Blé : l’improbable président
Dans cette saison 2 d’En Place, Stéphane Blé est président. Ça y est, après une longue campagne pleine de rebondissements, l’éducateur des quartiers populaires a réussi son pari et doit donc désormais diriger la France (rien que ça). Sauf qu’évidemment, ce ne sera pas de tout repos pour lui, entre la perte de popularité quasi-immédiate, les tensions sociales et surtout à quelques mois d’une échéance tout aussi cruciale que l’élection présidentielle : les législatives.
Avec ce nouveau scrutin en ligne de mire et la récente actualité politique française, cette saison 2 d’En place a eu le nez creux. C’est sans doute ce qui empêche la série de totalement se liquéfier au fil des épisodes. Car d’une certaine manière, avec une nouvelle élection à préparer, un paysage politique ultra-divisé et donc des alliances de fortune, cette deuxième salve d’épisodes a largement anticipé le marasme de la dissolution macroniste de juin 2024.

On s’est donc surpris à trouver quelques situations amusantes ou plutôt inspirées, notamment lors de la montée crescendo des épisodes 5 et 6 où la France plonge dans le chaos. La série décide en effet de mettre les bouchées doubles et de se la jouer House of Cards avec des traitrises politiques, des coups bas médiatiques et surtout un jeu (un peu) stimulant avec les institutions (et la Constitution) pour tenter de renverser la table.
Le retour de Benoit Poelvoorde dans l’équation à partir de l’épisode 4 est d’ailleurs très clairement à l’origine de ce regain d’énergie. Même si son Eric Andrei est aussi mal caractérisé que les autres personnages (on y reviendra), l’acteur belge lui insuffle le visage d’un politique véreux comme ceux devenus légions dans notre réalité. Ces interventions sont toujours un niveau au dessus du reste de la série et, finalement, on se rêve à voir En place se transformer en véritable tragédie politique plutôt qu’à se contenter d’être une comédie bas-de-gamme.

PAS RIRE OU PAS RIRE ?
Hormis ces magouilles bienvenues et les quelques ridiculisations du candidat d’extrême-droite (ce défi en fin d’épisode 5) incarné parfaitement par Pierre-Emmanuel Barré, En place reste malgré tout une horrormédie, soit une comédie si peu drôle qu’elle en devient horrifiante. Si la série semblait avoir pour ambition, à son origine, de dénoncer la politique française, l’intention a été rangée jetée au placard. Loin d’être une satire un tant soi peu pertinente (aux quelques exceptions près citées au-dessus), la série Netflix privilégie le vaudeville.
Après la FIV du futur couple présidentiel dans la saison 1, c’est désormais l’infidélité de la « femme » du président Blé avec son garde du corps qui est au cœur du récit. De quoi déclencher des scènes d’une banalité affligeante et des remarques bien malaisantes (« Non mais t’inquiète, il est gay »). C’est dommage, car si le sujet avait été pris à bras le corps, il y avait peut-être de quoi creuser la véritable relation du couple. Problème, ladite facétie suffit largement aux scénaristes (Zadi et Uzan donc) qui ne s’en servent que pour faire avancer l’histoire facilement.

Derrière, la série meuble péniblement avec des sous-intrigues lourdingues, qu’il s’agisse du kidnapping imprévu de l’ambassadeur de Norvège ou du running-gag interminable sur la nullité du service de sécurité de l’Elysée (et pourtant, on adore Vimala Pons). À l’instar de la première saison, le pire tient toutefois dans la parodie lamentable du personnage de Sandrine Rousseau incarné par Marina Fois, réduite à une femme nerveuse pour un rien et gardant, entre autres, précieusement une cup menstruelle dans son sac à main (car oui, elle a encore ses règles malgré son âge, lol c’est hilarant).
Le plus triste est peut-être la manière dont En place méprise avec un aplomb légendaire ses engagements militants plus que louables (la protection des animaux, les droits humains, l’écologie…) et se battant pour les populations les plus précaires. Un comble pour une série qui souhaitait dénoncer l’inaction politique et mettre en avant les inégalités sociales à travers le personnage de Stéphane Blé, homme du bas désormais tout en haut de l’Etat. Bref, la série n’a rien à dire et quand elle essaie, elle le fait mal.
La saison 2 d’En place est disponible en intégralité sur Netflix depuis le 29 août 2024

L’évolution dans la continuité : Stéphane Blé étant maintenant, comme promis, « dans la place ».
Trop vite, trop tôt, une condition commerciale censée éviter l’ennui, la stagnation. Alors que construire progressivement la carrière politique « alternative » de Stéphane, ça pouvait être tout aussi intéressant, amener des touches de complexité au milieu de tous ces gags « cringes ».
Série prête à exploser en plein vol ? Cet écueil est justement évité en usant de cette précipitation, donc en étant tout de suite plus offensif.
Pas le temps de se reposer sur ses lauriers, pas trop de compromissions quand il faudra représenter le pays (toujours l’allergie aux costards… un peu du populisme accidentel en fait), mais quelques-unes au moment de se mettre au travail.
Au milieu de tout ça, il y aura surtout les menaces continues, pas toujours drôles (il est question d’assassinat tout de même)… Ce n’est pas comme si ça n’existait pas dans la réalité, mais là tout de même ça ne sonne pas pareil.
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Et beaucoup de divisions, le peuple n’étant pas content du tout, c’est un fait. Ce vote reste par défaut, on le comprend très bien. Et c’est vers un équivalent de guerre civile qu’on se dirige, pas juste à cause des enflures qui (en petit comité) ont orienté les sensibilités vers le pire de l’humanité. Non c’est aussi Stéphane et son équipe qui n’arrive pas à arrondir les angles (la France m’lah), et se plantent plusieurs fois, certaines avec grotesquerie : la sous intrigue de l’énorme pataquès avec l’ambassade de Norvège, qui sert surtout à justifier le retour de Judor/William (qui aura une évolution concrète, mais effective surtout à la fin)…
Le traître xénophobe Et noir, qui a beau être insolite, on n’y traitera pas de ce que peut signifier sa « folie »…
Le passage aux Antilles lui traite un poil trop vite de la situation tendue sur place, sacrifiée par une histoire extra-conjugale (périlleuse, mais sans jugement sur la femme) et le show Raphaël Quenard.
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En bref on prend les mêmes relous et on recommence, avec des invités supplémentaires (Alain Chabat, qui a à nouveau faim de personnages perfides)…
Toujours avec des gags féroces, dingues, et un peu d’émotions en rab.
Mais on fait tout ça avec plus de noirceur, plus de pessimisme, comme s’il fallait en passer par cette explosion (on pense certaines manifs récentes qui ont dégénéré) pour qu’un vrai changement arrive.
Qui ne pourra pas non plus faire plaisir à tout le monde.
Comme quoi, citer La Liberté guidant le peuple de Delacroix dans la première saison, ça n’était pas gratuit.
Très déçu de cette nouvelle saison. La première m’avait agréablement surpris en mélangeant la comédie avec une toile de fond sociale très juste. Ici l’essai n’est pas transformé, et tout le message social sous-jacent est noyé sous un humour très lourd (Eric Judor en roue libre). Le dernier épisode semble en effet renouer avec la proposition de départ, mais un peu trop tardivement.
Rire de l’extrême-droite : bien.
Rire de l’écologie : pas bien.
Merci netflix d être obligé par la loi d investir dans des prod nationales.
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Jean-Pascal Z.
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En attendant moi je vais rematter Baron noir