The Substance est enfin arrivé au cinéma en France, mais le film d’horreur de Coralie Fargeat est déjà un joli succès dans le reste du monde. Et ce n’est que le début (on croise les doigts).
Ça fait six mois que The Substance est dans l’air, depuis sa présentation spectaculaire au Festival de Cannes où Coralie Fargeat a décapé les tapis rouges à grands coups de karcher de sang. Six mois que le nouveau film de la réalisatrice de Revenge est célébré à peu près partout comme une réussite réjouissante, avec le prestigieux Prix du scénario gagné à Cannes comme top départ de sa carrière internationale.
Le film mené par Demi Moore et Margaret Qualley arrive enfin dans les salles françaises ce 6 novembre, porté par une grosse campagne promo qui a emmené Coralie Fargeat là où les monstres et le gore ont rarement leur place dans l’espace médiatique. Et désormais, tout le monde se demande à quel point le public français se déplacera pour découvrir cette fable déliro-trash sur une star hollywoodienne prête à tout pour retrouver la gloire de sa jeunesse.
Mais en réalité, la France n’est qu’une des dernières étapes dans la carrière de The Substance au cinéma. A ce stade, le film apparaît déjà comme une belle réussite, notamment d’un point de vue commercial. Petit décryptage.
LA SUBSTANCE DU SUCCÈS
The Substance débarque dans les cinémas français avec déjà quelques kilomètres au compteur puisqu’il a déjà encaissé plus de 44 millions dans le monde. Ça peut sembler modeste, mais à y regarder de plus près, c’est un très joli score au box-office vu le film, sa nature et sa durée (2h20).
44 millions, c’est mieux que quantité de films d’horreur sortis en 2024, comme Imaginary (43 millions), Abigail (42 millions), Immaculée (28 millions), MaXXXine (22 millions) ou encore Mother Land (19 millions). Et juste pour le plaisir des comparaisons, c’est mieux que Horizon : Une saga américaine Chapitre 1 (38 millions), The Bikeriders (35 millions), Borderlands (32 millions), The Crow (23 millions), et Megalopolis (13 millions).
The Substance a engrangé environ 15 millions sur le territoire nord-américain, et c’est significatif. Sorti sur moins de 2000 écrans en septembre, le film faisait face aux nouveautés Transformers : Le commencement et Mother Land réalisé par Alexandre Aja, sachant que Beetlejuice Beetlejuice, Speak No Evil et Deadpool & Wolverine étaient encore là. Il a démarré derrière eux en sixième position, avec 3,2 millions.
Mais The Substance s’est bien tenu par la suite, avec une chute de fréquentation de seulement -35,8% sur son deuxième week-end. Comparé à Mother Land, sorti en même temps, c’est une réussite. Le film d’horreur avec Halle Berry avait démarré devant The Substance avec 4,4 millions, sur plus de 4400 écrans. Mais il a chuté de presque -50% sur son deuxième week-end, et a terminé sa course aux alentours de 10 millions.
Autrement dit : le film avec Demi Moore a trouvé son public (certes restreint), et le bouche-à-oreille a fonctionné.
BODY BUDGET HORROR
Mais combien a coûté The Substance ? A cheval entre la production anglo-américaine (produit par les britanniques de Working Title Films, tourné en anglais, avec un casting américain) et la production française (tourné en France, avec une équipe en partie française, et produit notamment par Blacksmith, la boîte de Coralie Fargeat créée en 2022), le film échappe aux cases habituelles.
Selon Deadline, le budget de The Substance est 17,5 millions de dollars. A titre de comparaison, c’est moins que La Malédiction : L’origine (30 millions), Abigail (28 millions) et Mother Land (20 millions), mais plus que Imaginary (13 millions) et Immaculée (9 millions).
Au départ, Universal devait s’occuper de la sortie américaine de The Substance. Mais suite à des désaccords durant la post-production, et sachant que Coralie Fargeat avait le final cut (le dernier mot sur le montage), le studio a fait machine arrière. Le film a donc été proposé à d’autres, et c’est Mubi qui l’a acheté pour 12,5 millions.
Le service de streaming a mis les bouchées doubles pour faire de la sortie de The Substance un événement aux États-Unis, en misant largement sur un marketing digital. Une riche idée puisque le film est devenu un objet à memes et autres détournements sur les réseaux sociaux, grâce à ses affiches, ses costumes, ses couleurs et son spectacle.
LA SUBSTANCE À LA FRANÇAISE
En France, The Substance est évidemment attendu au tournant. Demi Moore a été accueillie comme une reine à la Cinémathèque française pour une masterclass le mardi 5 novembre, veille de la sortie, mais c’est Coralie Fargeat qui porte la couronne. Passée par la prestigieuse école de la Fémis en 2010, elle a réalisé deux courts-métrages avant de s’attaquer au long avec Revenge, sorti en 2017. Et c’est justement son deuxième court, intitulé Reality+, qui a servi de point de départ à The Substance.
Le film a beau être tourné en anglais, avec des actrices américaines, et dans un imaginaire purement hollywoodien, il est célébré en France comme le bébé magnifiquement mutant d’une Française. Et à juste titre, puisque Coralie Fargeat a bataillé pour y arriver.
La carrière de The Substance avait officiellement commencé en France, à Cannes, avec un Prix du scénario en récompense. Et son exploitation en salles commence plutôt bien chez nous puisque le film était en tête des premières séances au UGC Les Halles ce 6 novembre, avec 117 tickets vendus, loin devant Trois amies (46) et Here (26).
C’est un peu moins que Juré n°2 (122 tickets), mais c’est mieux que Megalopolis (107), la Palme d’or Anora (101), Joker : Folie à deux (94), Terrifier 3 (58), Beetlejuice Beetlejuice (48), ou encore Speak No Evil (38).
Historiquement, le démarrage d’un film au cinéma des Halles est important. Ce sont littéralement les premières projections des films en France le jour de leur sortie, grâce aux séances à 9h, et elles sont scrutées par toute la profession pour avoir une première idée de l’engouement du public. Ce n’est pas une science exacte, mais c’est suffisamment intéressant pour que les équipes et les distributeurs y fassent attention.
Coralie Fargeat était justement présente pour la première séance à Paris, et a célébré ce beau démarrage en photo.
@coraliefargeat, la réalisatrice de #TheSubstance, vous présente le #9hdeshalles de ce 6 novembre ð¥ pic.twitter.com/vUHQsphRWs
— UGC (@UGCcinemas) November 6, 2024
Dans tous les cas, voir un tel film suivre une si belle trajectoire a quelque chose de forcément réjouissant. Personne n’aurait pu prédire qu’un délire gore de 2h20 serait célébré ainsi, du Festival de Cannes jusqu’aux salles américaines.
Et le chemin pourrait être encore long puisque The Substance est lancé dans la fameuse saison des Oscars. Nommé deux fois aux European Film Awards (meilleur film et meilleur scénario), il a des chances d’être sérieusement pris en considération pour les prochaines cérémonies, notamment avec Coralie Fargeat et Demi Moore, qui coche ici quelques cases hollywoodiennes (un retour au premier plan, un rôle qui met en jeu son image, une mise à nu littérale et symbolique, et un pari risqué).
Plus qu’une chose à espérer : qu’on ait des raisons de parler de The Substance pendant encore plusieurs mois.