Il y a quelques mois, Charlie Kaufman sortait Anomalisa, son drame intimiste en stop-motion qui, comme on pouvait s’y attendre, n’a pas cassé la barraque. Et c’est bien dommage parce que le film est fantastique.
Alors c’est sûr, vendre un film d’animation qui raconte les errements d’un homme qui a probablement raté sa vie et essaye de se reconnecter avec son bonheur fantasmé par la rencontre avec une femme complexée en plein séminaire, ça ne risque pas d’attier les fans de Toy Story. Et pourtant, Anomalisa fait figure d’incontournable de cette année, tout autant qu’une nouvelle preuve de l’immense talent de son auteur. Après, il faut s’accrocher, tant le film est noir et désespéré.
Et évidemment, à l’heure où Marvel règne en maitre, le film s’est bien gamellé, ne rapportant même pas 4 millions de dollars sur le sol américain, la moitié de son budget. Un échec qui risque fort de porter préjudice à la carrière du réalisateur-scénariste, qui d’ailleurs l’a plus ou moins reconnu dans une interview accordée à The Playlist :
« Je suis déçu d’avoir toutes ces bonnes critiques et de ne pas avoir fait d’argent. Cela ne me fait pas détester le film pour autant, j’en suis toujours fier, mais quand Paramount l’a pris je pensais que cela allait aider ma carrière. Si je ne pense pas que cela va faire réellement du tort, ça n’aidera pas les studios à vouloir m’engager en se disant qu’ils vont produire mon film et que le public va se déplacer à coup sûr.
Et je me demande si ce n’est pas à cause des critiques justement, parce que Synecdoche New-York avait tellement divisé. C’est peut-être pour ça que les gens ne sont pas allés le voir. Ils se sont probablement demandés pourquoi ils devraient se déplacer cette fois-là. Je ne connais pas la vraie réponse, mais c’est extrêmement frustrant. »
Et le destin du film risque quand même de peser lourd sur le prochain projet de Kaufman, quoi qu’il en dise. En effet, le réalisateur essaye de monter Franck or Francis depuis plusieurs années et le succès d’Anomalisa lui aurait évidemment facilité la tâche.
« Si Anomalisa avait fait rapporté de l’argent, disons 20 millions de dollars en regard de son budget modeste, les choses seraient bien différentes.[…] C’est difficile et démoralisant de ne pas arriver à monter des projets, surtout à cette époque où tout semble facile à faire. J’ai connu une époque où c’était très compliqué d’y arriver et une autre époque, après Dans la peau de John Malkovich, où tous mes scénarios étaient portés à l’écran.
Je pensais que ça allait durer mais ce n’était qu’une période. Et on sort très vite de cette période dans le milieu. Les gens vous oublient facilement. Mais ceux qui aiment mes films et écrivent des choses sur eux parce qu’ils ont vécu une expérience intellectuelle ou émotionnelle, comptent à mes yeux comme le plus important. »
Bref Charlie Kaufman est en pleine déprime et c’est terrible parce qu’il est l’un de nos artistes contemporains les plus talentueux. On ne saurait trop vous conseiller de vous ruer sur Anomalisa à la première occasion pour découvrir ce chef-d’oeuvre incompris. Mais on vous prévient direct : vaut mieux être en forme. Mais le voyage vaut largement le coup.
Je n’ai jamais que tu avais « tort » (encore une gueguerre facile…) : j’ai simplement dit, de la plus simple des manières, dès le début, que c’était un peu réducteur de dire que Kaufman avait le même personnage torturé dans ses films. Alors qu’on voit très vite et très bien que c’est plus complexe que ça, et donc loin d’être répétitif.
Après, si la question est de dire qu’un auteur a des obsessions, et que ce serait mieux ou plus agréable qu’il change et adoucisse ses thématiques parce que la vie est déjà bien trop dure, c’est une autre question, qui ne m’intéresse absolument pas.
Je pense que ce film est une date importante au-dela de sa magnifique execution..
(Je vous conseille Metropia qui pourrait etre un cousin proche avec une animation differente.)
Kauffman est un visionnaire et comme chaques visionnaires, il est en avance sur son temps.
Son film d’animation gagnera son veritable statut ds plusieurs annés.
Et tu as beau avoir toutes les critiques avec toi, si le public ne suit pas du tout, la chute est d’autant plus compliquée justement parceque la press la plus exigeante est de ton coté mais chaques auteurs veulent se sentir aimer du public egalement.
Ils se retrouvent ds une position elitiste qu’ils ne desiraient pas vraiment meme au vu de l’exigeance de chacunes de leurs oeuvres.
A l’image d’un PTA et de son magnifique The master…
Je ne vois pas en quoi c’est incompatible avec ce que je dis (torturé par des questions d’amour et de création, ce que j’ai dit plus haut et que tu as détaillé très bien dessus….mais j’attend toujours en quoi j’ai tort : ses personnages sont tristounets, avec du lait dans les veines). Bref passons après tout on aime bien ce créateur mais j’ai hâte qu’il fasse un film dont sa créativité folle et méta puisse donner un peu plus la banane….
+1 avec diez
pas facile d’accès son cinoche a kauffman, pour qq d’éclairé, je me demande bien pourquoi il est si surpris….
Je n’ai pas à te prouver une sensibilité, faut arrêter de faire la guerre à la moindre occasion. Tu ne prouves rien à énumérer les acteurs en présentant les traits communs aux personnages (ce qu’on appelle communément les motifs d’un auteur, et comme tu aimes aussi Kaufman, tu n’es pas surpris non plus).
Y’a beaucoup de manières d’être torturé, et les héros de Kaufman témoignent évidemment de ses obsessions, sans pour autant être « le même personnage ». Synecdoche est traversé par la question de la sexualité de Caden Cotard, question absente d’Eternal Sunshine. L’obsession de Craig Schwartz et Joel est l’amour (impossible), alors que l’amour n’est qu’un élément parmi d’autre dans Synecdoche. Et dans Anomalisa, l’amour se révèle n’être qu’un leurre, qu’ils abandonnent finalement aussi vite qu’ils l’ont adopté. La filiation est au coeur de Synecdoche, mais quasi absente d’Eternal. Rien que dans le jeu, y’a une très nette différence dans la névrose de Cage, et celle de PS Hoffman, ou de Jim Carrey. Des nuances insuffisantes pour toi peut-être, mais évidentes pour moi.
ABCDeath prouve moi le contraire au lieu de nous faire partager « ce qu’il te semble »…le subjectivisme des impressions c’est sympa mais après faut démontrer : est ce que je dis des personnages cités plus haut est vrai ou faux ?
Et je répète : les résumer à un même personnage torturé me semble bien simpliste. Après, tout est question de nuance, c’est sûr qu’un adjectif comme « torturé » permet de tout mettre dans le même sac.
John Cusack, Nicolas Cage, Jim Carrey, Philippe Seymour Hoffmann ou cette poupée animée n’ont pas joué des « hard-boiled men » dans les scénarios de Kaufman mon cher ABCDeath, plutôt des fragileux bourrés d’angoisse, à l’écoute de leurs sentiments et…torturés sur les questions de création ou d’amour (voire les deux en même temps)
Le même personnage torturé de film en film ? Très simpliste comme lecture.
C’est en même temps son coté tristounet qui ne m’a pas attiré pour le voir au cinéma, déjà que la vie n’est pas facile, aller voir un film qui nous le rappelle (même avec talent) ou pour aller consoler l’artiste parce qu’il est dépressif, n’est n’est pas le meilleur argument pour vendre un film. Je ne dis pas que tous les films doivent être bulbe-gum mais qu’au moins cet artiste génial arrête deux minutes de nous raconter le même personnage torturé par l’existence de film en film pour faire « personnel ». On peut être personnel et être plein de joie à un moment dans sa vie, s’en souvenir et transmettre cette émotion dans un scénario. Pour ma part « Adaptation » reste mon Kaufman favori c’est du génie pur et ça parle de fleurs et d’écriture scénaristique avec brio.