Lazy, stupid love
Pour rappel, Outer Banks est une expérimentation narrative unique en son genre, née d’une simple question, quasi existentielle : et si tous les personnages d’une série prenaient les mauvaises décisions ? Fort logiquement, le résultat donne envie au spectateur de s’emparer d’un ticket magique pour aller corriger lui-même la bande de bras cassés dysfonctionnelle autour de laquelle se concentrent les enjeux. La palme de la stupidité revenant sans conteste au héros John B et à son air hébété permanent, ainsi qu’à son comparse J.J. et ses idées foireuses.
Mais les méchants ne sont pas en reste. Et n’évoquons même pas la police, la plus incompétente de l’histoire de la SVoD, incapable d’interroger rapidement des adolescents après un mois de disparition, ou même de faire quoi que ce soit alors que la moitié des habitants de l’Île sont en train de se tirer (littéralement) dans les pattes pour un trésor dont tout le monde a déjà entendu parler au moins une fois. L’expérience conduite par les scénaristes Shannon Burke et Jonas et Josh Pate avait le mérite de susciter une fascination irritée, qui tourne désormais à l’exaspération dans cette troisième saison.
On appelle ça tirer sur la corde
Comme d’habitude, le cliffhanger de la saison précédente (la troupe est échouée sur une île déserte) laissait espérer quelques audaces. Et comme d’habitude, il faut attendre moins d’un épisode pour que tout revienne à la normale, histoire que le petit groupe, pour la troisième fois consécutive, se fragmente, se pelote, se déchire et se rejure un amour éternel qui le poussera à prendre des risques toujours plus inconsidérés. Un esprit d’équipe qui serait indéniablement attendrissant si ses amourettes ne lorgnaient pas autant le soap périmé… et n’écrasaient pas tout le reste, à savoir les thématiques sociales, le conflit générationnel ou même, au hasard, le frisson de l’aventure.
Pour le dépaysement, il faudra donc (encore) attendre quelques heures. Avant de partir à la recherche de l’El Dorado, nos héros vont subir quelques péripéties hormonales directement inspirées du super best-of d’Hélène et les garçons, abdos saillants et lèvres pulpeuses en plus (et en toutes circonstances). La relation entre John B et Sarah, en particulier, passe par une phase si artificielle et pétrie de malaise qu’elle donne encore plus envie, si toutefois c’était possible, de haïr ces deux archétypes ambulants.
« Je t’aime comme Netflix aime annuler les bonnes séries »
Adventure time
Mais pour qui survit à ces badinages dégoulinants, les extrémités absurdes auxquelles les personnages sont désormais réduits, qu’ils soient devenus d’authentiques parrains de la pègre, des trompe-la-mort réguliers, des forcenés fugitifs ou des passeurs kamikazes dotés du pouvoir de retourner le cerveau des dealers meurtriers à coups de contes de fées, amènent malgré lui le récit sur le terrain du cinéma d’aventure. Sans les états d’âme de ses héros, Outer Banks en deviendrait presque assez grossière pour être divertissante.
Et là, miracle, le dernier épisode d’une heure vingt, sans pour autant se départir de cette atroce photographie sépia, se transforme en micro-téléfilm d’aventure, en simili-Uncharted lourdingue (à deux trois galoches près, faut pas déconner non plus), soit exactement la promesse de la série quand elle a commencé il y a de ça moins de 3 ans. Une escapade autorisée par le personnage du père, incarnant plus que quiconque la bonne idée larvée dans ces 30 épisodes : la chasse au trésor attire les opportunistes et les déséquilibrés de toute sorte. Et c’est loin d’être un fleuve tranquille.
Le super-pouvoir de John B ? Faire la même tête dans toutes les situations.
Trop tard : pour l’exploiter pleinement, il aurait fallu que les protagonistes soient un tantinet plus intéressants, que quelqu’un arrache la responsabilité de la mise en scène aux algorithmes des productions Netflix et que les péripéties en question soient un minimum palpitantes. Car même les ultimes rebondissements et les rares décors un peu exaltants du climax de ces trois saisons ne peuvent déroger à la charte nunuche et désespérément calibrée de Outer Banks. Soit une série qui avait tout pour nous proposer de vrais grands moments de bravoure, mais qui préfère concilier conformisme et faignantise.
Ces dernières minutes ne font que confirmer l’évidence : c’est un gigantesque gâchis. Et toutes les promesses du cliffhanger, aussi alléchantes soient-elles, ne sauront berner le spectateur. La saison 4 récemment annoncée risque bien d’être du même tonneau. Après ça et Trésors perdus : le Secret de Moctezuma, on attend encore une série d’aventure contemporaine qui respectera le genre… et son public.
La saison 3 d’Outer Banks est disponible sur Netflix depuis le 23 février 2023 en France
Incroyablement le seul mot que j’ai à dire n’écouter pas tous ces commentaires la serie est très bien
@cidjay et @MxxxxN ils font quelques (rares) bonnes productions mais ont tendance à annuler les séries de qualité (e.g. MindHunter) y compris celles « pour Teenagers » (coucou The Society). C’est à n’y rien comprendre.
Série très sous-estimée par Ecran Large et par la presse ! Ca a été une très bonne surprise pour moi, très bons persos et scénario. Hâte de voir la saison 3. [4/5 spectateurs allociné]
Rectification (IMO hein) : tous les trucs que produits Netflix sont nuls dans la grande majorité de toute façon 😀
C’est moi ou tous les trucs Teenagers que produit netflix (soit 80% de son catalogue) sont nuls dans la grande majorité ?