« J’en doute » : Ben Stiller ne pense pas qu’il pourrait faire Tonnerre sous les tropiques aujourd’hui

Pour Ben Stiller, son film Tonnerre sous les tropiques ne pourrait plus être réalisé aujourd’hui, notamment à cause de Robert Downey Jr.

La comédie a-t-elle perdu de son mordant ? Éternelle question, qui dépend le plus souvent des biais cognitifs de chacun. Quand on constate la longévité de South Park, des séries Matt Groening ou de leurs héritiers, difficile de pointer du doigt le soi-disant « on ne peut plus rien dire ». En revanche, il est clair que la comédie, notamment la plus subversive, a transité vers d’autres médiums, quitte à délaisser la salle de cinéma au profit du streaming ou d’autres formes audiovisuelles sur les réseaux sociaux.

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Mais visiblement, tout le monde préfère jouer les pseudo-nostalgiques, et se demander si tel ou tel film pourrait encore être réalisé aujourd’hui, accusant par proxy un certain progressisme qui aurait perdu son sens de l’humour. En réalité, comme pour n’importe quelle blague, tout dépend de son tact et de son absence d’ambiguïté. Si Rabbi Jacob ou OSS 117 restent des comédies intemporelles, c’est bien parce que leur personnage principal respectif, ouvertement raciste et ignare (entre autres), est toujours celui dont on se moque.

Dans ce genre-là, Tonnerre sous les tropiques tient une place de choix. Dès sa sortie en 2008, le film de Ben Stiller a fait grincer des dents pour Kirk Lazarus (Robert Downey Jr.), comédien tellement investi dans le method acting qu’il accepte d’incarner un personnage afro-américain, avec supplément blackface. Et justement, le réalisateur est revenu sur ce projet osé, et sa résonance actuelle.

Tonnerre sous les tropiques : trop edgy ?

Interviewé par Collider (notamment pour parler de la saison 2 de la série Severance), Ben Stiller a évoqué le challenge qu’a été la mise en chantier de Tonnerre sous les tropiques, qui a été soutenu dès le départ par DreamWorks et son co-fondateur Steven Spielberg. Mais à la question : « est-ce que le film pourrait encore se faire aujourd’hui ? », la réponse de Stiller est très claire, et concerne en grande partie le personnage de Kirk Lazarus.

« J’en doute. Clairement, à notre époque, la comédie edgy et impertinente est juste plus dure à faire. Et encore plus à l’échelle à laquelle on a fait le film, en matière d’économie. Je pense que même à l’époque, on a eu de la chance de pouvoir le faire, et pour ça, je dois remercier Steven Spielberg et DreamWorks. Il a lu le scénario et a dit ‘Ok, faisons-le !’. […]

Mais oui, l’idée que Robert joue ce personnage, qui lui-même joue un personnage afro-américain était incroyablement risquée. Même à l’époque, ça l’était. La seule raison pour laquelle on l’a tenté, c’est que je sentais que la cible de la blague était très claire – les acteurs qui sont prêts à tout pour obtenir des prix. Mais maintenant, dans ce contexte qui est le nôtre, je ne sais même pas si j’oserais m’y aventurer pour être honnête. »

Bien sûr, il y aura toujours des gens pour passer à côté de la cible d’une blague, et comme le sous-entend Stiller, le blackface de Robert Downey Jr. a été perçu comme choquant dès la sortie du film par certains spectateurs (même si sa performance lui a valu une nomination à l’Oscar du meilleur second rôle). Mais ce serait oublier que le personnage est toujours moqué pour cette action, et que le long-métrage critique ouvertement une telle pratique.

Dire que Tonnerre sous les tropiques serait plus « touchy » aujourd’hui n’est pas complètement infondé, mais c’est oublier que la mise en scène et l’écriture de Stiller (sans oublier le jeu outré de Downey Jr.) auraient juste le devoir d’être tout aussi explicites sur le sujet de leur moquerie. On peut regretter que le réalisateur et acteur se complaise en creux dans le « c’était mieux avant », comme si la comédie subversive pouvait froisser plus facilement les sensibilités de chacun.

On se consolera en pensant à la future dinguerie que promet d’être la saison 2 de Severance, qui sera diffusée sur Apple TV+ à partir du 17 janvier 2025.