Le chevalier noir contre les chemises brunes
Sous la plume de Dan Jurgens – et l’estampille de la collection DC BLACK LABEL permettant de réinventer des personnages de DC sans se soucier de la continuité – , Batman redevient le justicier d’avant-guerre de ses débuts éditoriaux. Mieux encore, plutôt que de lui faire affronter un Joker à la sauce gangster des années 30, Bat-Man – First Knight explore l’aspect pulp fantastique du héros. Cette version du Chevalier Noir n’est donc pas qu’un simple ravalement de façade, puisque la minisérie de 168 pages vient mêler polar noir et épouvante.
L’auteur laisse de côté le Batman affrontant des criminels à la Pingouin et autres Mister Freeze pour un héros échangeant des coups avec des monstruosités sorties d’un film des studios de la Hammer. Ce choix extrêmement judicieux amène ainsi de la fraîcheur à un Dark Knight qui prouve qu’il peut encore surprendre entre de bonnes mains.
First Knight présente également autour de son super-héros une société américaine en pleine Grande Dépression alors que les démons de la Seconde Guerre Mondiale approchent inéluctablement. Dan Jurgens met donc la figure de Batman/Bruce Wayne face à des enjeux moraux en adéquation avec l’époque et dépassant ceux de Gotham. Tout ce contexte apporte des questionnements sur le code d’honneur du rôdeur de la nuit, car comment stopper des créatures mort-vivantes quand on a promis de ne pas tuer ? Et comment combattre la haine raciale qui infecte dans les rues de la ville ?
Batman cauchemardesque
Grâce aux illustrations somptueuses du talentueux Mike Perkins, le titre nous plonge dans une superbe ambiance horrifique. Le coup de crayon de l’artiste habille chaque représentation de Batman d’une aura mystique et gothique, alors que la ville autour du justicier grouille de vie, d’ombres menaçantes et de visages marquées.
Mike Perkins, mais surtout le coloriste Mike Spicer, font du terrain de jeu du Caped Crusader, Gotham City, un personnage à part entière. La métropole ne s’avère pas seulement corrompue mais véritablement maudite. À titre d’exemple, la ville se pare de halos verdoyants et violacés pour évoquer le surnaturel des lieux. Ce procédé pose des visuels magnifiques qui ne sont pas sans rappeler Excalibur de John Boorman dont la lumière verte symbolisait la magie. On a connu pire comparaison.
Les décors sont splendides, mais l’action n’est pas en reste. La frénésie des combats ne perd jamais en lisibilité et encore moins en élégance lorsque la silhouette de Batman se met soudainement à évoquer un vampire sortant d’une vieille affiche de cinéma. Les parallèles avec le 7ème Art sont nombreux dans First Knight. Perkins fait notamment écho à l’Hollywood de l’Âge d’or en s’inspirant de stars d’antan pour les visages de Bruce Wayne et de ceux qu’il rencontre. C’est comme ça que le temps d’une case, Clark Gable devient un milliardaire s’habillant en chauve-souris la nuit.
Dan Jurgens et Mike Perkins ont excellemment bien réussi à explorer la part fantastique de Batman, faisant au passage hommage à ses débuts, honneur à ses valeurs, et tout ça sans jamais donner de sentiments de déjà-vu.
Bat-Man – First Knight est disponible à partir du 30 août 2024 chez Urban Comics.