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Until Dawn : le slasher game est-il aussi cool et gore que prévu ?

Par Geoffrey Crété
26 août 2015
MAJ : 22 janvier 2022
14 commentaires

Et si Scream, Souviens-toi… l’été dernier et The Descent étaient des jeux vidéo ? C’est le pari inattendu du studio Supermassive Games avec Until Dawn.

Until Dawn : photo

Le dialogue entre le cinéma et le jeu vidéo ne date pas d’hier. Des « point and click » ponctués de cinématiques avec de vrais acteurs incrustés à l’intro du premier Resident Evil en passant par le Silent Hills avorté de Guillermo Del Toro, les pixels ont toujours cherché à se rapprocher du septième art, qui lui-même n’a pas hésité bien longtemps avant de piller ce média devenu si lucratif – avec d’inévitables adaptations mais aussi en empruntant ses codes et ficelles.

Vendu sur son affiliation au genre du slasher seconde génération, avec des références évidentes à Scream de Wes Craven et sa pâle copie Souviens-toi… l’été dernierUntil Dawn s’inscrit sans honte dans le sillage du studio Quantic Dreams, et notamment de Heavy Rain : un jeu basé sur le principe que celui qui tient la manette détient les clés de l’intrigue à travers une série de choix et options, illustré dans le cas présent par l’image de l’effet papillon, qui voudrait qu’une action a priori anodine résonne au point d’avoir des répercussions dramatiques. Un idée qui, appliquée au genre du slasher, donne un pouvoir de vie et de mort sur les personnages. Mais est-ce suffisant ?

 

 

I KNOW WHAT YOU SCREAM LAST WINTER

L’histoire d’Until Dawn démarre dans un luxueux châlet perdu dans les montagnes canadiennes de Blackwood Pines. A cause d’une blague cruelle, deux soeurs jumelles disparaissent dans la forêt enneigée, laissant derrière elle leur frère Josh et sept amis plus ou moins responsables. Un an plus tard, Josh réunit la bande pour tenter de maintenir les liens et affronter ensemble la date d’anniversaire du drame. Mais une présence menaçante et d’étranges phénomènes vont bientôt diviser le groupe, qui va devoir traverser un cauchemar pour survivre jusqu’à l’aube.

Si le synopsis semble sorti d’un vieux carton de la filiale Dimension Films de Miramax, c’est parce qu’Until Dawn revendique fièrement ses ambitions de série B nostalgique. Le programme compte donc un sous-sol rempli de secrets, une séquence de spiritisme, une excursion dans un hôpital psychiatrique désafecté, une sensuelle parenthèse en serviette de bain, de nombreuses explorations de la forêt enneigée, et un certain nombre d’autres phases marquantes que le pitch se garde bien de révéler.

 

photoGroupe de clichés

 

Ce désir incontestable de séduire le joueur et adepte du cinéma de genre donne à Until Dawn une couleur particulièrement plaisante, à l’image d’un groupe de héros stéréotypés : la blonde idiote, la brune garce, le sportif, le comique timide, le beau gosse courageux, la timide ultra-sensible, le garçon fragile et instable, agencés autour de Hayden Panetierre, gloire déchue de la série Heroes qui redevient la tête d’affiche pour l’occasion dans le rôle de la belle blonde honnête et débrouillarde. Chaque membre de l’équipe se révèlera ainsi suffisamment attachant pour impliquer le jouer, mais bien assez agaçant pour lui donner l’envie de les malmener sans trop de scrupules.

Avec ces amusantes carte en main, le jeu touche la corde sensible de plusieurs générations bercées par des tonnes de séries B délicieusement risibles et manipule avec générosité et humour les inombrables clichés inhérents, jouant plus la carte de la connivence que de l’immersion (notamment en laissant régulièrement apparaître au joueur la menace dans un coin de l’image, que les personnages eux-même ne peuvent voir).

 

photo

 

Visuellement, Until Dawn est beau, parfois très beau. Sans être renversante, l’animation des visages et des corps est réussie, sans toutefois gommer les inévitables yeux vitreux et expressions de poupée plastique. Divisé en quatre zones principales, l’environnement offre peu de diversité mais utilise relativement bien les effets de lumière, de neige et d’obscurité pour créer une ambiance efficace et parfois prenante, à défaut d’être profondément originale ou surprenante. La musique de Jason Graves (Dead Space) participe grandement à l’atmosphère délicieusemment old school de la chose. Et parce qu’il propose une option VOSTFR, Until Dawn se consomme avec un vrai plaisir de cinéphile.

 

photo

GAME NEVER OVER

Mais le principal intérêt de l’expérience repose évidemment sur le fameux effet papillon au coeur de la promo, énoncé en détail dès l’introduction, illustré dans un dialogue ridicule et rappelé de nombreuses fois via l’une des jumelles. Concrètement : le joueur se verra régulièrement offrir deux options, allant du plus trivial (aller à gauche ou à droite, prendre le raccourci ou le chemin normal, répondre gentiment ou en se moquant) au plus extrême (se cacher ou fuir, sacrifier untel ou untel), en passant par des phases où l’on pourra décider où tirer, voire ne pas tirer du tout pour éviter des complications.

Certains de ces choix auront une influence directe sur la tournure des événements ou les relations entre les personnages, indiquée par un message à l’écran qui informe le joueur que le cours de l’histoire a changé, ou qu’il peut se rendre sur la fiche du personnage pour constater son évolution (divisée entre ses traits de personnalité et ses affinités avec les autres membres du groupe, qui évoluent avec les décisions et événements).

Enfin, une série de totems, classés en cinq catégories (mort, danger, perte, conseil, chance) et dispersés à travers les zones, permet au joueur, en les ramassant, d’avoir de brèves visions des futurs événements pour l’aider à orienter ses choix.

 

photoEtre relou ou ne pas être relou, telle est la question

 

Conséquence réjouissante : le game over n’existe plus. Impossible de perdre ou relancer une partie, celle-ci étant définitivement lancée jusqu’à sa conclusion, plus ou moins sanglante et dramatique selon les choix du joueur – car il est bel et bien possible, pour les plus impitoyables, de terminer le jeu sans aucun survivant. D’où l’impression grisante de maîtriser le destin de ces héros puisque chaque choix est irréversible et chaque mort, définitive. Un faux pas, une touche pressée trop tard, et le protagoniste finira le crâne écrasé sur un rocher (dans le meilleur des cas), faisant prendre à l’histoire un embranchement en passant le relais à un autre personnage. 

Immuable dans les très grandes lignes, avec un certain nombre de twists très divertissants, l’histoire laisse ainsi énormément de place au joueur qui devient alors scénariste du slasher. Cette liberté est notamment illustrée par les mystérieuses séances en vue subjective chez un psychiatre interprété par Peter Stormare, qui rappelleront à certains Silent Hill Shattered Memories . Elles interviennent entre chacun des dix chapitres et permettent au joueur de guider l’aventure selon plusieurs critères (ce dont il a le plus peur, quels personnages il déteste le plus). D’où la sensation étourdissante d’avoir entre les mains un jeu aux possibilités virtuellement inépuisables.

Avec dix missions qui nécessitent chacune moins d’une heure, Until Dawn a une durée de vie très courte. Mais impossible de résister à la tentation de relancer l’histoire ou un chapitre précis pour tester les limites et possibilités de l’effet papillon : éviter cette mort idiote, emprunter ce chemin trop obscur lors du premier run, ou se lancer un défi pour pimenter l’affaire (sauver toutes les blondes, tuer tous les garçons, laisser mourir les moins idiots). De quoi faire oublier la gestion hasardeuse des chapitres et cliffhangers.

 

photoDe l’importance d’être medium

 

HEAVY GAME

Mais ce miroir aux alouettes se révèle incapable de masquer les limites évidentes de l’entreprise, sur laquelle les ambitions d’objet méta semblent lourdement peser. Car à force de se penser comme un film interactif, Until Dawn en perd son identité et son intérêt de jeu vidéo, obligeant le jouer à déambuler d’un pas mou dans de longs couloirs pour rassembler des coupures de journaux et autres indices, afin de comprendre les tenants et aboutissants d’une double intrigue pas bien profonde. La grossière étincelle magique qui ponctue chaque tableau ou presque, pour indiquer les points d’intérêt au joueur, réduit un peu plus encore le champ des possibilités d’une aventure théoriquement vaste mais réellement étriquée.

A l’image de cette architecture, le gameplay se résume bien vite à un joystick pour avancer, un autre pour diriger la source de lumière, et une touche pour accélérer le pas et donner un minimum de vie à la chose. Les plus courageux pourront se frotter au contrôle avec le détecteur de mouvements de la manette, absolument pas intuitif malgré ses intentions de départ – bouger la manette pour faire son choix ou diriger la lampe torche.

 

photoSave the cheerleader

 

Until Dawn est donc un jeu batard : parfois soporifique car trop carré, et bien trop directif pour être à la hauteur de ses grandes ambitions de jeu cinématographique. Non seulement le gameplay est minimaliste, donnant parfois l’impression d’être spectateur de la chose, mais le jeu nous crie en plus où aller, donnant ainsi la désagréable impression de n’être qu’un machino chargé de pousser la caméra sur un rail de traveling pour animer une scène d’investigation ordinaire. Certains passages laissent même au joueur le loisir de contrôler le crescendo et decrescendo d’une musique angoissante, en avançant ou reculant de quelques pas ; sauf qu’au lieu du plaisir d’être metteur en scène de ce cauchemar, il y a la frustration de se voir prisonnier d’un cahier des charges rigide, incapable de camoufler ses ficelles et limites. 

 

photoJumpscare numéro 89

 

Cette lourdeur prend aussi la forme d’un gameplay répétitif, qui oblige à presser les mêmes deux touches pour tendre le bras et saisir un objet avant de le retourner pour l’examiner. Une idée passablement efficace qui, au lieu de prolonger la main du joueur de l’autre côté de l’écran, donne l’impression lassante d’être berné par un gimmick de pacotille, à l’image du pavé tactile utilisé pour dévérouiller l’écran de son téléphone portable ou tourner les pages d’un livre. Seule vraie belle idée, malheureusement sous-exploitée : le détecteur de mouvements de la manette qui oblige le joueur à rester immobile dans certaines situations très tendues. Dans ces moments précis, Until Dawn laisse entrevoir le champ des possibilités excitantes qu’il avait devant lui en matière d’immersion et d’adaptation du slasher.

En se situant dans la lignée directe des titres de Quantic Dreams chapeautés par David Cage, Until Dawn rappelle par ailleurs les limites terribles de ces jeux vendus sur des concepts séduisants et des noms acteurs hollywoodiens. Car ici, comme dans Beyond : Two Souls, le bilan en fin de ligne est mitigé, avec la sensation de se heurter à un mur au niveau de l’intéractivité et la modernité.

 

photoQuand on te dit que le jeu est trop bien

 

FEAR FACTOR

Until Dawn fait-il peur ? Non. Est-ce un problème ? Non plus. Car il s’agit moins de traumatiser ou repousser les limites de l’expérience, à la manière du génialissime Alien Isolation, que d’offrir quelques sursauts, sueurs froides et vagues angoisses. Le jeu s’amuse d’abord et surtout avec son joueur, comme une maison hantée de fête foraine dont on apprécie le caractère grossier si l’on prend en compte le contexte. Until Dawn intègre parfaitement cet idée avec une auto-dérision totalement assumée dans la première partie et un sympathique twist à mi-parcours, qui devrait prendre par surprise la majorité des esprits qui auront sous-estimé la teneur de l’intrigue.
 

Car malgré une immersion très mince, le joueur pourra espérer vivre quelques émotions fortes dans la deuxième partie de l’aventure, lorsque l’histoire prend une tournure digne de The Descent avec quelques beaux morceaux de bravoure. Difficile de ne pas se réjouir face à cette tournure bien plus excitante, sanglante et angoissante, qui frappe sans crier gare les personnages et donne une toute autre couleur au concept des choix et des QTE. L’amateur de gore pourra ainsi se repaître de quelques belles séquences qui, à défaut de briller par leur originalité, ont la bonne idée de varier les plaisirs. 

 

photoOk ça c’est amusant

 

AFTER DAWN

Impossible toutefois de se débarrasser de cette désagréable impression d’avoir affaire à un jeu vidéo pas très folichon et bien loin d’être extraordinaire. Car sous ses airs complexes et tordus, Until Dawn se révèle bien trop lisible et clair dans ses ambitions. Il manque de l’imagination, de l’originalité et de l’audace à cet exercice de style sympathique mais inoffensif, pour devenir cette aventure sensationnelle qu’il aurait aimé être, et qu’il laisse entrevoir au détours de quelques séquences et choix amusants.

En cela, le jeu est une parfaite adaptation du slasher : amusant mais anecdotique, fun mais prévisible, avec quelques frissons et séquences sanglantes comme seules raisons d’être. D’où la nécessite de revoir ses espoirs à la baisse pour s’éviter une déception, et être capable de savourer le petit plaisir régressif offert par Until Dawn.

 

photo

Rédacteurs :
Résumé

Until Dawn ne fait pas peur, n'est ni original ni audacieux, souffre d'un gameplay minimaliste et d'une structure trop cadrée, malgré ses grandes ambitions. Until Dawn n'est donc pas un grand jeu. Ce qui ne l'empêche pas d'être très sympathique et divertissant, illuminé par des moments réjouissants, avec au final un vrai désir de renouveler l'expérience plusieurs fois pour en saisir la force.

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SIMONDITXIM

UNTIL DAWN est un jeu super mais FAIT PEUR PUTAIN !

Wut

@Fendriss
t’es bien bavard mais par contre t’as rien à dire sur le fait que le test qu’ils aient copié soit deux fois plus court ? Ils se seraient fait chier à copier un test car ils aiment pas écrire sur un jeu fun, tout en prenant la peine d’écrire plus de 1000 signes pour « masquer » leur crime ?
t’as des exemples parce qu’avec tous ces commentaires j’ai fini par être curieux, suis allé lire sur le lien, et navré de te dire que je vois pas du tout en quoi ce serait recopié à ‘quasiment 100%’. T’as de la merde dans les yeux, ou tu n’es juste pas habitué à lire des tests de JV pour sortir de telles choses.
Mais chapeau ta persévérance sur cette section de commentaires vaut le détour !

Gloubi

Ce test d’IGN parle des mêmes décors, des mêmes perso, du même scénario, y’a quelques références en commun… parce que c’est le même jeu ! C’est un test d’Until Dawn.
Cet acharnement est totalement ridicule, cette mauvaise foi délirante, et le Frendriss passe juste pour un abruti énervé qui adore ce jeu et/ou déteste ce site et/ou bosse pour les RP Supermassive Game.

Fendriss

Bon à savoir en effet

Donc un critique de cinéma… tout est dit sur votre professionnalisme

Pour mon brevet des collèges (ça remonte ! d’ailleurs je ne sais si cela a changé, mais l’anglais n’en faisait pas partie), je ne vois pas le rapport avec le sujet, donc merci de supprimer cette partie qui contrevient à votre propre charte.

Et pour information, j’ai travaillé 3 ans à New York, merci de vous inquiéter de mon niveau d’anglais (il me faut joindre mes fiches de paye, ou vous allez encore m’accuser de mensonge?)

Je vous laisse avec vos groupies

Au plaisir de vous rencontrer Simon, on pourra échanger quelques fessées

Fendriss

L’article est une traduction quasi à 100% de celui d’IGN

Et attaquer sur l’anonymat quand on retranche derrière « la rédaction ».. comment dire 😀

Bref énième site de merde

Pataloon

Bon courage à l’équipe rédactionnelle qui, en effet, en prend plein la gueule pour pas grand chose. Pour rien en fait ? Oui pour rien. Car le test semble mesuré dans ses ressentis, il est clair et détaille bien l’expérience joueur. Rien à redire.

Merci l’équipe. Je sais que, malgré le côté surréaliste/ridicule des commentaires ci-dessus, c’est pas facile de prendre des coups par des anonymes qui pestent toute la journée.

La Rédaction

@Fendriss
Les critiques ? Quel rapport entre une accusation mensongère, voire diffamatoire, et une critique ? Tant que vous y êtes, on le veut bien, ce mystérieux article que nous aurions pompé (histoire qu’on rigole tous ensemble).

En tout cas, à en juger par votre attitude, on a quand même une sacrée influence 🙂
Bisous.

Fendriss

Si vous ne supportez pas les critiques, fermez simplement les commentaires.
Personne ne vous demande d’écrire sur un sujet qu’à la base vous n’appréciez pas.

Je suis tombé par hasard sur ce site, maintenant vu vos stats de trafic, vous avez une influence voisine de 0. Continuez vos tests entre amis, si ça vous permet d’exister devant vos proches

Cthulhu

et sinon ya des gens qui sont pas là pour que critiquer, donner des leçons derrière leur clavier ou sortir des inepties?
surtout que ce jeu, après quelques heures de gameplay, me semble bien, bien fade, et loin d’être à la hauteur de sa promo

La rédaction

@Akeda
Personne ici n’est profondément pour ou contre un genre. Trois personnes différentes ont testé Heavy Rain, Beyond : Two Souls et Until Dawn. On teste avant tout un jeu.

Ensuite, on peut apprécier un genre tout en ayant un regard critique. Le but n’est pas d’accueillir les bras ouverts un jeu parce qu’on aime le genre auquel il appartient (ex: on a beau avoir adoré Alien Isolation, et adoré le genre, on y a vu certains vrais défauts). Et quand on formule des réserves ou déceptions, ça ne signifie pas qu’on est « hermétique »…
C’est un gros raccourci/résumé de ce qu’on explique dans ce test qui met bien en avant les qualités d’Until Dawn. Si on était hermétique, vu comme le jeu est imparfait, ça aurait été bien plus violent qu’un 3/5.