Les nouveaux OLED flex signent-ils la fin des écrans plats et incurvés ?

Il est peu fréquent qu’une invention parvienne à changer fondamentalement la manière dont on imagine et conçoit des technologies. En développement depuis des années, les écrans flexibles entrent dans cette catégorie. Déjà présents sur certains téléphones, depuis la Gamescom 2022, ils s’apprêtent à débarquer dans les bureaux comme les salons.

Faire des choix est rarement évident. C’est d’autant plus le cas lorsqu’il s’agit d’acquérir des équipements onéreux et censés durer dans le temps. Opter pour un écran incurvé ou non peut ainsi relever du casse-tête. Heureusement, cette problématique pourrait bientôt appartenir au passé, à mesure que des innovations ouvrent la voie vers une approche hybride de la conception d’écrans.

Même si Samsung a brisé quelques écrans, les smartphones pliables n’étaient que la première étape

La lente évolution de la courbure des écrans.

Pendant nombre d’années, les écrans ont majoritairement été cantonnés à des surfaces planes. Pas un relief à l’horizon, rien. Seuls les toiles de cinéma, une poignée de géodes et autres planétariums pouvaient se permettre des projections sur des surfaces concaves. Notre vision périphérique s’en trouvait fort dépourvue.

Depuis, les dalles incurvées ont été plébiscitées par le monde du gaming et certains cinéphiles – bien qu’encore onéreuses. Le récent et impressionnant écran Ark Odyssey de Samsung témoigne de cette montée en puissance dans le domaine, avec ses dimensions conséquentes, mais également la possibilité de le faire pivoter à la verticale. Cette courbure suivant celle de nos propres globes oculaires semble ainsi plaire.

Il faut avoir un peu de place sur son bureau

Les dalles incurvées ont ainsi transposé à plus petite échelle les projections au cinéma sur des toiles courbes. Seulement, ici, ces écrans émettent directement la lumière nécessaire à l’image. Cette petite révolution peut exister grâce à la technologie OLED, autorisant des surfaces de diodes bien plus fines, sans rétroéclairage. Ce sont elles qui ont ouvert la voie aux verres et plastiques de plus en plus fins et flexibles, laissant présager l’avènement des écrans flexibles.

Qu’est-ce qu’un écran flex ?

Il existe donc une différence cruciale entre l’offre actuelle d’écrans incurvés, et celle à venir de surfaces flexibles. Les dalles incurvées sont des compressions rigides d’un mille-feuille bien plus mince que les précédents modèles de LCDs. Les constructeurs leur ont « simplement » appliqué une forme différente.

Le défi technique était dès lors de produire des plastiques, verres ou métaux égalant cette plasticité des panneaux LED, sans rompre, même à grande échelle. Les LED organiques ne présentent pas de réelles contraintes de rigidité ni même de point de rupture, mais c’est bien le reste (le substrat les accueillant, les anodes, les cathodes et la couche protectrice), qui ne permettait pas de plier la surface à l’envie tout en la gardant fonctionnelle.

La pionnière et rarissime LG Signature OLED R

De nos jours, nous n’en sommes pas encore aux écrans transparents de l’épaisseur d’une feuille de papier des fictions de SF, mais certains obstacles ont bel et bien été levés. LG se trouve à l’avant-garde avec sa Signature OLED R, une première mondiale de télévision enroulable. Annoncée au CES 2018, son prix exorbitant de 100 000 euros et sa date de commercialisation n’ont été partagés qu’en 2021. Écran plat de 65 pouces une fois déplié, il peut s’enrouler dans un caisson lui servant de base. Pratique ?

Fonctionne aussi bien dans une pièce cubique

C’est ensuite au tour des écrans flex de faire leur apparition durant l’été 2022. Que ce soit LG qui commercialise son modèle LX3 ou qu’il s’agisse du Xeneon Flex de Corsair (utilisant aussi une dalle LG), ce sont de nouveau deux premières mondiales qui ont fait parler d’elles. Il n’est cette fois plus question de camoufler un écran, mais de pouvoir le basculer d’une position plane à une autre, incurvée.

Manuellement ou bien à l’aide d’un petit moteur, « plier » la dalle s’effectue en tirant deux poignées ou répond à la simple pression d’un bouton. Il est possible de choisir le degré de courbure voulu jusqu’à un maximum de 900 ou 800R selon les modèles, et ce, pour une estimation de durabilité de 10 000 manipulations environ.

Une joie absolument pas feinte !

Il ne sera donc plus seulement envisageable de faire pivoter une dalle horizontalement ou verticalement, mais aussi de décider de son angle entre un plan et une courbe. Les prix de ces deux écrans n’étant pas encore connus, il reste à espérer qu’ils soient plus accessibles que la précédente innovation de LG.

Mais nul doute que cette nouveauté tendra à se répandre avec le déploiement des écrans OLED et à mesure que la démocratisation fera son œuvre pour en abaisser les coûts. Par ailleurs, et bien que débutant par des écrans plutôt destinés aux ordinateurs, il est aussi évident que les applications de cette avancée s’étendront aux téléviseurs et au-delà.

Seulement deux bras articulés, mais beaucoup d’innovations derrière

Pourquoi les écrans flex pourraient tout changer ?

Tout cela est bien beau, mais à quoi bon ? Quelle utilité à plier son écran d’ordinateur ou de télévision et pourquoi ne pas opter pour une version fixe ? Comme toujours, l’usage, l’usage, l’usage : personne n’achète un robot de piscine en vivant dans une chambre de bonne.

Outre les qualités intrinsèques à une image sur un écran OLED (excellent contraste, luminosité et colorimétrie, gestion du HDR, faible temps de latence, atténuation et retardement du burn-in), l’usage qu’en feront les utilisateurs prévaudra toujours. Or, si l’image est d’ores et déjà magnifique, la différence se fera sur d’autres critères.

Bientôt aussi simples à réplier que les antiques cartes routières

L’argument principal derrière l’achat d’un écran incurvé est celui de l’immersion, que ce soit dans un film, une série ou un jeu. Son inconvénient principal est en revanche de ne posséder qu’un unique point de vue idéal situé au centre de la courbe, mais aussi sa possible déformation des lignes et perspectives.

Ainsi, pour des personnes travaillant dans le graphisme, l’illustration ou l’architecture, mais voulant aussi profiter de leurs films et jeux de manière plus immersive, il est désormais possible d’avoir le meilleur des deux mondes. De même pour les cinéphiles voulant faire une séance avec des amis – et donc disposer d’un écran plat – mais pouvant apprécier l’immersion de l’incurvé une fois seuls.

C’est une sacrément grosse pellicule

Cela étant, cette lente métamorphose des écrans n’en est qu’à ses débuts. Cette étape, bien que notable, n’est que la prémisse d’une nouvelle approche des technologies de l’image. Une fois le développement des surfaces flexibles rendu moins coûteux, des améliorations verront probablement le jour.

Les écrans pourraient ne plus présenter de forme fixe : nous pourrions les voir sertis dans des objets ou bien se déployer depuis des coffrages incomparablement plus petits que celui de la Signature OLED R. Discrétion, adaptabilité, faible consommation… ces développements à venir auront sans aucun doute un impact fort sur notre future approche de l’image.

Certains concepts de vêtements intègrent d’ores et déjà des moteurs, de la mécanique, des LED ou des nanomatériaux. Plus que d’être chauffants ou de posséder quelques lumières clignotantes, pourquoi ne pourraient-ils pas, à terme, intégrer des écrans aussi souples que du tissu ?

Les tatouages ne seront plus les seuls à pimper nos peaux

Dans l’ensemble, l’invention d’une flexibilité omnidirectionnelle n’est plus qu’une question de temps. Qu’il s’agisse des prototypes de capes d’invisibilité ou d’ajout à la peau d’écrans plus fins que l’épiderme, notre perception du réel va être amenée à changer.

Nos habits comme nos corps pourront se parer d’images les brouillant ou les faisant tout simplement disparaître en affichant le décor présent en arrière-plan. Bien que cela reste pour l’instant de l’ordre du spéculatif et dépende amplement de la production réelle et abordable de tels objets, la question de la pertinence de ces créations se pose. La frontière entre réelle utilité et gadget superficiel sera à définir.

À ne pas confondre avec votre serviette de bain

À l’heure où LG récidive en lançant des écrans HD encore plus souples et extensibles, quels usages seraient véritablement indispensables ? Vous-même, adopteriez-vous une mode haute résolution ? Ou bien redouteriez-vous son coût écologique et le chaos que pourraient engendrer des combinaisons de camouflage optique dignes de Ghost in the Shell ? Les déclinaisons d’images si malléables peuvent être nombreuses, reste à savoir lesquelles seront désirables.