LA VENDETTA DES ÉTOILES
La Geste des Princes Démons, écrit par Jack Vance du milieu des années 60 à l’aube des années 80 est une saga aussi plaisante qu’un peu tombée dans l’oubli. Space opéra vengeur à la fois visionnaire et extrêmement classique, le texte se compose de 5 tomes au cours desquels un héros solitaire s’en va affronter les membres d’une caste cauchemardesque, les Princes Démons, responsables d’innombrables exactions, parmi lesquelles la destruction de son village natal et de l’essentiel de sa famille.
Récit aventureux mais très académique dans son déroulé, La Geste des Princes Démons est une œuvre typique de son auteur, témoignant autant de l’imagination foisonnante qu’il couchait sur le papier, de son talent singulier pour incarner des univers ou personnages marquants, ainsi que du grand classicisme narratif présidant à ses créations. Par conséquent, les 5 romans offraient la matière première rêvée à une adaptation via un support visuel, à fortiori la bande-dessinée.
Son scénario étant répétitif, linéaire, il se prête excellemment aux réinterprétations, tandis que l’univers incroyablement dense de Vance appelle des transpositions graphiques stimulantes. Et c’est exactement ce que se proposent de faire Jean-David Morvan au scénario, Paolo Traisci au dessin, et Fabio Marinacci aux couleurs, trio dont la synergie fait plaisir à voir tout le long de ce premier tome intitulé Le Prince des Etoiles.
Kirth Gersen, un héros en quête de vengeance
ÉPO-POP’
Ce qui frappe d’entrée de jeu avec la bande-dessinée éditée par Glénat, c’est la volonté affichée de proposer une grande épopée capable d’embrasser une quantité fantastique d’influences, de références, au carrefour de multiples époques et de styles variés. L’entreprise aurait pu virer au pot-pourri passéiste et proposer une sorte de best-of tiède, à base de remugles de Thorgal et Valerian, mais La Geste des Princes Démons est nettement plus abouti et ambitieux, faisant de son premier tome une très prometteuse note d’intention.
On retrouve ici la patte sixties issue du premier mouvement du roman de Vance, publié en 1964, imbibé de rébellion, de lutte des classes et de justice, à laquelle s’est greffée des décennies d’artefacts technologiques, d’innovations graphiques, du côté de la science-fiction elle-même, mais aussi de la bande-dessinée européenne. Et contre toute attente, cette synthèse fonctionne idéalement. Dès son ouverture, présentant la destruction de Mount Pleasant, la bande-dessinée porte haut son ambition de mêler grand spectacle graphique et technique old school.
Une entrée en matière qui fait honneur au sens du spectacle de Vance
Les cases mêlent ainsi un travail scrupuleux sur le découpage, un trait crayonné jamais gommé par le boulot très fin sur les textures et les couleurs, avec un équilibre souvent étonnant. Le constat est le même pour ce qui est de la direction artistique. Enraciné dans un space opéra traditionnel plus que dans le folklore cyberpunk ou les saillies méta qui sont venues nuancer le genre, l’univers qui se déploie sous nos yeux est riche, fort d’une armada de détails tous saisissants.
D’un décor de simili-cantina en passant par une tenue spatiale qui feraient baver les nostalgiques de Kirby, jusqu’à un bestiaire, pour le moment à peine effleuré mais déjà varié, tout flatte l’oeil et incite à tourner les pages pour découvrir plus avant le monde qui nous attend.
Un certain art de l’introdcution des personnages
DARKNESS MY OLD FRIEND
Ce premier tome n’adaptant que le premier mouvement du tome initial de la saga de Jack Vance, il est évidemment bien trop tôt pour juger si La Geste des Princes Démons parviendra à digérer, densifier et saisir l’essence de l’œuvre originale. Mais le tome premier édité par Glénat rassure grandement quant à la maîtrise de Jean-David Morvan. Ce dernier installe rapidement l’atmosphère à la fois ouverte et ténébreuse du récit-mère, peuplé de nombreuses planètes, formant l’Oecumène. En dépit d’un background complexe et vaste, la narration ne perd pas son temps, tout en ménageant au lecteur de larges cases de respirations, au gré d’une exposition ample et rythmée.
Des combats extrêmement fluides, qui n’empiètent jamais sur la narration, mais la dynamisent
En témoigne l’introduction du premier antagoniste de la saga, Attel Malagate, dont la backstory se dévoile par étapes et petites touches, tant visuelles qu’explicatives. Illustration d’une belle collaboration entre encrage, dessin et scénario, ce personnage qui plane sur l’action tel un mauvais génie, coagulant tensions, enjeux et conflits permet au récit de nous happer rapidement, et nous laisse suspendu à ses ultimes actions, qui devraient encore faire gagner en puissance à l’ensemble.
Adapter La Geste des Princes Démons, immense opéra spatial de Vance, est un défi passionnant et risqué. Mais Glénat semble décidé à lui offrir une relecture fastueuse, à la hauteur de son potentiel mythologique. Il nous tarde désormais de découvrir la suite de la vendetta cosmique de Kirth Gersen.
J’ai adoré les romans, je les ai mus 5 ou 6 fois 🙂
J’espère aimer la BD.
@Alfred : c’est bizarre comme remarque quand on voit la profusion d’albums qui sortent chaque année. Est-ce que tu fais la comparaison avec le format manga ? Perso, je n’en lis pas. Je n’ai pas trop le dessin en général, et surtout l’absence de couleurs…
J’ai adoré les romans, il faut que je me lance dans ces BD.
film
ce film
Pareil, ça déborde de partout… Et j’ai pas aimé le roman d’origine… (beaucoup trop daté pour moi, en droit d’un univers prometteur)
À voir si une vision plus moderne me ferait lui donner une seconde chance.
Moi pareil Alfred, j’en ai partout! Plus de place!
Premier tome indigeste. La faute à une composition mal maîtrisé donnant un rythme lourd et fatiguant. Dans le genre il vaut mieux relire les bons vieux Druillet!
Votre enthousiasme est contagieux, même si les extraits de planche ne sont pas aussi convaincant.
Je jetterais un œil dessus quand il sera en bibliothèque municipale – plus de place sur mes étagères et le format album européen de 64 pages me semble tellement dépassé…