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Disclaimer : critique qui nous manipule sur Apple TV+

Par Alexandre Janowiak
11 octobre 2024
MAJ : 20 novembre 2024
3 commentaires

Après son énorme blockbuster spatial Gravity au cinéma (sept oscars dont meilleur réalisateur) puis son bijou Roma sur Netflix (Lion d’or de Venise en 2018 et trois oscars dont meilleur réalisateur), Alfonso Cuarón revient enfin avec DisclaimerAdaptation du roman éponyme de Renee Knight (Révélée en français), cette série Apple TV+ est le moyen parfait pour le Mexicain d’explorer les possibles de la narration, du regard et du point de vue, aux côtés de Cate Blanchett, Kevin Kline, Sacha Baron-Cohen, Louis Partridge, Kodi Smit-McPhee, Leila George ou encore Lesley Manville. Attention mini-spoilers.

Disclaimer : critique qui nous manipule sur AppleTV+ © Canva Apple TV+

Sympathy For Mister Vengeance

Catherine Ravenscroft (Cate Blanchett) est une célèbre journaliste d’investigation. Durant toute sa carrière, elle s’est attelée à enquêter sur les transgressions des autres et à les dénoncer, au point d’être récompensé par ses pairs pour nous avoir de « détourner notre regard des vérités cachées ». Sauf qu’un jour, Catherine reçoit le roman d’un auteur anonyme où elle tient le rôle principal et qui révèle l’un de ses plus sombres secrets. Quel est ce secret ? Comment pourrait-il bousculer sa vie ? Qui est l’auteur ? Veut-il se venger ? Si oui, de quoi, comment et pourquoi ?

Voici le point de départ de Disclaimer, adaptée du livre éponyme de Renee Knight. Pour les lecteurs assidus de l’œuvre de Renee Knight qui se demanderaient si la série vaut le coup, la réponse est oui. Dix fois oui. Non seulement, la série d’Alfonso Cuarón est une adaptation ultra-fidèle du roman (à quelques libertés près), mais plus encore, elle vient transcender la puissance de sa réflexion.

Kodi Smit-McPhee, Cate Blanchett et Sacha Baron Cohen dans Disclaimer
Une famille bien sous tout rapports

Car sur le papier, Disclaimer a des airs de simple thriller psychologique avec son lot de rebondissements tragiques, de trahisons, de mensonges et donc de secrets (évidemment). Et d’une certaine manière, c’est le cas. Au cours de ses sept épisodes, la série Apple TV+ superpose les intrigues, les personnages et leur destin pour mieux les élaborer, les relier et, in fine, les confronter dans un grand final majestueux. Il y a de la tension, de l’émotion… et à certains égards, il y a presque quelque chose de l’ordre du mélodrame dans Disclaimer.

Un mélodrame sur fond d’histoire de vengeance, de drame familial, de deuil, de chagrin, d’amour, de rédemption… L’histoire de Disclaimer n’a donc rien de très originale et pourtant, Alfonso Cuarón parvient justement à la rendre plus pertinente grâce à son talent de conteur et de metteur en scène. C’est à ce cela que l’on reconnait les grands auteurs : la manière dont il s’empare d’un genre éculé ou d’un récit classique pour mieux leur insuffler une profondeur inespérée.

Cate Blanchett dans Disclaimer
Le poids de la culpabilité ? La peur de la vérité ?

The Affair

« Méfiez-vous du récit et de la forme. Leur pouvoir peut nous rapprocher de la vérité, mais ils peuvent également être une arme dotée d’un grand pouvoir de manipulation. Ayez en conscience. » Dès ses premières minutes, Disclaimer ne cache pas ses intentions. Ici, il ne sera pas vraiment question de savoir qui veut se venger ni pourquoi, après tout les réponses seront données quasi-instantanément. En effet, les rôles sont exposés limpidement et on comprend très vite que Disclaimer jonglera entre trois points de vue.

Deux se déroulent dans le présent avec celui de Catherine et celui de Stephen Brigstocke, l’auteur du roman anonyme incarné par le vicieux Kevin Kline. Le troisième, celui du livre, se passe vingt ans plus tôt. On y suit Jonathan (excellent Louis Partridge), un jeune adulte en vacances en Italie, qui va croiser le chemin d’une jeune Catherine séduisante (hypnotique Leila George) et de son fils Nicolas. Et ainsi, l’histoire de vengeance se met en place, la narration nous immisçant dans une longue déambulation entre les trois perspectives.

Louis Partridge et Leila George dans Disclaimer
Une soirée qui va tout changer

Au fil des épisodes, le constat semble clair : le portrait de la Catherine du passé est bien moins reluisant que celui de la Catherine du présent. Sauf qu’Alfonso Cuarón a plus d’un tour dans sa manche et au gré de ses personnages, de sa narration, de ses démonstrations… Disclaimer nous balade jusqu’à complètement renverser la table. Là se trouve toute la puissance de la série, cette capacité qu’a le Mexicain à nous confronter à nos propres préjugés.

« La fiction est la meilleure manière de s’éclaircir les idées », affirme le personnage de Stephen Brigstocke dans le livre de Renee Knight. Et si finalement, la fiction était au contraire une manière de se raconter sa propre vérité ? De donner vie à ce qui n’a jamais existé ? Plus qu’à nous mettre face à nos convictions profondes, Disclaimer est une remise en question fondamentale de la façon dont nos à priori nous gangrènent, voire nous rendent complices des maux du monde et en particulier ceux subis par les femmes (Disclaimer se demandant clairement si, au sein de la société, un récit a autant de poids selon s’il est conté par un homme ou une femme).

Cate Blanchett dans Disclaimer
Un monde qui s’écroule

devoir de regard

Bien sûr, certains éléments sont assez attendus et on ne peut nier que Disclaimer appuie parfois un peu trop son propos. Toutefois, la série donne suffisamment d’espace à son récit pour nous prendre à revers au moment opportun. Il faut dire qu’avec une histoire reposant autant sur la question du regard, le talent de réalisateur d’Alfonso Cuarón est une aubaine. Avec l’aide de ses deux chefs opérateurs, le précieux Bruno Delbonnel et l’incroyable Emmanuel Lubezki (enfin de retour au plus haut), la caméra de Cuarón ne rate rien.

Qu’elle capture une simple soirée entre amis, une longue nuit d’été torride, un quotidien pluvieux banal ou un triste cauchemar ensoleillé, en plan fixe ou plan-séquence, elle n’oublie jamais de saisir chaque particularité. Un geste, un sourire, un souffle, un murmure, un cri, un regard. Grâce à sa mise en scène hors pair et ses prérogatives clairement énoncées, Disclaimer nous trompe et nous prévient au même instant, à la fois au présent et au passé, au féminin et au masculin. Tout est sous nos yeux, mais regardons-nous vraiment ce qu’on nous montre ou plutôt ce que l’on veut voir ?

Kevin Kline dans Disclaimer
Une série à la beauté époustouflante

Après Gravity et Roma, nul doute qu’Alfonso Cuarón livre une nouvelle œuvre d’une puissance dévastatrice. Certains trouveront probablement la démarche trop mécanique et il est vrai que Disclaimer manque parfois d’émotions à cause de ses ambitieux desseins philosophiques, politiques et cinématographiques. Difficile pour autant de ne pas succomber face aux nombreux vertiges narratifs et visuels provoqués par la série notamment lors du dernier épisode et d’un long monologue de Cate Blanchett (incroyable de bout en bout).

À l’heure où les créations originales des plateformes de streaming (dont celles des grands studios) sont de plus en plus décrits comme de simples « contenus », Disclaimer est une œuvre troublante, palpitante, provocatrice, imprévisible et d’une densité salvatrice. Une rareté que l’on rêverait regarder, explorer et analyser bien plus souvent.

Disclaimer est diffusé à partir du 11 octobre 2024 sur Apple TV+ en France

Affiche française de Disclaimer
Rédacteurs :
Résumé

Alfonso Cuarón nous enfonce dans un labyrinthe tortueux et torturé avec Disclaimer, récit vertigineux sur la fiction et notre position de spectateurs.

Tout savoir sur Disclaimer - Saison 1
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Brad Majors

Énormément aimé pour ma part. Les dialogues, la mise en scène, le jeu des acteurs. Tout était au poil!

ozymandias

J’ai trouvé que ça manquait un peu d’émotions effectivement, mais j’ai bien apprécié la proposition. Très jolie mise en scène je suis bien d’accord. Je lui aurais juste enlevé peut-être deux épisodes, c’est un peu trop long pour ce que ça raconte je trouve.

Vincent Terranova

Une mini-série à priori en prise avec son époque, minée par les fake-news, les mensonges et manipulations sous couvert de pseudo liberté d’expression.
Hâte de la découvrir.