IL S’EST PASSÉ QUOI DÉJÀ ?
Le sabotage de la Coquille a beau avoir semé le chaos et la discorde au sein de sa communauté, sa dirigeante Michele et ses comparses Joana, Rafael, Marco, Xavier, Gloria, Elisa et Natalia ont réussi à déjouer les plans de l’Autre Rive. Pire encore pour cette dernière, la chef de la sécurité Marcela a été faite prisonnière par la Coquille, tandis que son bras droit André a renversé le conseil dirigeant de l’île paradisiaque présidé par Nair et s’apprête à lancer un 108e processus particulièrement agressif. L’Autre Rive, symbole ultime de l’oppression de la série, est en bien mauvaise posture, d’autant que la Coquille a désormais toutes les cartes en main pour lui porter le coup de grâce… quitte à idéologiquement se damner elle-même.
97% DE PLAISIR
On aura souvent dans nos colonnes reproché à 3% de se prendre pour plus maligne qu’elle ne l’est en réalité et de céder régulièrement à la tentation de l’effet de manche gratuit et la (fausse) grande leçon de politique. Mais cette fois-ci, le nettoyage a été fait, et si l’on a encore droit à un ou deux moments « Machiavel en pyjama du futur », la saison 4 prend l’heureuse décision de resserrer son histoire sur l’essentiel : le récit et les personnages. 7 épisodes seulement, pas de vrai nouveau personnage (au mieux, deux nouvelles silhouettes), quasiment aucun jeu d’allégeance : il semble bien que tout le monde ait pris conscience que la série est arrivée au bout de ce qu’elle avait à dire, 3% n’a plus le temps de niaiser.
Le résultat est sans appel : cette saison 4 est la plus équilibrée de toute la série autant que la plus riche en péripéties et en suspens. On ne s’ennuie quasiment jamais, d’autant que 3% s’impose de faire des choix et de trancher définitivement pour arriver au bout d’elle même, emmenant régulièrement la série dans des eaux inattendues et chahute de nombreux acquis, pour notre plus grand bonheur. L’inévitable guerre entre la Coquille et l’Autre Rive produit en effet de nombreux désastres et dommages collatéraux irréversibles, et le statut héroïque des protagonistes de la Coquille s’en retrouve brutalement remis en question, notamment à la faveur d’un épisode 5 dramatique et désabusé.
Si même Marcela est choquée, c’est que certains sont peut-être allés trop loin
3% s’élève également au-dessus d’elle-même grâce à son désormais antagoniste en chef André, dirigeant illuminé d’un nouveau processus franchement sadique au cours duquel on lui découvre une passion nouvelle pour la chaise électrique. Ses « tests » aux allures de torture porn (toutes proportions gardées, 3% reste avant tout destinée à un public jeune) amènent la dose de choc viscéral qui manquait jusqu’ici à 3%, au point de mettre la pointe du pied dans la zone du purement cruel en fin de saison.
En voilà une scène qu’on n’attendait pas
3% DE MATIÈRES GRASSES
Pour autant, chassez le naturel, il revient au galop, et, aussi bonne soit la facture de cette ultime évolution de la série, ce sont ses nombreux vieux travers qui continuent de la plomber. Inutile d’espérer un revirement de la direction artistique, toujours aussi quelconque que bon marché, ou de penser que 3% s’est totalement débarassée d’une forme de naïveté un peu cucul. La série aura toujours manqué de rigueur dramatique, et il vaut mieux ne pas être trop regardant sur la cohérence spatio-temporelle ou certaines ficelles toujours aussi aberrantes. Une réplique d’Ariel lors de l’épisode 6, ou la rédemption de Gloria, pourtant la reine cosmique de la trahison misérable, risquent par exemple de laisser pantois plus d’un spectateur.
Qui c’est qui s’apprête à faire une grosse bêtise ?
Élément inhabituel en revanche pour 3% : si la saison 4, prise dans une logique d’action, s’acharne avec brio à donner une conclusion globale aussi surprenante que satisfaisante, les destins individuels sont cette fois moins fouillés et certaines psychologies restent fragiles (voire irritantes). Il n’y a clairement pas de place pour loger toute cette foule dans une bonne enseigne, et même les protagonistes les plus intéressants doivent composer avec une légère baisse d’inspiration.
Pourtant dans le haut du panier, la relation explosive entre Marco et Marcela se résout finalement au cours d’une scène efficace mais très classique et à la poésie un peu facile (avec en sus une drôle de reprise d’une scène pourtant haïe de Star Trek : Generations). De même, le poissard Rafael aura toujours été selon nous le meilleur personnage de la série et on se désole de le voir petit à petit (littéralement) relégué au second plan de cette saison 4, même si il trouve encore une fois le moyen d’avoir la meilleure scène de toute la saison lors de l’épisode 3. Dommage qu’à l’autre bout du spectre les personnages les moins réussis (heureusement également les moins présents) continuent de pédaler dans la semoule, mention spéciale encore une fois à Gloria, véritable Judas de jardin.
Un ultime test aux allures de jeu de colonie de vacances…
FAVELAS, HÉL(L)AS ?
Mais alors, tout cela pour finir comment (sans spoiler) ? Quel résultat pour l’ultime épisode de 3%, un gros pavé d’1h14 achevant quatre années de récits et de luttes ? Ce sera probablement en soi l’élément le plus surprenant de cette dernière saison de 3%, puisqu’à l’inverse de tous les épisodes qui la précèdent depuis la saison 1, la conclusion de 3% s’avère aussi faible dans son récit que puissante dans son symbole (à nouveau toutes proportions gardées, ne vous attendez pas à du Eisenstein).
3% aura fait beaucoup de politique à la petite semaine, et pour autant, la sortie que trouve la série à son opposition (désormais ultra-convenue même si tristement pertinente, particulièrement dans un Brésil aussi fracturé qu’aujourd’hui), somme toute assez grossière entre minorité ultra-puissante et majorité ultra-pauvre est pour le moins surprenante et renoue sans fioriture, mais avec noblesse avec une certaine tradition politique antique affirmant qu’il ne peut y avoir de démocratie que dans la pauvreté. De là à dire que l’idée même de richesse est antidémocratique en soi et que la cité utopique pour la concorde humaine aura l’allure crasseuse d’une favela de laboureurs plutôt que celle d’une île artificielle hi Tech, il n’y a qu’un pas, que 3% franchit avec un beau panache.
Je suis d’accord avec les deux commentaires.
J’ajouterais, par rapport au présent article, que concernant la « forme de naïveté un peu cucul » que l’auteur décèle dans la série, c’est justement un des éléments qui fait le charme de cette série mais aussi de nombreuses autres productions non occidentales (coréennes, indiennes,etc;) non encore touchées par le cynisme quasi récurrent que l’on trouve hélas dans les productions de « chez nous »!
Même si je partage pas mal de vos commentaires, je regrette que vous cantonniez cette série dans la catégorie jeunesse. A bientôt 60 ans, j’ai apprécié l’humanisme qui se dégage de ce récit, les personnages étant beaucoup plus travaillés que dans une série ado … Et enfin il y a des passages quasi épiques, avec une musique brésilienne de qualité, et notamment la fin avec la participation active du chanteur Chico César !
Pour moi, je trouve que c’est l’une des rares sériés Netflix dont la fin n’a pas été gâché. On reste sur du bon niveau à la saison 1 et la saison 4, avec quelques mois entre les saisons mais rien qui ne m’a obligé de ne plus regarder.
Je suis également d’accord avec le commentaire précédent, il s’agit bien d’une caricature de ce que nous vivons actuellement.