La bande de Trolls de Troy revient pour une aventure romantique… à sa manière.
Après 24 tomes hauts en couleurs et en jets de sangs, on ne présente plus Trolls de Troy. La série dérivée de la célébrissime épopée de Lanfeust a su convaincre les bédéphiles amateurs d’humour noir et d’imbroglios magiques. Et la formule n’est pas prête de s’épuiser, puisque le très sympathique 25e tome arrive en librairie.
Un, deux, Troy, Soleil
Quand on y pense, accorder une série aux trolls qu’on aperçoit dans la saga culte Lanfeust n’avait rien d’évident. Si le bourrin envouté Hébus est un personnage très attachant, qui permet aux auteurs d’insérer une bonne dose d’humour noir absurde, la bêtise de la race troll (mais on n’est pas racistes, hein) imposait un petit tour de force narratif, d’autant plus difficile à mettre en oeuvre que les premiers tomes de Trolls de Troy ne forment qu’un seul et même arc scénaristique.
Il a fallu composer une véritable communauté, dont la voute est sans nul doute le personnage de Waha, humaine complètement acquise à la cause Troll. La simplicité de la proposition l’emporte ensuite, la rapprochant d’un Astérix de sale gosse, jeux de mots capilotractés compris. Évitant soigneusement le piège de chercher absolument à exploiter la richesse de l’univers déployé par l’éditeur Soleil, les auteurs Arleston et Mourier s’amusent d’un affrontement perpétuel entre deux camps bien différents, principe bien plus adapté à leur tempo comique.
Tout est simple chez les trolls, même l’amour
La quiétude du village de nos héros à poils est donc souvent perturbée par des humains dépendant du conservatoire d’Eckmül, centre névralgique de la planète de Troy. À partir de là, tout peut arriver, généralement à cause de la magie, à laquelle les trolls n’ont théoriquement pas accès. Un postulat simple, mais redoutable, puisque la force démesurée des bestiaux et leur appétit pour à peu près tout ce qui n’est pas végétarien permettent moult situations assez méchantes. L’efficacité de la structure narrative autorise également une certaine concision. En d’autres termes, chaque tome peut se savourer seul, sans qu’il soit nécessaire de connaître la série, ou même le reste de cet univers de fantasy.
Une vraie accessibilité qui explique que beaucoup de lecteurs se sont immergés dans le monde de Troy par le biais des aventures de Teträm et de ses collègues voraces. Et ils auraient tort de s’en priver.
La viande : bien / La pluie : pas bien
Don’t feed the troll
Si on s’attache autant aux trolls, c’est parce que la galerie de personnages et leurs raisonnements parfois totalement absurdes sont charmants, mais aussi parce que contrairement aux humains, ils ne peuvent pas manipuler la magie (enfin, presque). Et dans leur brutalité, ils font preuve d’une certaine pureté, alors que leurs ennemis auto-proclamés se confondent souvent en ruses vicieuses pour les nuire, ce qui se retourne toujours contre eux.
Ce sont autant des autochtones bons vivants que des épines dans le pied d’une soi-disant sophistication représentée par le conservatoire et ses sages. Ce dernier est un symbole de la prétention humaine, opposant sa science, son sport (tome 11) et même son art (le tome 23 et ses savoureuses parodies picturales) à une population qui ne demande qu’à manger et s’amuser, avec une bienveillance aux antipodes des manigances fomentées par des humains moins intelligents qu’ils ne le prétendent. D’ailleurs, dans le tome 25, le plan du sage comploteur échoue, car il suppose de la jalousie et la méchanceté naturelle de Tëtram, lequel est en fait assez respectueux de sa compagne pour respecter bon an mal an son choix.
Car les sages et leurs vassaux sont en fait ignares à propos de la question troll. Ceux qu’ils traitent avec mépris sont bien plus honnêtes qu’ils peuvent le penser. Bon, évidemment, leur sincérité passe également par une grosse dose de violence, la comédie qui tâche étant l’intérêt principal de la série. En inversant les valeurs pour le plus grand plaisir des lecteurs, les auteurs se laissent aller au festival de tripaille et de méchanceté gratuite qui ne pouvait s’épanouir dans le récit épique de Lanfeust de Troy. D’ailleurs, c’est lorsqu’il faut représenter la joyeuse violence décomplexée que le trait de Mourier est le plus aguerri, ne lésinant pas sur les détails vicieux.
Moins frontalement subversif que brutalement inoffensif, le train de vie du village troll et de ses habitants se contente de quelques saillies gores, mais surtout d’une volonté d’ensauvager dans la joie et la bonne humeur l’univers de Troy, et même plus. Le running gag faisant référence à Peyo et à des schtroumpfs, réduits à l’ordre d’amuse-gueule, révèle les intentions du duo : martyriser avec le sourire et un véritable appétit l’héritage de la BD franco-belge, sans pour autant lui manquer de respect, au contraire.
Faim d’amour
Facétieux, les artistes ont le goût de la parodie. Une grosse partie de la pop-culture s’est vue pasticher tout au long des 25 albums. D’ailleurs, quand les sages d’Eckmül ne sont pas au centre du récit, ce qui arrive de temps à autre, c’est pour mieux se vautrer dans la moquerie. Et ce dernier opus est très loin de faire exception. Faisant suite à un faux conte de noël décadent, On ne badine pas avec les mouches donne le la dès la lecture de son titre.
C’est une gigantesque caricature des codes de la comédie romantique, usant du trope du philtre d’amour pour mettre en page une romance quelque peu velue. Ce dernier album condense tous les thèmes et les gags de la saga, en se réappropriant à la sauce sanglante un genre qui en a bien besoin de temps à autre, en poussant jusqu’à l’absurde les hiérarchies codifiées des sociétés humaines, surtout en ce qui concerne les vêtements, en flattant le bourrin qui sommeille en nous et en se laissant aller à quelques références bien senties (on conseille à Tim Burton la lecture).
Si vous aimez les comédies romantiques, foncez. Si vous n’aimez pas les comédies romantiques, foncez. Et si vous souhaitez vous initier doucement, sûrement et en compagnie de personnages puant la barbaque et la bienveillance, dans l’univers de Troy, la saga des Trolls est une porte d’entrée idéale.
D’ailleurs, les fans seront heureux de participer au jeu concours organisé par l’éditeur, avec une planche originale à gagner ! Il suffit de cliquer ici.
Et pour lire un extrait de ce dernier tome, c’est là. Illustrations Jean-Louis Mourier © 2021, Groupe Delcourt – Éditions Soleil
Ceci est un article publié dans le cadre d’un partenariat. Mais c’est quoi un partenariat Ecran Large ?