Kaamelott en BD : l’autre facette indispensable de l’univers et le pari fou d’Alexandre Astier

Par La Rédaction
19 juillet 2021
MAJ : 21 mai 2024
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Kaamelott : photo

À quelques jours de la sortie de Kaamelott – Premier Volet, retour sur les bandes-dessinées dérivées de la série, ces petits bonbons que tout bon fan a dévorés.

Les neuf tomes composant la bibliothèque des bandes-dessinées Kaamelott commencent tous de la même manière, expliquant que les aventures qui se dérouleront sous les yeux des lecteurs seront contemporaines du Livre I de la série.

Exit donc Arthur, le roi dépressif suicidaire et fatigué. Exit aussi le soleil et les empereurs romains, et place à cette époque d’entente cordiale entre les chevaliers, cette époque où le Graal restait la mission principale, où la Dame du Lac et les quêtes chevaleresques étaient encore la préoccupation majeure de ceux qui siègent à la Table ronde.

Écrites par Alexandre Astier, illustrées par un dessinateur belge du nom de Steven Dupré qui ne connaissait à rien l’univers kaamelottien, les bandes-dessinées Kaamelott rapportent le pendant de l’histoire des chevaliers de la Table ronde, leurs grandes aventures et coups de chance savoureux

 

photoDes morts, ça se retue ? 

 

À L’ATTAQUE DU PAPIER

Si Kaamelott s’est rapidement installée dans le coeur des fans, le passage du petit écran à la bande-dessinée n’était pas pour autant gagné. Ce qui avait fait le renom de la série passait par son humour, l’adéquation des paroles et des personnes qui les déclamaient, la crédibilité de l’intrigue générale, de l’évolution des personnages, la dissonance entre l’idée qu’on se fait de la noblesse et les bouseux la composant, l’époque et le langage…

En plus du discours méta auquel Kaamelott, racontant toujours une histoire en train de s’écrire sans forcément la montrer. Quelque chose rendue possible grâce aux réunions de la Table ronde et au talent de parolier d’Alexandre Astier (et qui disparaîtra avec la dernière quête d’Arthur, une fois Excalibur replantée et le trône abandonné), et quelque chose que l’artiste a décidé d’abandonner en changeant de média, pour mieux rebondir.

Retrouver des personnages connus en dessin peut dépayser, surtout quand ces derniers ne sont pas en conseil de guerre, autour d’un feu, apprenant à chanter ou racontant des histoires de vieux et d’indices cryptiques. Mais Alexandre Astier lie toujours ses personnages à des acteurs, imaginant avant même d’écrire ses dialogues la personne choisie les déclamant. Et on sent bien que la gestion des personnages n’était pas l’enjeu majeur du passage au papier : après six saisons passées à se familiariser avec les interprètes, lire les paroles de leurs personnages permet d’entendre leur phrasé, de les voir s’animer, prendre vie, du moins dans l’esprit.

 

photoConquête d’un nouveau média 

 

Ce qu’il y a de plus difficile à trouver dans une adaptation, un reboot, un remake, un spin-off ou toute autre forme de production dérivée, c’est une identité, une essence qui pioche juste ce qu’il faut de l’oeuvre originale et de son nouveau médium (puisqu’il s’agit de ça ici) pour que l’ensemble tienne debout. Plus le matériel d’origine est apprécié, plus les attentes sont élevées, surtout quand, comme Alexandre Astier, s’impose la volonté de voir ses nouvelles histoires pouvoir exister en elles-mêmes, sans avoir besoin de la série d’origine pour être comprises et lues. 

Ce n’est plus un secret pour personne, Alexandre Astier est un homme de contrôle. Ses créations sont toujours millimétrées, rien n’est jamais vraiment laissé au hasard. C’est peut-être une des raisons de son succès, c’est certainement ce qui fait que le passage au papier a si bien fonctionné. Car si Kaamelott se plaisait à raconter une histoire à coup de joutes verbales bien senties, la bande dessinée a permis à Alexandre Astier de passer de l’autre côté du miroir, de sortir des murs du château et de donner à voir l’histoire elle-même, de montrer les grandes péripéties.

 

photoLe grand saut dans l’inconnu

 

UNE MADELEINE BIEN GOÛTUE

Alexandre Astier l’avoue sans problème, sa culture de la bande-dessinée reste assez classique, et si elle n’est peut-être pas limitée à l’héritage franco-belge des romans graphiques, c’est facilement vers les oeuvres d’Hergé (Tintin), de Franquin (Gaston Lagaffe) de Jacobs (Blake et Mortimer), de Rob-Vel (Spirou et Fantasio, reprise par Jijé puis Franquin) ou encore de Peyo (Les Schtroumpfs) qu’il faut se tourner pour trouver les références de son oeuvre. Qu’il se soit adressé à un dessinateur belge, Steven Dupré, n’est donc pas anodin.

Que le style graphique de ses bandes-dessinées ne propose rien de bien révolutionnaire n’est pas extraordinaire non plus. La force de Kaamelott n’avait jamais été d’innover, de transformer ou de révolutionner un format, mais de s’en emparer avec le plus de talent possible pour y naviguer librement. Certes, dès que le succès de la série a été établi, cette dernière n’a plus cessé de se réinventer (abandonnant le format court désagréable à Alexandre Astier, s’amusant avec un prequel), mais le but n’a jamais été de faire faire quelque chose de radicalement différent des choses préexistantes.

 

photoParfois, faut pas chercher bien loin

 

Avec ses bandes-dessinées, Alexandre Astier va presque plus loin : il a une réelle volonté que son classicisme se voit, car pour lui, l’intérêt n’est pas là. S’il n’y a rien de révolutionnaire dans ces neuf tomes, c’est parce que ce qu’il cherche à faire, c’est encore une fois de donner toute sa place aux histoires, aux dialogues et au contraste entre ses derniers et le style visuel.

Car s’il y a bien une chose qui ne change pas de la série aux bandes-dessinées, c’est la dissonance entre l’époque et la manière dont les personnages s’expriment, entre le visuel et ce qu’il nous est donné d’entendre. Comme avec sa série Kaamelott, Alexandre Astier sert ses meilleurs dialogues fleuris, qu’il appuie contre un dessin classique pour mieux les faire ressortir. Comme les plans simples de la série (une caméra souvent fixe, dans les premiers livres du moins), le classicisme des dessins met en avant la manière dont l’histoire est racontée. 

 

photoEt elle est toujours savoureuse

  

UN MONDE EN CONSTRUCTION 

La première chose que l’on voit dans une bande-dessinée, ce sont ses dessins. C’est la première chose qui charmera, désarçonnera ou rebutera un lecteur potentiel sur les étals des libraires. Et, malheureusement pour Alexandre Astier, c’est une tâche qui ne pouvait lui incomber. Que le dessinateur des bandes-dessinées ne connaisse pas l’univers de la série permettait alors certainement qu’il arrive sans attentes, qu’il plonge dans l’univers avec une certaine naïveté. Mais surtout, cela a dû permettre à Alexandre Astier de donner des directives strictes, tout en laissant la patte d’un dessinateur classique s’exprimer (c’est ce qu’il laisse entendre quand il se fait interroger sur la question) :

« Déjà, c’est un mec qui n’est pas français. Il ne connaissait pas Kaamelott au moment où on lui a demandé de faire les dessins. Ça, pour moi, c’est top. C’est volontaire. Casterman, ce n’est pas une maison qui fait de la parodie de séries TV. C’est une maison qui fait des BD. L’amalgame de tout cela, c’est la possibilité de faire une histoire de Kaamelott dans un cadre bien carré, franco-belge. »

Si Alexandre Astier lâche du leste à mesure qu’il apprend à maîtriser le médium, donnant moins d’indications sur le cadrage, les plans où doivent apparaitre les personnages, corrigeant moins, voir plus, les planches une fois reçues, c’est parce qu’il ne déteste rien de plus que l’incompétence (il préfèrera toujours faire le montage d’une de ses productions lui-même que de le laisser à quelqu’un qui n’est pas complètement assuré sur ses jambes). De tome en tome, on se rend donc bien compte qu’Alexandre Astier est de plus en plus à l’aise avec son médium, allant même jusqu’à jouer de quelques silences dans L’Antre du Basilic (tome 8), laissant de côté son talent de parolier.

 

photoImpossible de les abandonner complètement non plus…

 

Et de la même manière, les dessins évoluent, s’éloignant progressivement de ce que la série d’origine avait laissé comme héritage. Au départ très ressemblant aux acteurs, ils s’en départissent progressivement (ce qui est parfois un peu étrange, quand on cherche à reconnaitre un ou une telle). Cela permet deux choses : d’abord, une plus grande liberté pour le dessinateur ; ensuite, une plus grande concentration sur l’histoire qui se lit, sans plus chercher les expressions et des mimiques connues ou attendues.

Alexandre Astier dit souvent en interview que l’idée était de dessiner un monde qui pouvait se suffire à lui-même. Avec Steven Dupré, ils ont réussi à rendre ca visible.. Un monde coloré, qui s’amuse de la pluie, des flashbacks, des batailles, qui se perd parfois, à force de vouloir s’éloigner des acteurs, mais surtout, qui ne démérite jamais. Au contraire, il embarque le lecteur vers des contrées inexplorées par la série. 

 

photoBon, et il y a quand même quelques pépites reprises de la série

 

LE PRESTIGE

Avec la bande-dessinée, Alexandre Astier a donc pu s’affranchir des contraintes et complètement exploiter la dimension fantastique de l’univers de Kaamelott, tout en conservant ce qui donne son identité à la série. Au cours de leurs aventures, Arthur et les chevaliers de la Table ronde sont confrontés à des zombies, des orques, des Vikings, un serpent géant et tout un tas d’autres créatures légendaires. Y compris un Dragon d’Airain dans le tome 4, monstre directement sorti de Donjons & Dragons dont Perceval parvient à se débarrasser contre toute attente, avec toute la candeur et la bonté qui le caractérise.

Même si les personnages restent fidèles à eux-mêmes, désorganisés, bêtes et trouillards, leurs histoires n’en sont pas moins grandioses, avec des batailles contre des armées entières, des périples à travers le royaume de Logres et même un duel de vraie magie entre Merlin et Élias de Kelliwic’h dans le tome 6. Comme dans la série, les rappels aux oeuvres d’heroic fantasy et à la culture populaire foisonnent et il s’agit surtout de profiter de l’univers de Kaamelott et de tout ce qu’il a à offrir, à une période où Arthur et les autres étaient encore motivés par la noblesse, la chevalerie et la quête du Graal. Ce fameux « prestige » dont Perceval et Karadoc se vantent.

 

photoTout animal qui traîne avec eux peut potentiellement devenir une mascotte

 

De tome en tome, le scénario reste assez simple, dans l’esprit d’une bande-dessinée pour enfant ou de n’importe quel Astérix. En revanche, à mesure qu’Alexandre Astier gagne en maîtrise, la forme se complexifie, la narration sort de la trame linéaire et les personnages se multiplient, comme dans le tome 7 lors d’une immense réunion en Carmélide.

L’atmosphère s’adapte au ton de l’histoire, tantôt comique, tantôt épique, et glisse des références que les fans captent immédiatement, avec les fameux Sièges de Transport du tome 2 (mentionné dans l’épisode 64 du Livre I) ou avec les techniques de combat que perfectionnent Perceval et Karadoc dans les Unagi. Entre action, aventure et humour, la bande dessinée permet ainsi de connaître la fameuse histoire de l’anguille dont parlent Perceval et Karadoc dans l’épisode 54 du Livre avec Le Serpent du Lac de l’Ombre, dans une réinvention du monstre du Loch Ness, ou d’assister à l’obsession de Léodagan pour les tourelles de défense.

Dossier de Camille Vignes et Arnold Petit.

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#diez

Très chouette série de BD. Le Tome 10 est déjà prévu.

Loony Toony

Merci pour ces éclaircissements