Pourquoi Steam a refusé de publier ce jeu fait à l’aide d’une IA

Par Léo Martin
4 juillet 2023
MAJ : 5 juillet 2023
3 commentaires
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Valve s’est expliqué sur les raisons qui l’ont amené à refuser de publier un jeu utilisant du contenu généré par IA sur la boutique Steam.

Cela devient de plus en plus une évidence : la question de l’IA sera aussi passionnante que clivante durant les temps à venir. Si le sujet est trop vaste pour être développé ici en quelques lignes, il est certain qu’on aura de nombreuses occasions d’y revenir ne serait-ce que pour ce qu’il apportera au jeu vidéo à l’avenir. L’industrie vidéoludique lorgne toujours sur la perpétuelle évolution des intelligences artificielles et commence à s’en approprier la technologie.

Il y a encore peu, Ubisoft se disait prêt à utiliser une IA dans le but de co-écrire ses jeux et de soulager ses scénaristes de tâches ingrates. Une ambition qui divise et qui, malgré des justifications raisonnables, soulève de nombreux débats éthiques. Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ; et il serait bon que certaines compagnies se trouvent en effet un peu de conscience pour temporiser le florissant progrès. Justement, l’éditeur Valve a récemment fermé les portes de sa boutique Steam à un jeu utilisant du contenu généré par IA. Mais était-ce par conscience ? 

 

Avatar : Frontiers of Pandora : photoFaudrait-il un jour des IA pour nous représenter le naturel ?

 

Steam ferme ses valves 

Évoquer catalogue Steam et moralité dans la même phrase serait plutôt hasardeux. Les fins connaisseurs de la boutique de Valve savent bien qu’un bon nombre de jeux plus que discutables s’y trouvent et qu’aucune règle de quelque sorte ne semble pousser l’éditeur à les faire bannir, bien qu’il y ait probablement d’excellentes raisons de le faire. On se demande alors  : pourquoi Valve montre les crocs à l’IA ?

En juin dernier, un développeur s’est étonné sur Reddit de s’être vu refuser la publication de son jeu sur le fameux catalogue. Selon lui, c’est le contenu créé par IA (qu’il dit avoir ensuite lui-même modifié et transformé à la main) détecté par Valve qui a posé problème. La politique de Steam n’étant pas claire face à ces nouvelles technologies, des explications ont ainsi été naturellement demandées à l’éditeur. 

 

Portal 2 : Photo PortalValve et sa longue histoire avec les IA psychopathes

 

Tant que la question n’a pas encore été suffisamment étudiée et intégrée dans une réglementation correcte, la prudence de l’éditeur est en réalité la bienvenue. Des studios pourraient en effet abuser des IA pour remplacer le travail d’artistes sur leurs jeux, afin de faire des économies. Et le refus de les publier semble alors tout à coup une sanction dissuasive potentiellement salvatrice – du moins, en attendant une meilleure solution.

Malheureusement, c’est un tout autre motif que Valve a invoqué pour clarifier son choix (via VGC) :

« Nous continuons à en apprendre davantage sur l’IA, sur la manière dont elle peut être utilisée dans le développement de jeux et sur la manière de l’intégrer à notre processus d’examen des jeux soumis pour une distribution sur Steam. […] L’utilisation de l’IA peut parfois rendre plus difficile de montrer qu’un développeur dispose de droits suffisants pour se servir de l’IA afin de créer des assets, notamment des images, du texte et de la musique. […]

 

Alien : Isolation : PhotoQuand tu regardes au fond de l’IA, l’IA aussi regarde au fond de toi

 

Il faut noter l’incertitude juridique liée aux données utilisées pour former des modèles d’IA. Il est de la responsabilité des développeurs d’avoir les droits appropriés pour livrer leur jeu. Nous savons qu’il s’agit d’une technologie en constante évolution, et notre objectif n’est pas de décourager son utilisation sur Steam ; au contraire, nous cherchons à l’intégrer dans nos politiques d’examen déjà existantes.« 

Eh oui, point d’éthique, de morale ou de conscience. C’est bien la seule juridiction (encore imprécise sur les IA) des droits d’auteur qui a valu cette non-publication. Effectivement, un autre souci soulevé par beaucoup à propos des IA est qu’elles s’inspirent du travail d’artiste pour créer leur propre contenu. La question du plagiat se pose donc, et les utilisateurs d’intelligences artificielles s’y exposent. Ainsi, pour éviter d’avoir des ennuis avec ça, Valve a placé une barrière préventive. Une mesure légitime pour éviter tout vol de propriétés intellectuelles. 

 

Detroit : Become Human : photoMidjourney qui n’a plus le droit de s’inspirer des autres œuvres pour créer

 

IA : Intelligent Artist

Maintenant, voici une question. Est-ce que le fait que les IA apprennent d’autres œuvres pour créer leur contenu est le vrai problème ? L’homme n’est-il pas lui-même l’animal mimétique – celui qui s’inspire de ce qu’il voit pour inventer ? L’IA est faite à son modèle et, à mesure qu’elle évolue, sera forcément de plus en plus originale. Et on peu espérer que le vol soit de moins en moins l’apanage de l’IA. 

La question du plagiat sera donc probablement, à terme,  écartée et Steam pourra, en toute bonne conscience, rouvrir ses portes aux jeux utilisant son contenu. La vraie problématique reste celle du remplacement des artistes par les IA, et cette crainte, elle, persistera bien. Sur ce sujet, Valve n’a malheureusement pas éclairci sa position, là où il aurait pu être le premier gros éditeur à faire le premier pas. Un bel acte manqué.

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Morcar

Il ne faudra jamais compter sur le fait que les compagnies se trouvent un peu de conscience, quel que soit le sujet. Sans lois pour les limiter, il y en aura toujours qui n’auront aucune conscience. La même question se pose sur plein de sujet, comme le clonage à une époque.

RobinDesBois

« à savoir le pompage illégal de milliards de visuels et données que NOUS, les utilisateurs, nous faisons gentiment subtilisées à coup de CGV abusives et trompeuses. »

C’est vrai mais un « artiste » ne fait-il pas la même chose inconsciemment ? (avec une quantité de données plus réduite évidemment). Aucune approche visuelle ne germe ex nihilo dans la tête d’un artiste.

Slater-IV

Le problème, c’est « simplement » le capitalisme.
Midjourney et autres applications estampillées Open Ai ont un fonctionnement qui atteint l’apogée de l’indécence (et je pèse mes mots), à savoir le pompage illégal de milliards de visuels et données que NOUS, les utilisateurs, nous faisons gentiment subtilisées à coup de CGV abusives et trompeuses. En d’autres termes, nous sommes les artisans de notre propre remplacement, et le pire, c’est que nous y participons de manière active chaque jour.

Donc pour répondre à la question de l’article « Est-ce que le fait que les IA apprennent d’autres œuvres pour créer leur contenu est le vrai problème ? », la réponse est simple :

Premièrement, aucune IA n’apprend d’autres oeuvres pour en créer de nouvelles par elle même, pour le moment, c’est l’homme qui demande à un programme de créer de nouveaux visuels à partir d’images volées. Et du coup, non, ce n’est pas acceptable.