plutôt prometteuse. De la violence, de l’amour, de la tragédie… en voilà un beau programme. Le générique d’ouverture suivant l’introduction vient également appuyer les grands desseins de Lellouche avec son long travelling avant aérien se concluant dans les flammes et révélant un immense coeur bien kitsch qui bat au sein du brasier.
Ce coeur c’est à la fois celui de Jackie et Clotaire, dont le coup de foudre va les lier à tout jamais (en tout cas c’est ce qu’ils espèrent) après leur rencontre au collège. Ainsi, dans sa première demi-heure, L’Amour ouf explore habilement leurs premiers émois dans une romance adolescente entrainante et drôle grâce à son parfait duo (incarné à cet âge par Mallory Wanecque et Malik Frikah). Bien entendu, ça n’a (déjà) rien de transcendant, mais il y a du rythme, une belle dynamique entre les personnages, une certaine efficacité narrative et quelques prises de risque (un passage musical ou plutôt dansant).
Et c’est pour cette raison qu’il y a de quoi s’agacer de la suite. À elle seule, cette relation avait tout pour faire de L’Amour ouf une magnifique histoire d’amour sur fond de guerre de gang et de drame social (les grèves et la précarité en arrière-plan). Sauf que malheureusement, Gilles Lellouche a les yeux plus gros que le ventre et fait dérailler sa machine à toute vitesse, repoussant son drame inlassablement dans des circonvolutions esthétiques et narratives fastidieuses.
Un numéro musical qui sort un peu de nulle part
le grand vain
Avec 2h45 au compteur (une durée bien trop longue), le Français décide en effet de tout tenter avec un mélange des genres peu opportun. Film de gangsters, thriller criminel, tragédie romantique, comédie dramatique, musical… L’Amour ouf est plusieurs films en un, souvent pour rien. Les fans de musical doivent d’ailleurs être prévenus : il n’y a que deux numéros musicaux dont la durée approche à peine plus de deux minutes sur tout le film. Si ce n’est pas gênant en soi, le film évitant de trop pasticher West Side Story sur ce domaine, le choix d’intégrer deux interludes aussi inutiles vient en vérité parasiter un ensemble déjà surchargé.
Avec toutes ces ambiances, difficile par exemple de comprendre totalement le ton du film, écartelé entre une gravité un peu ridicule (l’éclipse, sérieux) et un humour à contretemps (le personnage de Jean-Pascal Zadi, étrange clown de passage au milieu des pleurs et accès de colère). À l’image de ses personnages, le film ne sait pas contenir ses émotions, ses envies, ses rêves, sa rage de vivre et d’aimer… et tombe dans l’excès permanent. Outre les multitudes de genres et références (Scorsese, Luhrmann…), c’est visuellement que le film dérape le plus, cumulant les idées formelles jusqu’à faire déborder le vase.
Adèle Exarchopoulos très bien sans forcer
Entre les filtres, zooms, demi-bonnettes, multiplication d’angles de vues (les plans zénithaux inutiles, une course-poursuite en plan subjectif affreusement ridicule), musique outrancière… tout y passe. Et si ça marche ici ou là, force est de constater que L’Amour ouf a surtout l’allure d’un film d’étudiant en cinéma désireux de montrer tout ce qu’il sait faire avec une caméra. Ce n’est pas anodin puisque Lellouche est tout simplement incapable de créer de l’émotion avec son simple scénario (qui contient pourtant des éléments a priori solides à exploiter). Ainsi, les effets de styles et de montage sont là pour prendre le relai avec audace, il est vrai, mais avant tout cacher la misère.
« Bien ce n’est pas assez », confie en larmes la Jackie d’Adèle Exarchopoulos (excellente comme toujours) à son père Alain Chabat dans l’une des plus belles scènes du film, parvenant à émouvoir comme aucune autre. Un comble soit dit en passant, la relation entre Jackie et son père touchant plus la corde sensible que le coeur du duo Jackie-Clotaire. En tout cas, une chose est sûre, cette petite ligne de dialogue détient les clés du film : bien ce n’était pas assez pour Lellouche, mais le mieux est l’ennemi du bien. À trop vouloir en faire, L’Amour ouf repousse les limites. En résulte une oeuvre démesurée, disproportionnée et très maladroite, dont la rare sensibilité est plombée par ses artifices boursoufflés et une violence quasiment glorifiée.
Et ça sort quand ? Le film sortira le 16 octobre 2024 en France.
Alors finalement, succès or not succès L’amour Ouf?
Est ce qu’à 40 millions d’euros pièce, le seuil minimal de rentabilité n’est pas de 5 millions de spectateurs ?
Par rapport à Alibi 2, le film est t’il rentable ?
Merci !
Un film lourdingue avec François Civil ? Etonnant !
…
(non)
C’est plus possible de faire une scène d’éclipse après Berserk.