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Infanticides, ultraviolence et dépression : 5 films découverts à l’Étrange Festival et à ne pas louper

Par Mathieu Jaborska
20 octobre 2024
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Infanticides, ultraviolence et dépression : 5 films découverts à l'Étrange Festival et à ne pas louper @ Canva, Wild Bunch

Comme chaque année ou presque, l’Étrange Festival nous a servi un copieux festin de pépites bizarroïdes et grands classiques en marge. Retour sur 5 films qui ont trouvé grâce à nos yeux.

Du 3 au 15 septembre 2024, c’était la 30ème édition de l’Etrange Festival au Forum des Images, à Paris. Un anniversaire marqué donc par une suite de projections spéciales, piochées dans les gigantesques archives de l’évènement (ils en ont même publié un livre) par des invités divers. C’était l’occasion, par exemple, de découvrir la nouvelle copie de Ichi the Killer, présentée par une Noémie Merlant visiblement heureuse de revoir le monument qui a marqué ses (trop) jeunes années.

L’Etrange Festival fêtait aussi un autre anniversaire : celui du magazine Métal Hurlant, dont les 50 ans ont été célébrés dans une longue séance survoltée, animée par le gratin de la BD d’hier et d’aujourd’hui. C’était, enfin, l’habituelle ribambelle de classiques non conformistes et de micro-pépites expérimentales. Impossible de tout voir, de tout goûter. Ecran Large a donc privilégié les productions récentes qui lui ont tapé dans l’œil. Deux manquent à l’appel : les excellents The Devil’s Bath, auquel nous avons consacré une critique, et Riverboom, tous deux déjà sortis en France.

Le génial Riverboom, à rattraper d’urgence

Celluloïd Underground

  • Durée : 1h20
  • Sortie : ?
Infanticides, ultraviolence et dépression : 5 films découverts à l’étrange festival et à ne pas louper cette année
Trésor national

Tandis que le superbe Les Graines du figuier sauvage est encore en salles, impossible de ne pas revenir sur ce documentaire relatant la rencontre entre Ehsan Khoshbakht, cinéaste désormais co-directeur du festival de Bologne, et Ahmad Jurghanian, un ex-projectionniste qui collectionne et tente de préserver des centaines de bobines de cinéma, affiches et autres reliques, au péril de sa vie.

Grâce au parti pris de Khoshbakht, qui met l’accent sur sa propre expérience, et le décalage entre leurs deux générations, Celluloïd Underground ne met pas uniquement en scène la résistance ordinaire face au totalitarisme islamique en Iran, mais également la persévérance d’une culture populaire dans un monde qui ne lui veut pourtant que du mal. Ces dialogues parfois maladroits entre les deux hommes reflètent tout un spectre de cinéphilie mis à rude épreuve, des ciné-clubs étudiants semi-clandestins à la contrebande pure et dure de pellicule.

Et comme souvent, lorsqu’il est question de l’histoire tragique de ce pays, ils content rétrospectivement la destruction pure et simple de la vie culturelle, qui n’est absolument jamais acquise, mais qui essaiera toujours de trouver un moyen de subsister. A peu près aussi passionnant que désespérant, donc.

Escape from the 21st Century

  • Durée : 1h38
  • Sortie : ?
Accrochez-vous

A chaque édition son blockbuster asiatique archi-bourrin. Escape from the 21st Century, avec ses airs de teen movie de science-fiction, ne rentre pas exactement dans cette catégorie. Pourtant, il représente le meilleur du meilleur du divertissement chinois contemporain. C’est bien simple, on ne sait plus où donner de la tête dans ce mash-up de genres frénétique qui saute de personnage en personnage, de format en format (jusqu’à carrément excéder le cinémascope), plus vite que nos synapses ne parviennent à hiérarchiser les informations.

Il y a du Detention de Joseph Kahn dans cette histoire d’amis dotés du pouvoir de faire des allers-retours dans le futur. Du Everything Everywhere all at once aussi. La mise en scène embrasse les codes et le rythme infernal de la culture internet, entraînant le spectateur dans un tourbillon pop d’autant plus réjouissant que les idées visuelles fusent de toutes parts. On en ressort épuisés, pas certains d’avoir tout saisi, interloqué de voir des sous-titre en chinois sur les bords de l’écran pendant l’intégralité de la projection (?), mais aussi ravis d’avoir assisté à un tel spectacle, dont le cinéma hollywoodien ne nous gratifie que trop rarement.

Mémoires d’un escargot

  • Durée : 1h34
  • Sortie : le 15 janvier 2025 en salles
Presque un feel-good movie

Cela faisait depuis 2015 et son court-métrage Ernie Biscuit qu’on n’avait pas eu de nouvelles d’Adam Elliot. Le réalisateur de Mary et Max nous revient avec un nouveau long-métrage, et pas des moindres. Mémoires d’un escargot raconte l’histoire de Grace Pudel, petite fille fan de gastéropodes et malmenée par la vie. Ici, l’animation en volume sert non pas à provoquer l’émerveillement, mais à souligner la rugosité d’un monde cruel, où l’être humain, bien que capable de sensibilité, peut aussi être réduit à une forme grotesque, côtoyant l’absurde morbide lors de séquences assez traumatisantes.

Le film s’inscrit dans un thème qui a irrigué le festival cette année : celui de la mélancolie et de la dépression, déjà présent dans The Devil’s Bath et La Jeune femme à l’aiguille, lauréat du Prix du public. Incapable de jouer la carte du tire-larme, Elliot adopte presque la forme du roman picaresque pour caractériser les états d’âmes de son héroïne, laquelle affronte des épreuves d’un cynisme total avec la plus grande candeur. Qui de mieux qu’un artiste aussi dévoué à son art (le générique revendique fièrement l’humanité de l’équipe créative), quoi de mieux qu’un film d’animation aussi joli pour raconter comment elle s’accroche à cette qualité.

Duel à Monte Carlo del Norte

  • Durée : 1h38
  • Sortie : ?
Plympton, toujours comme un poisson dans l’eau

Outre Adam Elliot, un autre géant de l’animation était à l’honneur : Bill Plympton. Le cinéaste, dont l’indépendance radicale a mis quelques bâtons dans les roues de son coproducteur invité à la projection, a pris un peu plus de temps que d’habitude pour terminer son film, COVID oblige. Slide, titré Duel à Monte Carlo del Norte chez nous, est un western écolo burlesque, racontant l’arrivée d’un cow-boy particulièrement adroit dans une ville peu recommandable. Lorsqu’un tournage de film hollywoodien est planifié sur place, les dirigeants vont tout faire pour leur préparer le terrain.

C’est l’occasion, vous l’aurez compris, pour le metteur en scène de s’attaquer à la fois à l’industrie cinématographique et à l’industrie tout court, écrasant directement ou indirectement tout sur leur passage. Ce n’est pas une image : le style unique en son genre, souvent hilarant, de Plympton dévoile la déformation littérale des corps, des décors et de la nature dans un joyeux bordel de flingues et de gags, tournant parfois à l’expérimentation pure. Les inconditionnels du bonhomme seront ravis. Les autres découvriront un grand artiste.

House of Sayuri

  • Durée : 1h48
  • Sortie : ?
Recherche appartement ou maison

Cette édition était aussi celle de la subversion des codes. Quand Can Evrenol nous balançait un rape and revenge aussi agressif que politiquement virulent (Sayara), le vétéran japonais Kôji Shiraishi proposait de malmener un peu les clichés de la J-Horror. Il est bien placé pour le faire : en plus de 30 ans de carrière, il a donné dans de nombreux sous-genres au sein de l’horreur nippone, du found-footage (Noroi : The Curse) au torture porn (Grotesque).

Un fantôme aux cheveux longs, une maison de banlieue, des adolescentes en uniforme, une famille tout juste arrivée… Tout est là. Mais juste au moment où on commence à s’en lasser, il retourne tous les enjeux au détour d’un twist comique taillé pour les festivals et entreprend de caresser ces archétypes à rebrousse-poil. Pour ce faire, il propulse un personnage secondaire à la tête du récit et le rend instantanément génial. Le résultat n’est pas parfait, loin de là. Mais ce mélange habile de parodie et d’hommage (l’amour pour cette culture dont il a été l’artisan est sincère) fait régulièrement mouche et rend honneur au nom du festival.

Rédacteurs :
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