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Trump vs la Chine : Hollywood va t-il morfler et perdre plein d’argent ?

Par Mathieu Jaborska
12 avril 2025
Trump vs la Chine : pourquoi ça va coûter très cher à Hollywood et à fast & Furious © Fox News Warner Bros. Universal Pictures

Les conséquences des annonces de Donald Trump touchent tous les secteurs, dont le cinéma américain, qui compte sur l’exportation.

Diffusé dans une bonne partie du monde, le cinéma populaire américain est tributaire de l’actualité géopolitique. Le 2 avril 2025, le nouveau président des États-Unis, Donald Trump a annoncé une hausse générale des droits de douane. Le « Jour de la libération » a été décrit comme le coup d’envoi d’une véritable guerre commerciale. Tandis que l’Union européenne organisait sa riposte, plusieurs entreprises ont pris des mesures, y compris dans le champ culturel.

Nintendo, par exemple, a annoncé quasi au même moment, en grande pompe, sa Switch 2. La firme japonaise a décidé de délayer les précommandes de la console aux États-Unis, afin de prendre le temps d’« évaluer l’impact potentiel » des taxes. Chez les travailleurs du cinéma, c’est la confusion qui régnait le lendemain du 2 avril, comme le rapportait un article de Screen Daily. D’autant que le président américain avait promis en janvier de faire revenir « l’âge d’or de Hollywood », selon lui vampirisé par les productions étrangères.

A priori, les taxes concernent les biens et non pas les services, excluant par exemple la vente de films et de séries au sein des États-Unis. De plus, Trump a fait volte-face le 9 avril, annonçant une suspension de l’augmentation pendant 90 jours, ce qui a entrainé une suspension de la riposte européenne et suscité des soupçons de manipulation des marchés. Toutefois, le cinéma américain continuera à pâtir de sa stratégie, à cause de… la Chine bien sûr.

L’Empire du milieu contre-attaque

Quelques jours après l’annonce présidentielle, plusieurs médias américains, dont Bloomberg et Variety, prédisaient des sanctions sur le plan cinématographique de la part de l’administration chinoise. Depuis le 9 avril, la Chine est le seul pays toujours ciblé par l’augmentation des droits de douane, qui viennent donc de grimper jusqu’à 145 %. Tandis que le gouvernement contre-attaque en taxant à 125 % les produits américains, l’industrie culturelle est indirectement impactée. Le spécialiste du PC portable gamer Razer, par exemple, a retiré de la vente son modèle Blade 16.

Et le cinéma est effectivement touché, de manière directe cette fois. La Chine a toujours surveillé étroitement l’importation des superproductions hollywoodiennes dans ses contrées. Ainsi, l’administration du film a confirmé qu’elle allait « réduire modérément » le flux de films yankee dans les salles locales. Le communiqué officiel est très clair :

« Les mauvaises actions du gouvernement américain, qui abuse des frais de douanes de la Chine, vont inévitablement réduire les faveurs du public domestique envers les films américains. Nous allons suivre les règles du marché, respecter le choix du public et réduire modérément le nombre de films américains importés ».

Jason Momoa Minecraft, le film
Big in China

Un choix de mots audacieux pour une organisation si prompte à la censure d’État. La confusion assumée entre ses restrictions et le supposé libre arbitre de la population chinoise en disent long sur la philosophie de l’administration concernant la culture. Le timing est toutefois judicieux : le règne de Ne Zha 2, plus gros carton de l’histoire chinoise, qui vient de se hisser à la cinquième place du classement des plus gros succès de l’Histoire derrière Titanic, vient de toucher à sa fin. Qui l’a remplacé en tête du box-office chinois après deux mois à l’affiche et 2,11 milliards de dollars en poche ? Minecraft, le film.

L’adaptation du célèbre jeu vidéo doit en effet une petite partie de son pactole à ce qui est encore pour Hollywood le deuxième box-office mondial. Diffusé dans plus de 17 000 cinémas, il y a récolté 14,5 millions de dollars en quelques jours. Les studios comptent parfois sur le public chinois pour gonfler le score de certaines franchises particulièrement populaires sur place. Les Fast & Furious par exemple, y font fortune : 216,9 millions de dollars pour le neuvième, 392,8 millions pour le huitième.

Fast & Furious 9 : photo, Vin Diesel
Passion gros bras et gros moteurs

Après la bataille

Ces sanctions vont-elles pour autant saigner les studios hollywoodiens ? Fut un temps, elles auraient considérablement abîmé leurs finances. L’administration a toujours contrôlé très précisément quels films pouvaient s’inviter sur le territoire chinois, exigeant parfois des coupes afin de remplir le cahier des charges de la censure. Dans les années 2010, les majors taillaient leurs blockbuster pour le marché chinois et s’acoquinaient même avec les boites de production locales, comme Tencent. Avec à la clé des divertissements hybrides, tels La Grande Muraille.

La Grande Muraille : photo, Matt Damon, Pedro Pascal
Ravis de vous rappeler l’existence de ce film

À l’époque, les films américains dominaient le box-office chinois. Avengers : Endgame lui doit d’ailleurs une portion non négligeable de son total gargantuesque : 632,1 millions de dollars. Mais depuis, le gouvernement a pris des mesures afin de considérablement développer l’industrie locale. Suite au COVID, à des déclarations d’artistes et surtout au centenaire du parti communiste, les vannes ont été quasiment coupées et la plupart des blockbusters ne sont pas sortis sur place lors des années 2020, 2021 et 2022.

Depuis, une fenêtre a été rouverte, d’où le carton de Minecraft. Mais le modèle cinématographique chinois a connu une véritable explosion dont Ne Zha 2 est devenu le symbole. La Chine est désormais un mastodonte du divertissement, ce qui lui permet de s’affranchir de l’influence – financière et idéologique – américaine, mais désormais aussi d’un moyen de pression.

Ne Zha 2
Ne Zha 2, qui s’exporte bien en France le 23 avril

Certes, Mission : Impossible 8 et Superman avaient des chances de s’imposer au pays de Winnie l’ourson, chances désormais considérablement réduites. Mais avec ces limitations « modérées », les autorités chinoises sont loin de mettre le couteau sous la gorge d’une industrie qui a appris à ne plus compter forcément sur leur population.

D’autant que Variety a appris que Thunderbolts*, le prochain Marvel, venait de se garantir une place dans le calendrier, le 30 avril. Il s’agissait peut-être aussi de montrer les dents, le parti ayant peu d’intérêt à dépeupler des salles de cinéma qu’il a mis tant d’effort à transformer en véritable arme de softpower massif.

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Eomerkor

Et moi qui pensais qu’Hollywood allait morfler à cause de la qualité des films, de l’explosion des budgets et du manque de créativité. Je me suis trumpé.