A la manière d’une Helen Ripley de papier, Nävis se lance à l’assaut de ce 21e tome de la saga Sillage, qui débarque enfin en librairie.
Rares sont les bandes-dessinées dont les ambitions et la longévité sont comparables à celles de Sillage. Fer de lance de la collection « Neopolis » depuis 1998, la saga fait une nouvelle fois preuve d’une belle énergie en matière de mutation, et travaille à restructurer ses enjeux, toujours en assurant le spectacle. Il faut dire que le programme de cette nouvelle fournée n’a rien d’anodin, comme l’indique son synopsis.
En découvrant, flottant dans l’espace, 76 cadavres entassés dans un caisson à peine pressurisé pour passer un téléportail vers une vie meilleure qu’ils ne connaîtront jamais, Nävis est profondément marquée. Ce n’est pas la première fois que ces malheureux tentent de quitter leur planète en guerre et finissent vaporisés. Nävis refuse de fermer les yeux et laisse parler toute son humanité.
Un chapitre qui vise juste. © 2022, Groupe Delcourt
RAMBO CLANDESTINO
Nul besoin d’avoir publié une demi-douzaine de thèses consacrées à la géopolitique migratoire pour repérer que ce tome 21, intitulé Exfiltration, s’attaque à un des sujets les plus prégnants, commentés et sources de tensions dans le monde occidental. Il s’agit à l’évidence des migrations, de la condition peu enviable des exilés, l’exploitation qui en est faite par tous ceux qu’ils croisent durant leur périple, ainsi que l’indifférence d’une société qui préfère fermer les yeux sur une situation catastrophique mais génératrice de moult profits indirects.
Là où on aurait pu craindre une insertion militante d’un sujet d’actualité ou une tentative de récupération un brin opportuniste, les auteurs nous rassurent en travaillant ce thème épineux avec le soin qui préside aux mésaventures de Nävis au sein de la vaste flotte de Sillage. Tout d’abord, après quasiment un quart de siècle d’existence, la fresque imaginée par Jean-David Morvan a connu plusieurs cycles, intrigues ou sous-intrigues. Pour beaucoup de lecteurs, la série aura achevé un chapitre important avec les tomes Liés par le sang puis Psycholocauste, qui ont mis la narration dans une position complexe mais passionnante.
Hollyday on deadly ice. © 2022, Groupe Delcourt
En effet, Sillage a besoin de se renouveler, de se trouver un nouveau fil rouge, mais également de nous laisser souffler. Les retrouvailles, inattendues, épiques et spectaculaires entre Nävis et Yannsei, son fils, nous ont laissés KO debout, et il est plus que jamais nécessaire de donner aux personnages comme à leur univers le temps de se remettre en ordre de bataille. En ce regard, explorer à travers les yeux de notre héroïne la question des exilés est pertinente à plus d’un titre.
On pourra apprécier de voir comme Sillage parvient à intégrer des problématiques contemporaines dans son lore, et à s’en servir comme chambre d’écho aux thématiques plus générales que le space opéra charrie depuis plus de deux décennies. Arrachée à son humanité pour rejoindre les forces de la Constituante, sa résistance à la télépathie en ayant faite une agente de choix, Nävis est forcément sensible au sort de migrant dont elle a partagé les craintes et pour partie le parcours.
De même, la vulnérabilité de notre protagoniste et son parcours familial brutalisé fait idéalement miroir avec les parcours de vie heurtés des exilés bleutés qu’elle va tenter d’aider. Guerrière déracinée, mère malmenée et rebelle empêchée, Nävis a toute sa place dans ce récit.
L’art de la découpe. © 2022, Groupe Delcourt
VERS L’INFINI ET AU-DELÀ
Non seulement cette incursion très politique est cohérente avec le parcours des personnages, mais on se réjouit de constater comme le dessinateur Philippe Buchet et le scénariste Jean-David Morvan parviennent à décliner cet aspect avec les nombreuses possibilités offertes par leur création. Ainsi, loin d’en rester à une “simple” dénonciation du sort fait aux exilés, ce 21e tome parvient à y greffer une authentique trame narrative.
Et le récit y parvient d’autant mieux qu’au gré de ses aventures, la protagoniste a bien évoluée, semblant désormais à des encâblures de la post-ado frondeuse qui remplissait ses premières missions à l’aube des années 2000. Entre infiltration, investigation puis fuite éperdue, elle peut donc explorer aussi bien les souffrances des uns que les dilemmes des autres.
Nävis donne toujours son avis. © 2022, Groupe Delcourt
Bien sûr on retrouvera ici quantité de vilains passeurs ou profiteurs aux dents longues, mais ils sont intelligemment convoqués pour permettre à l’histoire de prendre de l’ampleur. De même, le scénario, comme les dialogues, parvient à ne jamais se faire trop manichéen. Et quand, à travers les plaines calcinées d’une planète exsangue, Nävis découvre dans quelle mesure les bourreaux sont également les proies d’un système plus vaste, qui fera ultimement d’eux un carburant à brûler, on se surprend à se plonger plus profondément que jamais dans les pages de cette aventure.
Enfin, il faut rendre grâce au trait toujours précis et assuré de Buchet. C’est en grande partie grâce à lui que Sillage demeure aussi immersif et plaisant à lire. Capable de renouveler sans cesse la dynamique de ses cases, de proposer de brèves mais spectaculaires bastons, comme de composer des planches discrètement iconiques, il nous donne une nouvelle fois à voir une réjouissante épopée.
Ceci est un article publié dans le cadre d’un partenariat. Mais c’est quoi un partenariat Ecran Large ?
J’aime cette série de tout mon cœur mais je pense qu’elle s’étire trop, comme Thorgal qui devrait s’arrêter avant d’être complètement essoré (à moins que ça soit déjà le cas pour ce dernier tellement les derniers tomes ‘E font pas avancer le schmilblik).
Il serait peut être temps d’avoir enfin des infos sur les humains, le juniville, les tensions entre sillage et la race humaine…. Bref, tout ce dont on ignore depuis 20 ans. J’ai commencé la série en 5ème au collège. Ça commence à faire long….
excellente série, mais qui mériterait une conclusion après 20 ans
Et « la quête de l’oiseau du temps » ?
« Thorgal » ?
Elles en sont où les adaptations ?
Plus de nouvelles… 🙁
On ne va pas se mentir. JC comme GL, a pioché un peu partout pour créer son univers fictif
Bonjour,
la fameuse saga dans laquelle Mister Cameron n’a jamais pioché pour son Avatar…
Toute ressemblance avec des situations ou personnages serait parfaitement fortuite… 😉