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Mon petit renne : critique qui martyrise Squid Game sur Netflix

Par Ange Beuque
27 avril 2024
MAJ : 6 mai 2024
13 commentaires

Destiné à se perdre dans la jungle NetflixMon petit renne n’a pas tardé à montrer de quel bois il était fait : introduite sans promotion, dénuée du moindre acteur identifié, la série a pourtant mué en petit phénomène complètement inattendu. Son créateur, réalisateur et principal interprète, le Britannique Richard Gadd, convoque les fantômes de son passé avec Jessica GunningTom Goodman-Hill et Nava Mau, pour raconter l’histoire d’un homme et sa harceleuse. Mais a-t-elle les qualités pour prendre le relais de Squid Game et Dahmer : Monstre sur la plateforme ?

Un enfer à double-fond

Ne vous fiez pas à son titre enfantin : Mon petit renne n’est pas à mettre devant tous les yeux. Le cauchemar de son héros est plus tortueux qu’escompté : le harcèlement d’une femme fait remonter chez cet humoriste en échec un terrible traumatisme.

La série ose aborder des thématiques extrêmement difficiles. Mais ce précipité de dureté n’est jamais plombant, en tenant une ligne virtuose entre humour noir, thriller et drame. Son format ramassé de sept épisodes d’une demi-heure réjouira les épuisés de la peak TV et lui permet de ne pas se perdre en route. C’est bien simple : une fois le premier lancé, impossible de décrocher tant Mon petit renne nous happe avec ce mélange de fascination morbide et d’émotion brute.

 

Mon petit renne : Richard Gadd, Jessica Gunning Joker : Folie à deux

 

La série évite surtout le piège de la complaisance grâce à des personnages aussi finement écrits que formidablement interprétés. Pour son premier passage derrière une caméra, Richard Gadd démontre des qualités de directeur d’acteur remarquables : en dépit d’un casting globalement peu aguerri, tous sont au diapason.

Mais la mention spéciale revient forcément à Jessica Gunning qui écope du rôle invraisemblablement casse-gueule de la harceleuse. Gadd s’est battu pour avoir la comédienne, dont la réputation peinait à franchir les frontières de la Grande-Bretagne, et le pari est payant. Jamais crispante (sinon à dessein), offensante ou caricaturale, elle exsude, même dans ses pires moments, une fragilité déchirante.

 

Mon petit renne : Jessica Gunning Batman et Superman auraient-ils sympathisé pour sauver cette Martha ?

 

Une catharsis salvatrice

Si la mention « tiré d’une histoire vraie » sert parfois d’appât sensationnaliste facile, Mon petit renne fait clairement office d’exutoire dont la sincérité ne peut être mise en doute. Sans vouloir sombrer dans la psychologie de comptoir, difficile de ne pas penser que la série contribue pour son auteur à solder cette page cauchemardesque de son existence, dont il avait déjà tiré un seul en scène couronné de succès.

Mais en l’absence de contrepoint (sauf à imaginer que sa véritable harceleuse prenne le risque de se manifester pour apporter sa version), il aurait été tentant de réécrire les faits à son seul avantage, polir les aspérités et se construire un rôle de pure victime expiatoire. L’immense mérite de Richard Gadd, et qui donne toute sa valeur à la série, c’est d’avoir piétiné cette tentation.

 

Mon petit renne : Richard Gadd, Nava Mau Plutôt Misery que misérabiliste

 

À cet égard, et précédé d’un trigger warning judicieux, le quatrième épisode est particulièrement marquant. En faisant un pas de côté dans sa narration, l’auteur éclaire d’une perspective nouvelle (et glaçante) les choix qui furent les siens depuis le début de la série. De vertigineux, le gouffre sous ses pieds devient abyssal, et notre héros prend les atours d’un Sisyphe pris au piège d’une boucle infernale.

Loin d’éluder ses lâchetés et ses ambiguïtés morales, Gadd expose ses failles avec une rigueur, une précision, une lucidité désarmantes. Sans fausse pudeur, il ausculte les compromissions internes, les impasses de l’empathie et les biais narcissiques qui peuvent paralyser nos instincts de survie. Si l’auteur est là pour régler ses comptes, c’est moins avec ses bourreaux qu’avec lui-même.

S’il laisse peut-être retomber la pression un poil trop tôt dans sa dernière ligne droite, lorsqu’un tabouret de scène devient le substitut commode d’un canapé de psy, difficile de ne pas être ébranlé par une si vibrante introspection. Certes, sa mésaventure est intriquée dans son chemin de vie, mais ce collé-serré létal d’addictions émotionnelles et de vulnérabilités interroge en creux nos propres faiblesses.

Mon petit renne est disponible en intégralité sur Netflix depuis le 11 avril 2024

 

Mon petit renne : Affiche Netflix

Rédacteurs :
Résumé

Ceux qui postulent une corrélation inversée entre l'ampleur de la promotion que Netflix accorde à l’un de ses "contenus" et sa qualité seront confortés : profond et viscéral, Mon petit renne a largement mérité sa hype inattendue.

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Tiny ribz

Eh bien je rajoute ma pierre à l’édifice.
Le personnage est tellement une sous loque humaine et un abruti qu’il est quasi impossible d’avoir de la compassion pour lui.. et au passage cette scène immonde ou il se fait violé sous GHB, j’imagine l’horreur d’avoir vécu ça et de le revoir dans un divertissement…. Bref, que des perso chaotiques, des proies, des abrutis. Je lai même pas terminé.

pollux

Ce Richard Gadd est probablement le pire acteur que j’ai jamais vu dans un film ou une série. Un charisme d’huître, un caractère lisse dans son interprétation, sans compter son scénario totalement absurde où il joue sur son empathie pour excuser sa lâcheté.

Nul nul et nul

Tellement mauvais ennui total acteurs bidon bref passer votre chemin

Sanchez

Tout ce qui ne va pas dans les premiers épisodes est justifiés par un épisode 4 éprouvant et passionnant. Pour l’instant je me régale

MoiLeVrai

Même chose que Kelso. J’ai démarré la série après avoir vu que vous aviez fait un article dessus, pas pu aller plus loin que le 3e épisode tellement je m’ennuyais devant.

Y’a une vraie bascule à un moment ou ça reste dans la même veine?

Beair

Formidable ..éprouvant de sincérité..

Ange Beuque

@Reine
L’argument est plutôt cocasse pour une série qui a précisément explosé par le bouche et oreille, sans promotion ni grande couverture critique. Sur ce je m’en retourne à mes soustractions posées.

Reine

Mouais… Il vous en faut peu pour vous épater mes petits rennes. Encore une série survenu par des journalistes de douze ans et demi.

Sepho

Cette série est bien interprétée avec cette terrible Martha.une psychopathe qui détruit l’être humain ,avec sa gentillesse Le 1er jour .franchement à voir …….

MarieG

On s’est enfilé les épisodes en quelques jours, c’est pour moi l’une des meilleures productions Netflix! Les acteurs sont incroyables. Les choix du personnage principal peuvent être un peu frustrant sur le dernier épisode, parce qu’on a l’impression qu’il retombe dans la même boucle dont il voulait s’extirper, mais c’est en réalité réaliste (et probablement vécu, de toute façon…). J’avais vu venir la scène finale, que j’ai trouvé très cohérente finalement. En tout cas, elle est à voir de toute urgence!