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À l’aube de l’Amérique : critique du western de la flemme sur Netflix

Par Owen Carrel
11 janvier 2025

Le western a retrouvé des couleurs depuis son déclin au cinéma à la fin des années 60, notamment avec la série Yellowstone, énorme succès aux États-Unis. De quoi faire des jaloux, et c’est sans surprise que Netflix lance son année 2025 par une série aux accents similaires, À l’aube de l’Amérique, écrite par Mark L. Smith (co-scénariste de The Revenant) et réalisée par Peter Berg (Deepwater, Traque à Boston). Après une bande-annonce ultra violente et prometteuse, que vaut donc cette tentative du N rouge de revisiter le western contemporain ?

À l'aube de l'Amérique critique du western de la flemme sur Netflix © Canva Netflix

American Origin Story

À l’aube de l’Amérique nous emmène dans une période unique de l’histoire américaine, en 1857. Quatre ans avant l’éclatement de la Guerre de Sécession, la Conquête de l’Ouest s’achève progressivement et les tensions sont innombrables entre les différentes parties. La série ajoute déjà un petit twist au traditionnel affrontement entre cowboys et indiens avec la présence des mormons, cherchant à se libérer de l’influence de l’État fédéral.

On suit donc une galerie variée de personnages à travers l’immensité sauvage de cette Amérique naissante, où chacun essaie de se faire une place dans le sang. La série use de manière assez maligne ces grands espaces encore inhospitaliers pour construire son suspense quasi permanent, avec un danger qui peut survenir à tout moment et de n’importe où.

L’odeur du sang

L’ultra-violence de l’ensemble était un des gros arguments promotionnels de Netflix, souhaitant clairement se différencier de Yellowstone à ce niveau. Et il faut bien dire qu’À l’aube de l’Amérique réussit son coup sur ce point, avec un déferlement de brutalité graphique omniprésent, rendant ce monde réaliste et viscéral.

À ce titre, la série opère une approche assez pertinente au travers de ces giclées de sang, renversant le paradigme habituel de l’image d’Epinal des westerns classiques. Ici, héros comme ennemis en viennent à commettre les pires atrocités pour s’en sortir, et les rares moments d’humanité sont souvent rapidement balayés par la barbarie de ce monde sans pitié.

Indiens vs Cowboys vs Mormons

The Redondant

Evidemment, la présence au scénario de Mark L. Smith, qui avait co-écrit The Revenant aux côtés d’Alejandro G. Iñárritu, explique en partie le ton poisseux et brutal de la série. Le problème, c’est qu’en étant utilisée à outrance, cette violence devient rapidement banale et, surtout, le ressort principal d’émotion du récit sonne par conséquent désespérément vide et fade.

La mise en scène de Peter Berg n’est pas très inspirée, et on arrête vite de compter le nombre d’embuscades filmées et montées exactement de la même manière, de nuit ou de jour, avec des flèches ou des balles de fusils, toujours avec un effet de surprise grossier et prévisible. Malheureusement, À l’aube de l’Amérique tourne rapidement en rond, et tombe dans un faux rythme d’un ennui profond.

Quelques grands moments de bravoure

En outre, la photographie orchestrée par le Français Jacques Jouffret est assez terne et peine à mettre en valeur les décors de la série. Il s’agit probablement d’une note d’intention volontaire, qui s’inscrit dans l’envie de présenter un univers inhospitalier et moralement gris, mais elle participe surtout au manque de vitalité de l’ensemble.

En se concentrant sur comment rendre ses moments de violence les plus réalistes possibles, la série manque d’élever ses personnages, malgré une base intrigante. Et si cela fonctionne parfois brillamment (la première attaque de la série est une vraie réussite), cette stratégie oblige aussi à laisser tomber l’émotion dans des moments qui l’auraient mérité. Cette redondance empêche de vraiment s’investir dans l’histoire et les personnages, ce qui rend le visionnage plus fatiguant que prenant aux tripes (ce qui semblait être l’objectif).

On aurait aimé voir un peu plus Dane DeHaan

À la conquête de… beaucoup trop

À l’aube de l’Amérique aurait probablement gagné à être beaucoup plus resserrée dans sa structure. La série s’appuie sur un casting excellent, avec plusieurs visages connus qui ont l’occasion de briller. Cet ensemble choral offre une ribambelle de personnages au scénariste, mais leurs rapports paraissent tellement décousus qu’on peine à toujours saisir leur importance au fil du récit, la conclusion de leur arc narratif étant souvent bien plus importante que la manière dont ils y sont parvenus (le personnage de Dane DeHaan par exemple).

On saluera le puissant duo mené par Betty Gilpin (toujours formidable de dignité) et Taylor Kitsch (toujours sympathique à revoir), mais on regrettera que leur road trip devienne rapidement lassant par des péripéties suivant peu ou prou le même déroulement. Par ailleurs, les deux personnages sont indéniablement le cœur émotionnel de la série, mais là encore, À l’aube de l’Amérique piétine pour rendre leur voyage engageant, malgré un vrai mieux dans les derniers épisodes.

Betty Gilpin et Taylor Kitsch, vraies stars de la série

Au contraire, certains personnages secondaires sont les vraies perles cachées de la série, mais celle-ci ne semble pas vraiment s’y intéresser, ou ne sait pas quoi en faire. On citera le génial Shea Whigham, dans un rôle qui gagne progressivement en épaisseur, ou encore le capitaine d’armée incarné par Lucas Neff, étonnamment tragique. Du reste, malgré des acteurs investis et talentueux, À l’aube de l’Amérique laisse la désagréable impression d’un bazar désorganisé aux allures de bonne sieste.

Il y a sans doute quelque part dans la série un sympathique western de 2h, avec moins de personnages et des accès de violence plus rares et impactants. Un constat frustrant, car l’idée de Netflix de présenter sous ce jour les dérives de ces États-Unis naissants, entre guerres culturelles et massacres des populations autochtones, avait vraiment du bon, surtout au vu du contexte actuel américain. On sort plutôt de ces six épisodes avec l’idée qu’on a perdu du temps pour une récompense qui n’est même pas vraiment satisfaisante.

À l’aube de l’Amérique est disponible en intégralité sur Netflix depuis le 9 janvier 2025.

Rédacteurs :
Résumé

Malgré la qualité de son casting et la pertinence de son hyperviolence, À l’aube de l’Amérique s’emmêle les pinceaux dans ses multiples arcs narratifs et s’enferme trop rapidement dans un rythme soporifique.

Tout savoir sur À l'aube de l'Amérique - Saison 1
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Vincent Terranova

Je recommande également « Into the West », immense et somptueuse mini-série qui retrace 50 années de l’histoire de la conquête de l’ouest à travers le regard des différents membres d’une même famille.
Un chef d’œuvre absolu, riche en émotions, produit par Steven Spielberg.

zarbiland

Ce qui devient inquiétant, c’est que j’avais l’habitude de venir et être abonné sur ce site pour avoir de bonnes recommandations. Cette critique comme d’autres négatives comme positives depuis quelques temps ici, vont totalement à l’encontre de ma première intention.
Je regarde systématiquement désormais les notes de Sens Critique ou Allo ciné pour savoir s’il est bon de regarder un film ou une série et j’évite soigneusement de regarder celles d’écran Large pour ne pas être découragé.
Il suffit de regarder les notes moyennes de Sens critique ou Allo ciné sur cette série pour constater que le critique ici a un avis très personnel et pas forcément en ligne avec les goùts des lecteurs d’écran large. Ce qui me semble hautement problématique

Ghob_

Jai Courtney ? Ah ben fallait commencer la critique par ça lol rarement vu un bon truc avec lui au cast (ou alors il fait gagner des points de nanardise à des projets n’en demandant pas tant).

Par contre les gens faut arrêter de « critiquer les critiques » : oui, depuis des années les rédacteurs/rédactrices du site ne cessent de répéter que leurs avis sont subjectifs et qu’ils ne font que donner LEUR avis, ne concernant qu’eux et leurs propres goûts. Tout le monde a le droit d’avoir le sien et de ne pas être d’accord et c’est justement pour ça que les membres de l’équipe répètent à loisir que les commentaires sont faits pour ça : confronter les points de vue, échanger, créer des débats, etc.
Personne n’est censé détenir la vérité absolue et c’est très bien comme ça, chacun peut ainsi poser sa pierre à l’édifice… tant que ça reste avec le respect d’autrui, bien entendu.

Franken

En voyant le nom de Peter Berg associé au programme, c’était normal de s’attendre à un machin moyen, avec de l’esbrouffe et très peu d’impact.
Mais eh oh !, on est des petites choses pleines d’espoir. On se dit follement que l’émotion emportera toutes les réserves, que le récit, les personnages, les motivations, les enjeux dissiperont toutes ces vilaines pensées.
Et puis paf (!), on subit la première demi-heure et on s’avachit un peu, on sait déjà que tout sera bêtement laid et filmé comme une brêle. Mais on s’accroche ! C’est qu’y a des promesses, des personnages, de la poussière et des Indiens.
Mais las, l’ampleur du je-m’en-foutisme parviendrait presque à surprendre.

C’est moche, stupidement illustratif, ça piétine toute forme d’émotion et ça misérabilise toutes les scènes d’action.
Tout est finalement à l’image du caméo de Peter Berg, dès le premier épisode. Il a sa bonne tête, il vient s’amuser à jouer la grande gueule. Mais dix minutes plus tard (et une scène d’attaque ridicule, la critique est aimable), personne n’aura fait gaffe ou s’intéressera à ce que devient son (non-)personnage.

Et six épisodes plus tard et des tas de scènes inutiles et/ou prévisibles, la plupart des personnages mourront (sans avoir connu un semblant de développement) dans une indifférence polie.
Et la famille recomposée, the end, s’éloigne avec le sourire dans la grisaille d’un soleil couchant…
Bravo Netflix, encore quelques heures de rien !

Mais bah, après l’affreux Carry-On, le bon public Netflix va se régaler !

(J’ai même pas précisé à quel point Jai Courtney est mauvais. Peut-être qu’il est juste parfait, en fait !)

kelso

A mon avis vous étiez fatigué en regardant cette mini-série et en faisant cette critique car vous êtes complétement passé a côté alors qu’elle est très bonne. Je suis d’accord sur la photographie qui peu déplaire à certains avec ces tons fades et gris mais ça rajoute au côté réaliste, mais sinon c’est vraiment très bon, vous vous plaignez du nombre de personnages, mais il n’y en a pas tant que ça, c’est surtout l’histoire de la femme et son enfant accompagnés de leur guide (très bon Taylor Kitch) et de la jeune indienne, et on voit ce que deviennent les autres personnages qu’ils ont croisés sur leur route au fur et à mesure des épisodes, tout ça bien orchestré. Un bon 8/10 pour cette mini-série. Et rien à voir avec Yellowstone que vous citez plusieurs fois, qui est un western contemporain ici on est au début de la conquéte des USA encore en territoire sauvage. Je termine en rappelant qu’il y a aussi l’excellente mini-série western sur Netflix, Godless (10/10 pour celle là gros coup de coeur) dont on ne parle pas assez.

zarbiland

Heureusement que je n’ai pas lu cette critique avant de regarder les 3 premiers épisodes. C’est intense, brutal, solide et totalement prenant.

Seb1109

Cette critique est sûrement l’une des moins crédibles que j’ai pu lire sur ce site (que j’apprécie beaucoup). On peut ne pas aimer une série, l’ambiance générale, la palette de couleurs ou le jeu des acteurs. Mais il faut être objectif, parfois.
Ce qui m’énerve le plus, c’est que les critiques des westerns sont toujours ULTRA SÉVÈRES. Je trouve qu’on leur reproche toujours ce qu’on ne reprocherait pas un autre genre. Trop de personnage, trop de violence, couleur sombre. Il s’agirait d’un Game Of Thrones, on louerait la galerie de personnages. Il s’agirait d’une série autour de mafieux la violence serait un atout. Il s’agirait d’un House of Dragons ou d’un True Detective, on dirait que les couleurs sont léchées.
Bref, en d’autres termes, il faudrait que le western se contentent de rester un film avec deux personnages qui s’affrontent et des indiens méchants dans un magnifique paysage de plaines ensoleillées.
Cette série m’a tenu éveillée toute la nuit de sa sortie, j’ai aimé qu’on parle d’une Tribu comme les Shoshones (c’est toujours les Sioux, les Cheyennes, les comanches et les apache d’habitude). J’ai aimé la violence, j’ai aimé les couleurs sombres, j’ai aimé la multitude de personnages. Tous n’ont pas la même profondeur, c’est vrai. Bref, j’ai aimé.

yangtresso

Le problème des gens qui écrivent des articles critiques c’est toujours la même choses ,il prennent rarement en compte le fait que ca reste leur seul avis personnel
Quandi je vois des avis ultra positifs sur des film juste parce que ca sort de l’original, tout ne doit pas toujours être scruter pour être excellent pour certains
Pour ma part j’ai trouvé cela vraiment très fort jusqu’à la scène final qui est très émouvante, justement j’aurai aimé en voir encore et encore
J’ai adoré
Les goûts et les couleurs personnellement Don’t Look Up je me suis endormi mais je ne peux le critiquer car je n’ai juste pas d’avis mais je ne dirais jamais (il n’aurai jamais du le faire car le cinéma reste aussi une expérience personnel)

Anita

Ma première impression de déception s’est dissipée au fil des épisodes. Malgré une violence omniprésente les personnages sont très attachants, les « gentils » comme les « méchants « . Les décors et la couleur proche du noir et blanc rend très crédible cette histoire où les deux camps ont des bons et des méchants. Pas de parti pris, ce qui laisse le téléspectateur faire son cœur. Je mets 8 sur 10