Underground mafia
Un sous-sol sombre, une boite de nuit malfamée, un restaurant asiatique à la lumière tamisée, comme à son habitude, Nicolas Winding Refn nous embarque dans des coins peu recommandables. Ici, Copenhague est un terrain de chasse, un lieu où s’affrontent des gangs. Si la ville donne son nom à la série, Nicolas Winding Refn n’a clairement pas été engagé par le gouvernement pour faire la promotion touristique de son pays. D’ailleurs, Copenhague n’est jamais montrée de jour, et les personnages ne respirent que rarement l’air frais.
De la mafia albanaise à l’organisation criminelle chinoise, la série explore l’envers du décor, le spectateur est plongé dans les souterrains d’une société salie et corrompue. Trafic sexuel, de stupéfiants, d’armes, le cinéaste dresse un portrait cru et violent d’un monde régi par des hommes pervertis, avides de pouvoir et d’argent.
Si Copenhagen Cowboy est très violente, à l’image de la société représentée, et que les meurtres et viols s’enchainent, la série ne fait pas de la violence un attrait visuel. Nicolas Winding Refn détourne la caméra et utilise le hors champ et le son pour démontrer la brutalité des événements. La noirceur du monde suffit à choquer.
Tout ça ne se fait pas sans une attention particulière donnée à la lumière, Nicolas Winding Refn n’est pas adepte des néons pour rien. Les néons rouges et bleus viennent plonger tout ce monde sous-terrain dans une ambiance lascive très esthétisée qui ne vient pas embellir le décor, mais en révéler la perversité.
Lady Vengeance
Souvent décrit comme un cinéaste arty qui favorise la forme au fond et accorde peu d’intérêt au scénario, Nicolas Winding Refn montre ici qu’il a une histoire à raconter. Copenhagen Cowboy n’est pas qu’une série esthétique. Les six épisodes ne reposent pas uniquement sur leurs visuels et leur ambiance, loin de là, et la série n’est pas un film coupé en morceaux. L’écriture est maitrisée et les épisodes se répondent, établissent des liens, des références.
Au centre de tout ça, il y a Miu, le personnage principal interprété par Angela Bundalovic. Miu n’est pas une femme comme les autres, elle n’est d’ailleurs sûrement pas humaine, elle est un “porte-bonheur”. Vendue et achetée depuis son enfance par des riches voulant s’offrir ses services, elle est utilisée et asservie comme les femmes prostituées de force qu’elle rencontre après l’acquisition qui ouvre le premier épisode.
Qu’elle soit un esprit, une entité mystique ou même une extraterrestre, Miu est comme les autres femmes de la série : contrainte d’évoluer dans ce monde qui veut l’asservir. Vénérée et convoitée par ses acheteurs, Miu finit toujours par être contrôlée par ses malfaiteurs. Copenhagen Cowboy nous embarque alors dans la quête de revanche de Miu, voulant à tout prix aider d’autres cœurs purs comme ceux de Cimona et de Mère Hulda.
Pouvant semer le bonheur, elle peut également faire le malheur de ceux qui veulent lui nuire comme l’élite danoise, représentée par des personnages vampiriques à glacer le sang. En effet, Nicolas Winding Refn ne s’attaque pas seulement aux gangs et aux criminels, mais souhaite aussi dresser le portrait des familles hautement placées du Danemark qui survivent et dominent grâce à l’argent qu’elles détiennent. Mais il est temps pour Miu de renverser le pouvoir.
Accrochez vos ceintures
Alors évidemment, Copenhagen Cowboy ne serait pas une série de Nicolas Winding Refn si elle n’était qu’une série criminelle sur une femme voulant assouvir sa soif de vengeance. Face au réalisme cru et brutal qui rend la série ultra-réaliste, une étrange atmosphère surnaturelle est installée. Ce mysticisme, qui passe déjà par la présence de Miu, mais aussi par la photographie de Magnus Nordenhof Jønck (The OA), est amplifié par les synthés de Cliff Martinez, le compositeur fétiche de NWR, qui apporte une touche de science-fiction au récit.
Copenhagen Cowboy peut se révéler frustrante à plusieurs niveaux, mais surtout parce qu’elle laisse beaucoup de questions sans réponse. Complètement lynchienne (la red room de Twin Peaks semble d’ailleurs avoir servi d’inspiration pour de nombreux décors), la série joue sur le mystère et donne de fausses pistes, si bien qu’il est parfois difficile de comprendre son véritable objet.
Jouant sur le terrain expérimental avec son récit donc, qui divague et laisse de côté des pistes pour en explorer d’autres, la série expérimente surtout dans sa forme. Des gros plans, des séquences sans musique, des images subliminales, des plans très théâtraux… le cinéaste se sert de sa caméra, du montage et du son pour créer une oeuvre à part, et donc inclassable.
Certains plans sont longs, trop peut-être, et certaines séquences muettes en rebuteront certains, mais une chose est sûre, Copenhagen Cowboy est une expérience. Il faut s’accrocher puis se laisser submerger et emmener dans cet univers bizarre et fascinant qui n’est pas là que pour l’art, qui utilise le surnaturel pour parler de la réalité.
Malgré l’expérimentation, on remarque surtout l’attention que NWR donne à son cadre. La mise en scène est irréprochable, les mouvements de caméra sont maitrisés, les travellings circulaires donnent l’impression d’assister à un ballet, à une chorégraphie millimétrée. Si Nicolas Winding Refn envoie valser les codes et expérimente, il prouve à nouveau qu’il maitrise son art.
Copenhagen Cowboy est disponible en intégralité depuis le 5 janvier 2023 sur Netflix
TOUCH OF CRUDE est le dernier short réalisé par Refn pour PRADA, il est dispo sur prada . com
Comme quoi Netflix peut encore faire des choses intéressantes. Cette série n’est vraiment pas exempte de défauts, même dans la réalisation et les images, avec parfois des répétitions qu’il aurait été possible de subvertir un peu pour donner encore plus de puissance à certaines scènes, notamment à la fin quand on commence à « saisir les codes » de la série. Pour le coup je ne mettrais pas du tout la lenteur dans le lot des défauts… il y a des moments très lents c’est vrai, et certains plans longs, mais ça reste rythmé et dynamique, je n’ai pas du tout trouvé ça mou.
J’ai été très content de regarder cette série, franchement par hasard, rien que par l’affiche.. Netflix ne me le conseillait même pas avec un taux très élevé (leur algorithme ne me semble pas au point, malgré le temps que je passe à essayer de leur donner de l’information pour qu’ils me comprennent).
Il faut que je pense à regarder cette série car j’aime beaucoup ce que fait ce réalisateur mais je préfère que Winding Refn se consacre plutôt au cinéma.
Malheureusement j’ai peur qu’il n’y ait pas de saison 2 quand on voit l’absence d’intérêt des gens pour la série. On dirait que Netflix l’a caché sous le tapis
@Sanchez
Ok , oui il a des influence que j’ai remarqué . En tout cas j’espère qu’il aura une saison 2 le fight entre MIU et la Sorcière Rouge
@marc
Oui je sais bien que c’est une création originale. Mais bcp d’éléments ramènent à la BD et aux Mangas en particulier. Un être exceptionnel doté d’un don, un méchant iconique avec en kimono, une sorcière, une mythologie naissante (on nous parle de Géants et autres créatures) …. De la mythologie mélangeant au gangstérisme , ça me rappelle bcp Last Man , le manga made in France . Et l’exemple le plus concret , spoiler : notre héroïne se fait dominer dans le combat finale avant qu’elle ne se « transforme » en super guerrière (les tromboscope) et mette une patée au vilain. Donc oui , j’avais l’impression d’être dans un environnement de manga et ça m’a bcp plu , mais ce n’est que mon avis.
L’épisode 6 termine sur un Cliff , et sur Google ils disent que la série fait 11 épisodes … est ce que Netflix balancera une seconde partie de saison ou est ce la vraie fin de saison ? Merci
@Sanchez
Copenhagen Cowboy inspiré par le manga quel manga ? la série est une création de Nicolas Winding Refn sauf erreur de la part.
Cette série est une merveilleuse expérience très inspiré par le manga. Il y a des personnages archetypaux , des symboles peu subtiles et éculés mais complètement assumés (les hommes sont des gros porcs t’as capté ?) et surtout la mise en image incroyable de NWR qui se surpasse encore une fois et nous offre un superbe objet télévisuel. Beaucoup plus accessible que sa précédente série car beaucoup plus rythmé, sur une bande originale magistrale, il impose une cadence hypnotique et des tableaux qui hantent le spectateur pour longtemps.
Excellente série en effet ou le côté lunaire pourra en rebuter plus d’un mais qui mérite clairement le détour. Il n’y ait pas que question de gang et de méchant aristocrate. NWR parle clairement et surtout de femmes assouvies ou bafouées dont Miu semble incarner leur âme protectrice et vengeresse. Tout au long de la série Miu ne semble pas en danger et sauve différentes femmes de leur condition (même le bébé de l’épisode 2 est une fille). Elle-même semble avoir été l’une de ses femmes par le passé. Elle ne semble céder que devant une seule figure masculine, celle du Père dont elle se libérera finalement rapidement. Vivement la saison 2
@Marc
😀 exactement !
Refn possède de toute évidence un talent rare pour associer image et musique. Cliff Martinez, son frère et maintenant Peter Peter et son sens affûté pour l’électro minimaliste envoutante. De la pâtisserie pour les yeux et les oreilles haha