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Un Couple Parfait : critique d’un mariage et d’un enterrement sur Netflix

Par Judith Beauvallet
7 septembre 2024
3 commentaires

Avec Un Couple Parfait, Netflix nous propose un whodunnit d’été indien pour prolonger les Maxime Chattam lus sur la plage (ou dans son salon fondu par la canicule). Avec un casting rutilant (Nicole Kidman, Liev Schreiber, Dakota Fanning, Isabelle Adjani…), la série en six épisodes créée par Jenna Lamia et réalisée par Susanne Bier, à qui Netflix doit déjà Bird Box, est une énième Hercule-poiroterie qui s’amuse à tacler les riches tout en se complaisant dans leur univers parallèle. Un sous-A Couteaux Tirés qui ne fait pas d’étincelles mais qui ne fait pas de mal non plus.

Nicole KIdman dans Un Couple Parfait. Derrière, une plage et le reste du casting. © Canva Netflix

A couteaux triés sur le volet

Si la bande-annonce d’Un Couple Parfait donnait l’impression d’une formule déjà connue d’enquête policière menée au sein d’un milieu paradisiaque, c’est parce que c’est exactement ce dont il s’agit. La saga A Couteaux Tirés de Rian Johnson et le revival d’Hercule Poirot devant la caméra de Kenneth Branagh l’ont prouvé ces dernières années : la mode du moment est aux bons vieux whodunits comme savaient les signer Arthur Conan Doyle et Agatha Christie, en associant arme du crime et tasse de thé (ou verre de Whisky, parce qu’ici, c’est les Etats-Unis).

Mais préoccupations économiques mondiales du moment obligent, le cadre bourgeois habituel de ce type d’histoires glisse progressivement du côté des ultra-riches. Dans Un Couple Parfait, tous les usuals suspects sont présents : le patriarche et la matrone blindés qui mènent leur petit monde à la baguette, les grands enfants tous plus louches et pourris gâtés les uns que les autres, deux-trois séductrices et coureurs de jupons pour compliquer un peu tout ça, et la domestique à l’accent caricatural qui lâche des infos sans même s’en rendre compte.

La famille « traditionnelle » occidentale générée par IA be like

Sans oublier l’innocente “pauvre” lâchée au milieu, qui sert de boussole morale et incarne le regard du public sur le monde mystérieux des riches. Avec ces pièces de puzzle savamment disposées dans le cadre idyllique d’une villa au bord de la mer prête à accueillir un beau mariage, pas de surprises. Un Couple Parfait va là où on l’imagine, brossant des portraits de personnages clichés aux vices connus d’avance (et jamais vraiment choquants) et prenant son pied à critiquer le monde des riches tout autant qu’il se complaît dans sa représentation proprette.

Les sourires figés et les vies parfaites ne seraient en réalité qu’une façade pour cacher tromperies et aigreur ? Pas franchement révolutionnaire, comme idée, mais force est de constater qu’on peut encore s’amuser avec.

Ils sont beaux, ils sont jeunes, ils sont riches… on connaît la chanson

Are you Kidman me ?

S’il fallait identifier les éléments par lesquels Un Couple Parfait se distingue un peu, il faudrait citer la construction et le rythme. Globalement, chaque épisode sert à étudier l’hypothèse d’un suspect, et tout est raconté via deux timelines entremêlées, celle des faits et celle des interrogatoires de police, les deux temporalités se rapprochant petit à petit jusqu’au dénouement. Une construction habituelle mais bien gérée, avec un rythme qui ne permet pas de s’ennuyer malgré l’aspect attendu de la plupart des développements.

Citons aussi le deuxième épisode, au cours duquel on pense presque basculer dans un film comme Wedding Nightmare. A force d’être confrontée à sa belle-famille, le jeune Amelia comprend petit à petit à quel type de panier de crabes elle va s’enchaîner, et réalise surtout que son fiancé n’est peut-être pas si différent que ça de ses parents. Même si cette tension est sous-exploitée par la suite, le petit flirt avec l’esquisse d’une atmosphère horrifique n’est pas désagréable.

Wedding Nightmare 2

De son côté, le casting n’est pas bourré d’acteurs reconnus pour rien, et la solidité des interprétations permet de tirer Un Couple Parfait vers le haut. Kidman fait du Kidman en statue de cire glaciale silencieusement torturée (on commence à connaître le numéro, mais il est toujours bien exécuté), Liev Schreiber assure, comme à son habitude, dans le rôle d’un homme à l’extérieur affable mais à l’intérieur pourri, et Dakota Fanning n’a jamais autant donné l’impression de s’éclater que dans ce rôle de peste qui lui permet de sortir un éventail qu’on ne lui voit pas si souvent.

Idem pour Isabelle Adjani (dont le personnage s’appelle… Isabel), qui cabotine joyeusement en Française mystérieuse de service, tour à tour vipère et adjuvante. Bonus supplémentaire : les personnages piquants des enquêteurs, qui servent de caution comique rafraîchissante, notamment Donna Lynne Champlin. En somme, le côté adaptation télévisuelle de roman de gare de luxe (il faut dire qu’il s’agit réellement d’une adaptation d’un roman de Elin Hilderbrand) fonctionne beaucoup grâce à son casting, qui nous fait avaler sans mal les ficelles trop visibles du scénario.

Le couple pas si parfait du tout

Rester sur sa fin

Mais la véritable raison pour laquelle Un Couple Parfait, malgré le divertissement poli qu’il procure, ne parvient pas à casser un peu plus la baraque, c’est parce que la mini-série renonce à un véritable climax et à une véritable évolution de sa prémisse. La personne coupable l’est davantage par dépit (genre “bon bah il reste plus que ce choix donc ça doit être ça”) que par nécessité du scénario.

La révélation de son identité et de son motif est d’une mollesse confondante, sans que la mise en scène ou le rythme ne bousculent un instant leur train-train pour lui donner un peu d’emphase. Il ressort de tout ça une sorte d’anti-conclusion, qui refuse de raconter ce qui aura changé pour les personnages à la suite de cette histoire.

C’est la méritocratie, ma chérie

Un dernier segment survenant après une longue ellipse bien pratique réduit les enjeux humains à seulement ceux de deux personnages, et raconte aux spectateurs que, finalement, les riches que la série a passé six épisodes à critiquer, ce sont des gens avec un cœur, et que le statu quo de leur supériorité n’a finalement pas besoin d’être questionné.

Pas de changement d’état, pas de changement de paradigme, juste l’impression que cette histoire de meurtre et tout ce qui a suivi dans son sillage sont passés dans la vie des personnages sans plus d’impact qu’un week-end trop arrosé. Un final bien lâche en comparaison de celui des meilleurs whodunits qui semblent pourtant inspirer Un Couple Parfait, mini-série agréable pour passer le temps mais qui ne comblera aucun réel appétit.

La série Un Couple Parfait est disponible sur Netflix depuis le 5 septembre 2024.

Rédacteurs :
Résumé

Un Couple Parfait se vend à raison comme du Agatha Christie de supermarché, puisque la mini-série a tout d’une redite plus facile et plus épaisse du plus classique des whodunits. Mais grâce à un bon rythme et à un casting luxueux, elle reste un divertissement qui se regarde sans déplaisir.

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miss-m

Soporifique, inintéressant, prévisible à mort et articulé comme une série AB Production… comme presque tout ce qui sort du ventre Netflix (A couteaux tirés aussi ne vous en déplaise… quelle farce pas marrante et ennuyeuse !). J’ai regardé jusqu’au bout histoire de laisser sa chance au machin au lieu de critiquer au bout de 20mn. Zéro pointé, même par un dimance aprem pluvieux. Et oui, ça devient ridicule Nicole Kidman tirée (au couteau ?) jusqu’au ciel qui ne fait en rien l’âge qu’elle est censée avoir. Mention spéciale pour Isabelle Adjani qui joue comme une figurante ramassée en fin de soirée arrosée au barbecue du coin.

wooster

Quand on est amateur du genre (et je le suis), ça se laisse voir, mais il y a quelques problèmes qui gâchent le plaisir. En premier lieu les acteurs : je ne sais pas si le problème vient de la direction d’acteur, ou du casting, mais ca ne fonctionne pas vraiment. Nicole Kidman a franchement abusé sur le botox, de même que Isabelle Adjani, dont on se demande bien ce qu’elle fait là (surtout qu’elle est très mauvaise dans cette serie). Liev Schrieber ne sait pas trop quoi faire de son personnage. La future mariée n’est pas très bien castée, avec un visage inexpressible au possible, alors qu’on s’attend à ce qu’elle traverse des moments de peur, de colère, de passion, de révolte…
Pas désagréable, mais vite oublié.

SaulGood

Je comprend pourquoi elle veut (re)faire un film d’horreur, elle fait de plus en plus peur la pauvre Nicole ^^