The Morning Show saison 3 : critique qui éteint la télé sur Apple TV+

THE MOANING SHOW

Ce n’est jamais plaisant de regarder une série exploser en plein vol alors qu’on espérait la voir se bonifier avec le temps. Et malheureusement, The Morning Show fait clairement parti de cette catégorie tant la série a totalement basculé par rapport à ses débuts. Car si la série a toujours été proche du soap opera, sa saison 1 suivant de près les coulisses de sa célèbre matinale était assez passionnante.

La série prenait le temps de s’attarder sur l’information, la manière de la transmettre et tournait surtout autour d’un sujet avec la libération de la parole (et le mouvement MeToo). Un moyen habile de ne pas s’embourber dans une multitude de sous-intrigues et d’être terriblement efficace. Cinq ans plus tard, l’intelligence de l’écriture n’est plus qu’une lointaine relique que les producteurs et scénaristes ont sûrement enterrée avec le corps de Mitch (Steve Carell).

Jennifer Aniston n’est plus que l’ombre d’elle même

Terminées les discussions sur l’infotainment et le rôle des médias, oubliées les réflexions fouillées sur le patriarcat et les grands sujets animant l’Amérique moderne… The Morning Show a indéniablement décidé de devenir le nouveau Feu de l’amour version médiatique du petit écran international. La saison 3 évoque bel et bien des sujets d’actualité majeurs (la guerre en Ukraine, l’assaut du capitole, l’annulation du droit constitutionnel à l’avortement, le pouvoir grandissant des magnats, la discrimination à l’embauche…), mais ils sont tristement relégués à des bruits de fond ne servant qu’à alimenter l’immense soap dans lequel la série s’enfonce.

Coucheries en tout genre, révélations outrancières sur le passé de certains personnages, secrets inavouables, trahisons déchirantes… la série ne semble plus compter que sur les épreuves personnelles de ses personnages pour tenter d’exister ou d’avancer. Et on ne nous fera pas croire que le fil rouge suivant le possible rachat d’UBA est vraiment la priorité du récit.

En résulte l’horrible sensation de se faire rouler, la série sérieuse et pertinente d’origine s’étant transformée en telenovela de luxe avec son budget indécent (15 millions de dollars par épisode pour les saisons 1 et 2) s’offrant une visite de l’espace (oui oui), une ballade en buggy dans le désert, un étrange hacking ou des situations complètement farfelues qu’on taira ici.

Quand tu espères qu’il va se passer un truc intéressant

sot opera

Une dérive qui se ressent à tous les niveaux. Car si le scénario n’est plus du tout à la hauteur, la narration en prend véritablement un coup, la série multipliant les cliffhangers sans aucune conséquence. Celui clôturant le premier épisode en est une des preuves les plus affligeantes, l’épisode 2 l’éjectant en un quasi-claquement de doigts. The Morning Show tentera tant bien que mal de justifier ce choix avec un minuscule prétexte dans le dernier tiers de la saison, mais cela n’enlèvera en rien l’idiotie, voire la malhonnêteté, de sa démarche.

Difficile d’ailleurs de ne pas avoir envie d’éteindre le son à l’énième utilisation d’une chanson (souvent pop) en fin d’épisode pour faire le bilan du parcours des personnages avant le prochain épisode. D’autant plus lorsque la subtilité du procédé va jusqu’à surligner le choix-dilemme des personnages entre « Everybody wants the power » tiré du Glory de HER ou encore le « And as the earth burns to the ground » du As the World Caves In de Matt Maltese version Sarah Carlton. Bref, la série joue régulièrement la carte du tube pour se donner du punch (avec plus ou moins de réussite selon les goûts) et pallier l’absence de mise en valeur du reste.

Beaucoup de galas, pas beaucoup d’infos

C’est sans doute ce qui est le plus triste devant The Morning Show au demeurant : sa mise en scène démissionnaire. Alors que la série reposait avant tout sur le mouvement grâce à un style assez sorkinien donnant vie aux personnages, à leurs interactions et surtout aux coulisses du Morning Show, elle ne peut même plus compter sur une once de scénographie. Laissée à l’abandon, la caméra semble parfois plantée dans le sol, la série se contentant tristement de piètre champ-contrechamp ou d’enfermer ses personnages dans un ascenseur pour mieux les filmer en plan fixe .

Une désillusion artistique venant de Mimi Leder, pourtant excellente cinéaste, qui chapeaute la moitié de la saison. Elle avait donné une ligne directrice prometteuse lors de la saison 1. Désormais, elle semble avoir totalement délaissé ses idées de mise en scène au profit des priorités de la production : mettre en avant son gros casting. Et ce, quitte à le faire pour la simple image de marque de la série (Reese Witherspoon, Jennifer Aniston, mais aussi Jon Hamm en simili-Elon Musk, Tig Notaro, Stephen Fry, Mindy Kaling…).

Des nouveaux acteurs, mais toujours du champagne

UN PEU D’ESPOIR

Un revers scénique dont certains réalisateurs semblent avoir paradoxalement conscience. Ainsi, dans l’épisode 8, Millicent Shelton pastiche Les hommes du président avec une rencontre dans un parking rappelant celle avec Gorge profonde dans l’espoir probable de renouer avec une forme de journalisme d’investigation désormais évanouie dans la série. Plus encore, elle filme l’ancienne athlète Christine Hunter (très bonne recrue Nicole Beharie) sur une piste d’athlétisme, tentant de courir, mais incapable de retrouver sa vivacité d’antan.

Le clin d’oeil (intentionnel ou non) le plus savoureux provient toutefois de l’épisode 4 de Mark T. Gates III. Après trois épisodes mornes, celui-ci s’ouvre sur un plan-séquence donnant enfin vie aux personnages, le CEO incarné par Billy Crudup croisant le reste des protagonistes dans les coulisses d’un studio où se déroule une soirée de gala pour UBA (en très mauvaise posture et risquant de s’effondrer financièrement).

Sûrement la meilleure recrue (malgré un arc assez fade)

Deux minutes de marche et d’effervescence portées par un certain Stayin’ Alive des Bee Gees (loin d’être anodin) comme un appel du pied : oui, la survie de la série d’origine si précieuse se trouve ici, dans l’élan, l’action et l’agitation. Espérons que la saison 4 commandée avant même la diffusion de la saison 3 en ait conscience (même si, honnêtement, on ne se fait pas trop d’illusion).

Les deux premiers épisodes de la saison 3 de The Morning Show sont disponibles sur Apple TV+ depuis le 13 septembre 2023. Un nouvel épisode sera diffusé chaque mercredi sur Apple TV+ jusqu’au 8 novembre 2023.