Grant Morrison et Frank Quitely ont créé le récit Superman ultime : All-Star Superman, hommage épique et intemporel à l’histoire du personnage.
En 2005, DC annonce en grande pompe une nouvelle ligne éditoriale, intitulée All-Star. Le concept : associer les super-héros les plus populaires aux artistes et aux scénaristes les plus en vogue, afin de créer des œuvres prestigieuses. Les équipes ont eu carte blanche absolue pour revisiter et réinventer les personnages comme bon leur semblaient. Ici, c’est Grant Morrison qui a été choisi.
Iel s’est imposé dès les années 80 comme une figure majeure des comics grâce à des intrigues très conceptuelles, ses déconstructions sombres et cérébrales de personnages poussiéreux, et ses explorations méta textuelles. Fatigués après leur run tortueux sur New X-Men, Grant Morrison et son dessinateur Frank Quitely décident de quitter Marvel pour la Distinguée Concurrence, séduits par cette liberté de création totale. Le duo façonne alors un chef-d’œuvre incontesté, All-Star Superman.
Le titre est littéral : Superman est ici une véritable divinité stellaire
The death of superman
Que fait un dieu lorsqu’il est confronté à sa propre mortalité ? C’est cette question qui constitue le cœur thématique de l’œuvre : touché par un cancer, Clark Kent apprend qu’il ne lui reste plus que quelques mois à vivre. All-Star Superman est donc l’un des arcs les plus sensibles dédiés au personnage, dans la lignée directe des Derniers Jours de Superman du grand Alan Moore. Si cette mort imminente est le fil rouge du scénario, chaque numéro reste une histoire indépendante, consacrée à l’une des tâches que Clark veut accomplir avant de mourir. On assiste ainsi à autant d’exploits fantastiques que d’objectifs à échelle plus humaine.
Rédiger son testament, reparler à son père Jonathan, remettre Lex Luthor sur le droit chemin, et surtout, révéler sa vie cachée à la femme qu’il aime, Lois Lane. C’est ce qui fait la force d’All-Star : le duo parvient à incorporer tous les éléments les plus absurdes de la mythologie DC – voyage dans le temps, dimensions parallèles, zombies, dieux gréco-romains, lézards anthropomorphes – mais sans ne jamais perdre de vue les enjeux profondément intimes de leur récit.
Frank Quitely s’amuse de la maladresse de Clark avec des gags spectaculaires
Si l’œuvre parvient à garder les pieds sur Terre, c’est aussi et surtout grâce à Frank Quitely, qui démontre ici sa maitrise de l’anatomie : jamais un dessinateur n’a autant travaillé la différence de maniérisme et de posture entre Clark Kent et Superman, de façon à ce que cette identité secrète soit (presque) crédible. Clark se tient penché, il est trop grand pour son environnement ; Quitely fait de lui un fermier habitué aux grands espaces, qui ne parvient pas à s’habituer à la vie en ville et au bureau.
Quant à son Superman, il est inscrit dans une intemporalité floue : Quitely a choisi de s’inspirer principalement du héros tel qu’il a été dessiné par Wim Mortimer ou Curt Swan, des artistes dont les carrières ont commencé dans les années 40. Plutôt que de le moderniser, de s’en moquer, de le rendre « plus mature » ou de lui enlever son caleçon, Quitely opte au contraire pour une esthétique old-school et charmante. De plus, le dessinateur porte une attention aux détails hors du commun, qui rend l’ensemble encore plus crédible : les cheveux des personnages poussent au cours du récit et la santé de Clark se détériore visuellement, son visage étant de plus en plus marqué.
Clark & Superman : croquis préparatoires de Frank Quitely
Les douze travaux de Kal-El
Pour ce qui est de la composition de ses planches, elles sont marquées par une volonté de classicisme. Tout est carré, sans fioritures ou expérimentations particulières. Tout tend vers une élégance simple et la clarté du récit avant toute chose. Une clarté nécessaire quand on jongle avec une telle galerie de personnages. Car ce récit intime n’empêche pas les deux créateurs de s’amuser en rendant hommage à l’esprit des comics des années 60 : All-Star est rempli d’intrigues secondaires au ton léger et humoristique. Les dialogues et les situations façonnées par Grant Morrison sont souvent très drôles et viennent contrebalancer la veine mélodramatique de l’ensemble.
En effet, ils assument pleinement le caractère quasi magique du personnage, via une dimension épique, pulp et décalée. Le récit en 12 numéros est construit, à la manière des Travaux d’Hercule, autour d’une douzaine d’exploits. Ainsi, Superman va notamment trouver un remède contre le cancer, réparer le noyau solaire, battre le dieu Atlas au bras de fer, et même créer un univers flambant neuf dans son laboratoire, tout cela en l’espace d’un an. Dans ce genre, Frank Quitely excelle avec des scènes d’action et de fantasy qui s’inspirent notamment des maîtres du genre Moebius et Katsuhiro Ōtomo.
Voyez bien que la Terre n’est pas plate
S’il ne fallait lire qu’un run Superman, ce serait donc All-Star, et s’il ne fallait lire qu’un seul numéro, ce serait le 10, un vrai tour de force. Morrison parvient, en une vingtaine de pages, à y résumer toutes les thématiques abordées par sa série. Kal-El, soucieux de savoir comment se porterait la Terre sans lui, décide de créer un univers. C’est en lisant la dernière planche de ce numéro 10 qu’on comprend que cet univers… c’est le nôtre !
Grant Morrison ose donc établir un parallèle entre Superman et le Dieu créateur biblique, là où ce dernier a créé la Terre en 7 jours, Superman a créé des galaxies en quelques heures. Une idée audacieuse qui ne vise pas à provoquer le lecteur religieux, mais à rendre hommage aux créateurs du personnage : on voit Joe Shuster esquisser le premier Superman, tel qu’il est apparu dans le numéro 1 d’Action Comics, en 1938.
Superman créant Joe Shuster créant Superman
Quel héritage pour Superman ?
Joe Shuster devient ainsi un véritable prophète. Après avoir vu le visage de Dieu lui-même, il décide de le partager avec le monde entier via ses bandes dessinées. C’est sur cette réflexion méta textuelle que Morrison choisit d’achever l’ouvrage, par le biais du personnage Leo Quintum, une création originale. Ce scientifique se donne pour objectif, au cours du récit, de trouver une formule pour cloner Superman. C’est Kal-El qui lui demande de mener ces recherches, au cas où il venait à mourir car il veut un héritier pour le remplacer.
Mais cet ingénieur est aussi un avatar du scénariste de comics lui-même, chargé de perpétuellement réinventer le super-héros, tout en restant fidèle à ses origines. Ainsi, avec ce clone, Leo Quintum commodifie Superman, le transforme en marque, fait de lui une franchise, qui peut être dupliquée ad vitam æternam (et ad nauseam). C’est ce qu’illustre la planche finale : un 2 gigantesque.
Un éclair de lucidité de la part de Grant Morrisson, qui sait pertinemment que Superman vend plus de t-shirts à son effigie que de bandes dessinées. C’est donc un commentaire doux amer sur le cynisme de l’industrie des comic books : une industrie qui refuse de laisser mourir ses personnages, et qui ne leur accordera jamais de vraie fin.
On a récemment appris avec joie que James Gunn s’était inspiré d’All-Star Superman pour écrire le scénario de son prochain film, dédié à l’homme d’acier. Alors que le réalisateur vient de conclure sa trilogie Gardiens de la Galaxie en beauté, on a hâte de découvrir sa version de Kal-El, qui a pour ambition d’introduire un nouvel univers DC au cinéma.
S’il y a une œuvre qui est capable de relancer cette franchise après les échecs successifs de ces dernières années, c’est bien celle de Grant Morrison et de Frank Quitely. On pourra découvrir cette énième adaptation du personnage – intitulée Superman : Legacy – dès le 9 juillet 2025.
Le seul truc bien fait par gunn c’est peacemaker. Les gardiens sont mauvais (pratt l’insupportable sans talent qui a déjà flingué jurassic world n’aide pas il est vrai) et suicide squad est chiant au possible (harley quinn est telllement insupportable aussi…)
Sauver DC, rien que ça ! On sait que vous étiez pas trop fans des films dc mais quand même…
En tout cas je ne crois pas en ce type, il a fait un bide avec son film suicid squad et n’enchaine les succès qu’avec les gardiens de la galaxie pour le moment. Sachant que son humour est quand même très lourd… Il n’était pas le premier choix de la warner, je me demande à quelle position il était et combien ont refusé le poste avant lui. La Warner a fait tellement de mal à cet univers entre la version courte de BvS puis la version ligue des justiciers de whedon, depuis les gens n’ont plus cru en cet univers.
Je pense que vous êtes trop optimistes. Gunn a réussi quelque chose avec les Gardiens de la Galaxie, car tout était à créer, les personnages du comics, pas grand monde n’en avait quelque chose à faire. Il avait donc le champ libre. Superman, c’est tout de même une autre paire de manches. Et quand je regarde son Suicide Squad, je crains le pire pour la suite.
Incontestablement un super comics, mais pour commencer un série de film sur Superman j’ai l’impression que For All Seasons serait plus adapté.
Adapter un comics qui traite des derniers jours du kryptonien alors que le 1re film de ses aventures n’est pas sorti ???
Vous allez un peu vite je crois. Ah on me dit dans l’oreillette que c’est un peu fait dans BvS…
Je n’ai vu que le film d’animation qui est très sympa. Mais je préférerais une histoire originale plutôt qu’une adaptation. Enfin je suis pas fan du cinéma de Gunn donc j’en attends pas grand chose.
Frank Quitely est un très grand dessinateur, à l’image d’un Brian Bolland ou d’un Alex Ross,
capable de donner une profondeur surprenante à n’importe quel sous produit pop plat et terne.
Se sont eux les vrais stars, notamment pour les comics mais aussi pour l’ensemble de la pop culture, des gardiens, des travailleurs de l’ombre qui ne trahissent jamais leurs valeurs.