Gros mytho
Les vies de Romulus et Rémus, les premiers rois de Rome en 750 av. J.-C., tiennent plus de l’ordre de la légende que des faits historiques. Ainsi, la série de Matteo Rovere a le champ libre pour écrire sa propre version du récit et surprendre avec une réinterprétation audacieuse. Le mythe fait à l’origine la part belle aux dieux, Romulus et Rémus étant des fils de Mars, le dieu de la guerre. Or, Romulus fait ici le choix intéressant de ne jamais représenter les divinités, à l’inverse de la série Netflix Troie : la chute d’une cité qui mettait l’Olympe au cœur des relations humaines.
Ce parti pris permet à l’histoire de garder un semblant de réalisme, tout en suggérant les présences des déités romaines dans les décisions des hommes. Comme les personnages, on croit aux signes qui les entoure que l’on interprète, partagé entre raison et croyances. L’envie de coller à une certaine réalité de cette période s’illustre aussi dans le choix de tourner l’intégralité de la série en ancien latin donnant aux dialogues une sonorité unique.
Ainsi, Romulus tourne autour du fantastique sans jamais y plonger. Les éléments mythologiques n’apparaissent pas à l’écran, cette aura magique est essentiellement présente dans l’esprit et les cœurs des hommes et femmes. Cet aspect passe par des scènes se déroulant majoritairement dans une forêt filmée comme un lieu mystique avec ses arrière-plans brumeux et ses ambiances rappelant Excalibur de 1981. Il y a un rapport à la nature similaire au film de John Boorman car la nature est le lieu du surnaturel et coupe les hommes des dieux, alors que la construction d’une ville les en rapprocherait.
Cependant, le problème de cette réécriture de la légende, aussi pertinente soit-elle dans ses idées, est qu’elle écarte son symbole le plus connu : la louve allaitant les bébés. À part Jésus Christ, il y a peu de figures historiques dont une représentation en bébé soit une image aussi célèbre. Pourtant, Romulus ne la prend pas en compte, faisant de ses héros de jeunes adultes trahis par un oncle qui leur vole le trône. Une histoire aux airs de Hamlet qui ramène donc un cortège de personnages aux archétypes bien assez usés. Ces derniers sont par chance sauvés par des comédiens et comédiennes habités par leurs rôles, tout particulièrement Francesco Di Napoli, l’interprète de l’un des deux frères.
L’excellent Francesco Di Napoli
History of violence
Surnommée la Ville Éternelle, Rome est l’un des berceaux de la civilisation occidentale et Romulus fait le choix judicieux d’être le récit de la transition entre une humanité divisée en meutes s’entretuant, à un début de peuple uni bâtissant une cité au cœur du monde. Ainsi tous les visages, masculins comme féminins, sont couverts de balafres et cicatrices figurant les vies menées comme des combats.
Les premiers épisodes mettent d’ailleurs en scène des jeunes en rituel de passage façon stage de survie. Là, ils redeviennent quasiment des animaux avant d’être un groupe d’hommes se civilisant. Des séquences qui se mettent en comparaison à celles des villages encore archaïques, pourtant futures bases de l’Empire romain. Des idées de narrations réfléchies et passionnantes qui se retrouvent sur toute la saison.
Cette cruauté se retrouve énormément dans les interactions entre les personnages où la réponse par le sang est la solution à tous les échanges. Se menacer de se suicider, mutiler un corps, sacrifier, frapper, les discussions partent vite sur une ambiance barbare. Dommage que des faiblesses d’écriture rendent certaines réactions, notamment les meurtres, parfois grotesques. Les protagonistes ont souvent l’air de partir au quart de tour avant de glisser une dague entre les côtes de leur interlocuteur. Cela donne des scènes assez improbables où passer une journée à l’époque sans heurter la sensibilité d’un psychopathe semble relever du miracle.
La mise en scène de Matteo Rovere incarne aussi cette violence et s’adapte à l’énergie des personnages, à l’image d’un héros enragé qu’une caméra portée va suivre dans son élan de colère. La cruauté des hommes est surtout mise en avant dans les gros plans sur le sang et les gouttes rouges perlant des corps comme si c’était le tribut payé pour que Rome, et par extension la civilisation moderne, existe.
Faire couler le sang, une tâche du quotidien
Toutes les facilités mènent à Rome
Malgré les bonnes intentions de chercher à retranscrire les trahisons et magouilles de l’époque, Romulus condense énormément son histoire – qui se résume à quelques jours, voire semaines si l’on voit large. Rien à voir donc avec les aventures sombres et tumultueuses de Romulus et Remus s’étalant sur une vie que l’on pourrait attendre. Dans la série, tout va vite et rien n’a le temps de poser des relations ambiguës crédibles entre les personnages. Ainsi, Rome ne s’est peut-être pas faite en un jour, mais ça n’a clairement pas pris plus d’une grosse semaine de travail.
Et même si les décors sont superbes, avec des paysages verdoyants et encore sauvages, ou des intérieurs aussi bien décorés qu’éclairés aux torches, ils manquent cruellement d’ampleur. La série se déroule dans une vallée où trente seigneurs gouvernent, mais on en ressent jamais la présence. Le principal village à trois maisons qui se battent en duel, quand le second est fait de quatre cahutes en terre cuite. Et la musique incroyablement générique aux airs de climatisation hans zimmerienne termine de donner une impression d’épique à trois sesterces.
Bien que plusieurs plans frappent la rétine, sachant jouer avec les rayons de lumière filtrés par les branches ou les reflets orangés des flammes sur les visages, ils font surtout office de cache-misère. La réalisation privilégie donc le style, exploitant au mieux ce qu’il y a à filmer, plutôt qu’une cohérence générale. En effet, l’étalonnage n’affiche jamais la même colorimétrie. Certaines scènes sont saturées dans les verts, quand elles ne sont pas en noir et blanc, tandis que d’autres sont si jaunes qu’on se croirait dans le Mexique de Breaking Bad.
L’ambition de Matteo Rovere a probablement dépassé ses moyens, ce qui n’a rien d’une faute sauf quand elle desserre le projet. Si cette version de la genèse de Rome manque d’être un récit prenant et épique, on sent néanmoins la sincérité derrière Romulus. Ces multiples sujets autour d’une humanité moderne naissante sont finalement plus séduisants que le récit de la prise de pouvoir des pères fondateurs de la ville-monde.
Romulus est disponible intégralement (ou presque, lol) sur Amazon Prime depuis le 26 août 2022
Analyse et critique affligeante, il n y a rien qu y va dans vos propos, ni dans l histoire des peuples à cette époque, ni dans l’histoire de Rome, ni même dans la manière de pouvoir jouer des rôles de cette époque et l omniprésence des dieux dans leurs vies… changez rien
D’un ennui profond.
Rien que l’accoutrement ridicule de l’actrice en mode guerrière échappée du 21e siècle ne laisse pas présager d’un grand réalisme. Pour moi ce genre de look est repoussoir.
J’ai pas commencé la série mais elle m’intéresse. J’attends qu’Amazon règle ce truc avec les épisodes mais c’est franchement incompréhensible : On dirait qu’ils ont fusionné les 4 premiers épisodes en deux par rapport aux titres d’origine : https://it.wikipedia.org/wiki/Episodi_di_Romulus
Quelqu’un sait quels bouts manquent et où? C’esest sur la saison entière ou juste sur les deux premiers ( vu les alternatives et les titres des épisodes on dirait) ?
Il sont nunuchew si j’avais pas vu les episodes. 9 et 10 marqués indisponibles je me serait jamais posé ma question. Mais du coup je ne trouve la réponses nulle parts et ça m’obsède.
Btw chapeau vous êtes les seuls a le souligner.
Thématique cléf de l’histoire Européenne ! Mais je me demandais… A cette époque les cités grec sont en mode ouf et vas y j’te construit un temple j’te colinise par les deux côtés etc etc…
Est ce qu’on les voit ? Est ce que le contexte est réaliste ou alors est ce que c inventé ?? (Car quand on voit les images on dirait que c’est juste après Cromagnon alors que les Phéniciens c’était comme même un peu plus développé que ça)