apple pourrie
Il n’a pas fallu attendre longtemps pour que l’histoire de Elizabeth Holmes intéresse les producteurs. En même temps, il suffit de voir son parcours pour en sentir tout le potentiel. Une jeune femme qui devient CEO de sa propre entreprise en 2003 alors qu’elle a à peine la vingtaine, dont la réussite est plébiscitée par tous dont des présidents américains (oui oui), alors que sa réussite se base sur une technologie… inexistante. Son secret finit évidemment par éclater et le rêve de richesse d’une femme comparée au fondateur d’Apple s’effondre. Son procès ne s’est conclu qu’en janvier 2022 que voici déjà la série biographique The Dropout, tirée du podcast de la journaliste de ABC Rebecca Jarvis.
Cette aventure, côté obscur et grotesque de l’American Dream, est un vivier à thèmes passionnants. L’anti-mondialiste qui sommeille en chacun y verra l’occasion de critiquer l’artificielle amicalité, le nombrilisme des start-up californiennes et de leurs patrons honteusement riches et déshumanisés. Cette ascension fulgurante d’une femme dont on aurait aimé le succès (s’il était basé sur du réel) est si frustrante qu’elle permet de porter attention à la réussite des femmes dans la Silicon Valley, et à quel point la moindre pomme pourrie peut condamner tout le panier. Enfin, The Dropout parle bien sûr de la quête de popularité, de fortune et des nouvelles icônes des génies du monde de demain.
The Dropout donne envie d’enfiler son gilet jaune devant son écran en criant « À bas le cacapitalisme » en sirotant son Coca devant Disney+. Car la série suscite chez le spectateur l’envie perverse de voir s’effondrer ce petit monde et ses illusions de domination qu’est la Silicon Valley. Face à cette réussite insultante, le personnage de Elizabeth Holmes fait crisser des dents, et la série réussit à nous faire autant détester la milliardaire que la société qui l’a inspiré.
« Vous avez 666 nouveaux messages. »
Evil holmes
À l’image de la vie de Elizabeth Holmes, The Dropout part comme une success-story déjà vue et revue telle que dans The Social Network et Steve Jobs. Les premiers épisodes reproduisent le schéma classique de la fille en qui personne ne croit, qui a LA bonne idée, qui y va au culot et contre l’avis de tous. Sauf que le train déraille et c’est là que le parcours de Holmes devient aussi effarant que passionnant. Pourtant la série ne tombe pas dans le piège d’idéaliser la jeune milliardaire comme celle qui a fait imploser cet univers d’entreprises de la tech, et heureusement. Holmes est présentée pour ce qu’elle est, une opportuniste cruelle et menteuse.
The Dropout ne retient pas ses cartouches pour dresser le portrait d’une femme sociopathe en puissance et dans un déni total de la réalité. La série va jusqu’à la présenter comme une figure identifiable de la Silicon Valley, comme Steve Jobs et ses lunettes ou Mark Zuckerberg avec son jogging et ses tongs. Un montage enchaîné iconise d’ailleurs la tenue de l’entrepreneuse à la tête de Theranos (si ça, c’est pas un nom de société de vilain de film) comme on le ferait dans l’origin story d’un méchant de James Bond. Chaque épisode ajoute ainsi un élément de la « mythologie » de Holmes, la série s’amusant à montrer comment elle a façonné son image de marque.
Une lionne au milieu des requins
Ainsi, le traitement de Elizabeth Holmes évolue à mesure que les épisodes s’enchaînent, désincarnant la femme comme son lieu de travail qui devient de plus en plus glacial. Elle devient son entreprise (comme elle le répète) et n’est qu’une figure que l’on voit au travers du regard des autres. S’abandonnant complètement à son travail et son mensonge qui devient aussi gros que la valeur de sa société, l’humain s’éclipse pour ne laisser que le patron corporate et faussement sympathique avec ses employés. Un traitement fait avec subtilité, qui tend même à nous donner pitié pour cette femme qui aurait pu faire de grandes choses.
Ce personnage abject qui génère autant de dégoût que d’empathie est porté par une Amanda Seyfried impressionnante qui disparaît pour laisser place à une Holmes très ressemblante. Il suffit de comparer par rapport aux interviews de la véritable Holmes pour se rendre compte du travail d’acting de Seyfried, véritablement habitée par son personnage. Que ce soit le regard dans le vague (une signature de ce genre de personnalité comme le prouve Marky Mark Zuckerberg), l’étrange façon de parler ou l’attitude robotique, la PDG de Theranos est diaboliquement bien interprétée par Amanda Seyfried.
Le Diable boit du jus de concombre
Biopic de rappel
On pourra regretter que le récit de l’affaire Theranos parte malheureusement sur les rotules. Les premiers épisodes, lents et classiques, sont bavards plutôt que démonstratifs. Cette longue exposition ne permet même pas d’avoir des débuts de relation et de rivalité entre les protagonistes convenables puisque les choses nous arrivent sans mise en place. Toutefois, une fois ce démarrage pénible passé, The Dropout se réveille et s’accélère, tout comme son histoire qui prend en intérêt. Les différents, et nombreux, personnages interagissent avec logique, et malgré la multitude de points de vue sur la vie de Holmes, la série ne se perd pas.
Cette amélioration de la qualité se retrouve dans la mise en scène. Convenue et ne parvenant pas à jouer de son sujet au début, la réalisation en devient inspirée dès que la tension arrive, plongeant le spectateur dans la paranoïa des victimes et la mythomanie de Holmes. En exemple, cette scène d’autopsie d’une machine d’analyse sanguine concurrente mise en scène comme la découverte d’un otage torturé dans une salle secrète. En ressort l’impression que ce qui intéressait Elizabeth Meriwether était surtout l’enquête autour de Elizabeth Holmes, les premiers épisodes faisant académiquement le travail de poser le contexte familial et la personnalité de la future milliardaire.
Ainsi la série se bonifie sur la durée, les personnages introduits apportant tous énormément à ce cirque. On retrouve d’ailleurs une brochette impressionnante d’acteurs réputés dans des rôles secondaires qu’ils interprètent tous avec authenticité comme William H. Macy, Michael Ironside, Dylan Minnette, Sam Waterston et bien d’autres. Cette galerie de personnalités qui grossit à chaque épisode accompagne le basculement progressif de la narration de The Dropout, passant de biopic à thriller d’enquête façon Spotlight ou Pentagon Papers. Au risque de perdre l’attention du spectateur avec ce changement de registre, l’écriture et la réalisation arrivent parfaitement à se passer le relais.
Quand t’es le stagiaire du vilain de l’histoire
Chaque épisode nous éloigne un peu plus de Holmes, l’attention de la série se tournant alors vers les victimes. Sans jamais porter de jugement sur celles-ci et leur confiance aveugle, The Dropout s’essaie à comprendre leurs choix, même mauvais. Et si on rit jaune de situations aberrantes (un drapeau américain ramené des combats en Irak signé par Holmes), on a surtout de l’empathie pour toutes les personnes impliquées financièrement ou psychologiquement dans le tourbillon créé par Holmes. On s’étonne même d’avoir de la pitié pour de vieux hommes blancs riches qu’elle a bernés.
Elizabeth Holmes est devenue le négatif de ceux qu’elle admirait et le sujet d’une série palpitante qui ne l’encense jamais, mais tente de faire un portrait au plus juste, presque documentaire. À l’inverse de Inventing Anna qui racontait une histoire basiquement similaire, The Dropout a parfaitement compris son sujet et la façon de le traiter.
The Dropout est disponible en intégralité depuis le 20 avril 2022 sur Disney+
Lucas n’a pas tort!
Un épisode s’intitule « Old white men », qui devoile totalement l’emprise qu’Elizabeth a eu sur les grands boss des labos, de la politique, des organismes de presse…!
Bref, j’ai beaucoup aimé, c’est passionant, et Sunny aussi, quel personnage!
Meilleures séries de Disney plus, une véritable surprise. Réalisation étonnamment propre, agréable et maîtriser. Scénario très bien adapté, on comprend beaucoup de choses au scandale de 2015. Étonné par le manque de promotion autour de la série. Elle pourrait se positionner sur les golden globes, car pour l’instant pour 2022 il n’y a pas grand-chose d’autre.
La série est incroyable, prenante dès le début, avec aucun temps mort.
Reprenant la même composition visuelle que dopesick mais en 100 fois mieux.
Pour moi ça reste la série de l’année.
Amanda seyfried est excellente l’histoire incroyable par contre contrairement à la critique j’ai ressenti aucune compassion pour les vieux hommes blancs victime de cette entreprise par contre je trouve dommage qu’on ne s’intéresse pas aux vrais victime de cette entreprise c’est à dire toutes ces personnes qui ont vu leur test falsifié, des personnes atteintes du VIH sans le savoir, des femmes a qui ont dis qu’elle avait fait des fausses couches alors que non et plein d’autres cas dramatique
Voilà, fini. Je la conseille vivement. Je pense que même Gordon Gekko serait surement tombé dans le panneau. Histoire incroyable qui au delà de l’arnaque sur les investisseurs a mis de nombreuses personnes en danger avec des tests non fiable. Voilà une belle proposition de série qui illustre bien les possible dangers du « fake it till you make it » venté par tant de gourou de la tech ou du développement personnel, même s’il y peut y avoir bon dans cet adage.
Sauf que la science ne supporte par le hacking, il n’y pas de raccourcis possible, et seule la vérité compte. Mais Holmes semble avoir un sacré problème de ce coté là. C’est assez terrible car cela a semé un énorme discrédit sur les femmes entrepreneuses suite à ce scandale.
Bref série à voir.
J’en suis au 4 ème épisode. Et je suis conquis par cette série. Amanda Seyfried est vraiment épatante et montre bien tout l’étendu de son talent. Merci pour cette découverte et critique.
La bande-annonce me vendait l’histoire d’un ange déchu, ce que je trouvais particulièrement abject étant donné les dommages collatéraux terribles causés par Holmes. Heureux de lire que la série est quand même plus maligne que ça.
@Kimfist « ET je ne pense pas qu’une simple phrase (vieux hommes blancs riche), faisant explicitement référence au WASP investisseur de la Silicon Valley, mérite de telle remarque sur l’article, car c’est un peu (beaucoup) un des sujets de la série !! »
Si l’origine ethnique des investisseurs de la Silicon Valley est un des sujets de la série très bien mais c’est pas ce qui m’a semblé en lisant cette critique. Et j’avoue ne pas encore avoir vu la série je vais sans doute prendre un abonnement Disney+ pour ça (et pour me refaire une intégrale Buffy). Néanmoins il faudrait que tu la relises la phrase. Elle ne fait pas simplement référence à une couleur de peau, elle insinue qu’on devrait avoir moins pitié des hommes blancs que d’autres groupes ethnico-sexuels quand ils se font avoir. Je trouve ça plutôt étrange comme réflexion qui semble tout droit sortie de twitter.
@fistkim
Je parle des « Non blanc » et pas des américains qui se définissent « blanc ou blanc en conjonction avec un autre groupe ethnique »
Tous les métis ne se définisse pas afro américain, hispanique ou même « métis » contrairement à que certaine personne pensent, car d’une part cette catégorie n’existe pas autrement que sous appellation « autre » dans le recensement américain, et d’autre part, l’introspection social joue énormément dans la réponse au recensement (demander donc à Neymar s’il n’est pas blanc)
Anthropologiquement donc, 60% des américains ne sont pas blanc de peau pour X raisons, quel que soit le groupe auquel il souhaite s’identifier ou être rattaché.
Mais le sujet, c’est pas l’antropologie, pour moi c’est de comprendre pourquoi on ne peut pas y faire référence (quel que soit le contexte ou l’intention) sans qu’une armée monte au créneaux !
ET je ne pense pas qu’une simple phrase (vieux hommes blancs riche), faisant explicitement référence au WASP investisseur de la Silicon Valley, mérite de telle remarque sur l’article, car c’est un peu (beaucoup) un des sujets de la série !!
Mais je ne doute pas que tout les commentateurs içi on déja vue la série… (sarcasme)
@Kimfist Mais qui parle de cliché ? Oui la majorité des milliardaires et des pontes de la Sillicon Valley sont blancs personne le nie ou ne souhaite le dissimuler. C’est la tournure de la phrase qui est étrange: insinuer qu’il faudrait avoir moins pitié pour une catégorie ethnico-sexuelle d’individu que pour une autre. Si ça se limitait à richesse ok, oui un milliardaire qui se fait avoir ça me fait moins pleurer que lorsqu’il s’agit d’un gars qui a du mal à finir son mois, mais il faudrait donc avoir davantage pitié pour les déconvenues d’une femme milliardaire ou d’un asiatique milliardaire qu’un homme blanc milliardaire ? Ils font parti du même monde.
D’autre part quelle est la pertinence de cette précision sur une série qui n’aborde à priori pas de thématique ethnique (après je l’ai pas vu je me trompe peut être mais il me semble qu’elle ne se focalise pas sur l’exclusion de minorités ethniques). Dans ce cas là tu peux caser ce genre de phrase à toutes les sauces sur chaque articles/critiques. Netflix perd des abonnés ? On va pas pleurer pour les vieux hommes blancs et riches actionnaires ! Matrix 4 a fait un bide ? On est pas triste pour les hommes blancs et riches de la Warner etc.. Tony Stark meurt à la fin d’Avengers 4 ? On s’est surpris d’être ému du décès d’un personnage masculin blanc et riche. Plutôt étrange non ?