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Zorro : critique du nouveau OSS 117 avec Jean Dujardin  

Par Antoine Desrues
23 décembre 2024

Depuis La Légende de Zorro avec Antonio Banderas (en 2005 !), le justicier masqué attendait le retour d’un projet d’envergure sur grand ou petit écran. Surprise, c’est la France qui s’est jetée à l’eau, pour une série Zorro avec Jean Dujardin dans la peau de Don Diego de la Vega, désormais diffusée sur France 2 après une sortie initiale sur Paramount+. Comme on pouvait s’en douter, la présence de l’acteur fait de cette relecture une comédie tendance OSS 117, parodiant les codes de la série de Disney de 1957. Pourquoi pas, mais encore aurait-il fallu que les showrunners Benjamin Charbit (Gagarine, La Bête) et Noé Debré (Problemos, Dheepan) gardent cette ligne directrice, plutôt que de partir dans tous les sens.  

zorro critique du nouveau oss 117 avec jean dujardin © Canva Paramount+

Zorro pointé ?

Si le succès du Comte de Monte Cristo a bien prouvé quelque chose, c’est qu’on peut réinvestir des classiques du patrimoine culturel pour mettre en avant leur importance dans la pop-culture actuelle. Pierre Niney a été le premier à comparer Edmond Dantès à Batman, et ce parallèle est on ne peut plus évident avec Zorro. Entre la Haute-Californie et Gotham City, il n’y a qu’un pas, d’ailleurs franchi par les comics du Chevalier noir, dont les parents sont traditionnellement assassinés en sortant d’un cinéma diffusant… Le Signe de Zorro.  

Le justicier masqué est un proto super-héros, et son retour sur nos écrans est a priori une belle manière de revenir à la source du mythe et de son impact. Honnêtement, on se doutait bien que cette nouvelle série n’allait pas jouer la carte de la relecture premier degré, malgré la réussite du Masque de Zorro en la matière. La seule présence de Jean Dujardin derrière le costume mettait la puce à l’oreille : ce Zorro sauce 2024 est une tentative de pastiche façon OSS 117.  

Sur le papier, pourquoi pas, bien que cette énième déconstruction ricanante des icônes d’antan lasse un peu. Entre sa production design à la fois ambitieuse et kitsch (le tournage en Andalousie permet de réveiller l’héritage du western spaghetti avec une certaine ampleur) et le jeu volontairement outrancier de son comédien principal, cette relecture convoque l’esthétique de la série Disney de 1957, jusque dans le générique pseudo-épique.  

zorro jean dujardin
Meilleur cosplay de Guy Williams

Le problème, c’est que le pastiche est censé reprendre des codes, pour mieux révéler leur désuétude au contact d’un autre contexte. Si on rit devant OSS 117, c’est parce qu’on dirait vraiment une série B d’espionnage des années 50-60. Le ridicule du héros et de sa pensée franchouillarde arriérée clashe avec les années 2000 dans lesquelles les films sont produits.  

A contrario, Zorro ne sait jamais sur quel pied danser, et contrecarre son hommage amusé par des ruptures comiques plus franches, qui vrillent à la parodie. Ce déséquilibre est de toute façon explicité par la démarche bicéphale de Benjamin Charbit et Noé Debré. Don Diego de la Vega a raccroché les gants et le masque depuis 20 ans, et s’apprête à prendre les rênes de la ville de Los Angeles après le retrait de son père. Mais son nouveau rôle politique est vite confronté aux nobles de la ville et à leurs magouilles qui contournent les lois sans jamais vraiment les enfreindre. Tandis que Don Diego est impuissant, Zorro se montre de nouveau indispensable. 

« J’aime me battre »

L’aventure au petit trot

Si Jean Dujardin convainc et charme sans peine, c’est parce qu’il rejoue sa partition la plus fameuse : l’homme prétentieux, presque touchant lorsqu’il est confronté à ses inaptitudes. Plus que jamais, les showrunners créent un fossé entre les deux personnalités de leur protagoniste, jusqu’à sombrer dans une caricature illogique. De la Vega est incompétent, et finalement peu concerné par les besoins du peuple opprimé (pourquoi se costumerait-il la nuit alors ?), là où Zorro est son antithèse.  

Cette scission des alter-egos n’a en soi qu’une fonction : faire du récit un vaudeville rapidement ronflant entre Don Diego et sa femme Gabriella (Audrey Dana). Alors que la flamme du couple s’éteint, Zorro devient l’amant de la señora, pour un triangle amoureux à deux. L’exécution des situations comiques a beau être poussive, elle porte en elle le potentiel inassouvi de la série. A travers la comédie de mœurs, Zorro voudrait remettre en question la masculinité de son héros (ce que d’autres avaient fait avant elle), et les affres d’une double-identité désormais ancrée dans la pop-culture.  

Antonio Banderas peut dormir sur ses deux oreilles

L’ensemble reste bien trop à la surface de ces enjeux, au même titre que son regard politique, perclus ici et là de quelques saillies (im)pertinentes. On pense en particulier au personnage de Don Emmanuel (Eric Elmosnino, l’atout comique principal des épisodes), sorte de Bolloré du XIXe siècle qui déloge tout un quartier avant de crier à l’augmentation d’une criminalité fantasmée.  

C’est malheureusement face à ces rares réussites que l’échec de Zorro se fait sentir. Coincée entre ses hommages et ses élans parodiques envers tout un genre (pas toujours réussis d’ailleurs, comme en attestent des chorégraphies à l’épée d’une mollesse sans nom), cette saison passe à côté de son véritable sujet. Le justicier est fatigué et dépassé, et surtout contraint d’admettre que son retour s’accorde à la répétition constante du cycle de l’injustice. Los Angeles se fait toujours manipuler par les mêmes populistes et par une même royauté à l’agonie.  

Tout l’arc de ce Zorro en pleine crise existentielle aurait dû être celui timidement exploré dans son dernier épisode : le symbole et le masque doivent dépasser Don Diego de la Vega pour appartenir au peuple. Mais pour ça, il aurait sans doute fallu un peu moins de blagues, et un peu plus de sincérité.  

Les 4 premiers épisodes de Zorro sont diffusés le 23 décembre sur France 2 à partir de 21h10.

Rédacteurs :
Résumé

Ce Zorro se voudrait pastiche de la série de Disney. On est plutôt face à une piètre parodie, où Jean Dujardin refait OSS 117, et amoindrit les rares pistes de réflexion de ce foutoir déséquilibré.  

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Flo1

Présenté abusivement comme une version OSS 117 du cavalier noir, cette série ressemble plus à une autre tentative de détournement avec l’acteur : le « Lucky Luke » de James Huth. Ce film souffrait de partir dans trop de directions différentes (adaptation ? reproduction ? suite ? parodie ? œuvre méta ?)… et étouffait dans son format de long-métrage, standardisé comme toutes les adaptations de BD franco-belge (plein d’acteurs stars en cosplays).
Le format sériel permettra-t-il ici d’atteindre un meilleur équilibre ? Oui, mais de justesse.

Parmi les multiples idées qui, sous l’égide de Benjamin Charbit, ne s’agglomèrent pas ensemble, il y a l’apport du scénariste Noé Debré (de la série « Parlement »)… Notamment tout ce qui concerne la question politico-sociale, fondamentalement inexistante dans les récits de Zorro, voire même dans n’importe quel récit héroïque américain : un Diego de la Vega devenu progressiste car ouvert sur le monde (et accessoirement lassé de la violence)… mais qui passe ainsi pour un faible, alors que sa contrepartie masquée est à nouveau sollicitée, garantissant que le statu quo ne change jamais (il faut casser des têtes, donner du spectacle plutôt que du concret, de l’utile). Avec un don Emmanuel lointainement Macron, et surtout opportuniste impénitent (visqueuxÉric Elmosnino)… et surtout un peuple à qui on ne tresse pas de louanges, car eux-mêmes très crétins, le versant social en prend en coup dès lors qu’il se refuse à glorifier le courage des plus faibles.

D’autant qu’en poussant l’analyse aussi loin, et en se reposant sur les habituelles saillies de Dujardin – décontractées, arrogantes mais en fait auto dépréciatrices… les auteurs finissent à plusieurs moments par émuler « Kaamelott », tout en ayant paradoxalement plus d’ampleur que la « comédie de bureau » de Alexandre Astier : il y a de superbes décors, naturels ou non… et s’ils abusent de nuits américaines, on a aussi de très belle scènes ensoleillées et des combats plus que corrects.
On a aussi du Cartoon – un Zorro multitâches, se changeant à toute vitesse, jouant… son propre cadavre ?! (c’est « Week-end chez Bernie » en version inversée)…
Du Batman bien sûr (amant restant masqué, et la maxime du héros devenant martyre, ou bien tyran, ou bien créant des émules)…
Du Spider-Man (le sauvetage d’un enfant dans les flammes pour retrouver son héroïsme)…
L’inclusion du fantôme de Don Alejandro (André Dussollier, toujours pinçant) est elle-même de trop, même si on peut la considérer moins comme un ajout surnaturel que comme une représentation de l’esprit troublé de Diego (sinon, comment il ignorerait l’identité cachée de son fils ?)… ce qui donnera d’ailleurs lieu à une ultime scène très touchante.

C’est là que la série finit par trouver une cohérence, un point central auquel vont pouvoir se rattacher d’autres idées : ce Diego d’âge mature est un être en pleine schizophrénie, dans une comédie-vaudeville allant de Lubitsch/Wilder (des sous-entendus sur l’adultère, le bondage, l’homosexualité) à la comédie de remariage façon La Totale/True Lies.
Le vertige psychologique devient de plus en plus tordu au fur et à mesure qu’on avance dans la série, renforcé par les interventions de Grégory Gadebois en Garcia détective-profileur avant l’heure…. même si la première moitié (réalisée par Jean-Baptiste Saurel) reste encore proche de la farce.
C’est quand on passe aux quatre derniers épisodes réalisés par Emilie Noblet, que ce qui nous apparaissait en filigrane prend toute son importance :
Car c’est aussi l’histoire d’une femme, Gabriella, dont la gravité continuelle révèle un mal être terrassant. Et qui doit progressivement se sentir revivre, alors qu’elle est le dindon de la farce plusieurs fois. Jusqu’à devenir un autre double pour son mari, tout aussi préoccupée par le sort du peuple.
Beau rôle pour Audrey Dana , qui explose sur la fin, et c’est pas trop tôt.

Alors entre jouer les zozos, et faire de la déconstruction audacieuse, cette série a choisi les deux…
À nous de faire le tri, il y a à boire et à manger pour tout le monde.

Cocolette

Je n’apprécie pas du tout ce Zorro avec Jean Dujardin.
Rien ne vaut la série avec Guy Williams de notre jeunesse

dutch

C’est tellement franchouillard comment on peux se croire dans l’univers de Zorro.

Sanchez

Perso j’ai vraiment bien aimé , on s’est tapé quelques barres moi et ma femme mais c’est vrai que ça s’engouffre trop dans le vaudeville au bout d’un moment. Mais jai adoré certaines prises de risques et la chanson déboite bordel

Marc en RAGE

Comment ils se sont dit que cette série va cartonner. Que c’est ringard ce n’est pas Dujardin le problème c’est juste l’idée de ZORRO en 2024 .

Lazarettoo

Il avait l’air plus drôle en Zorro dans Platane 😛

joe l'aveugle

Mes craintes se confirmes. Dujardin tourne tout à la bouffonnerie. Le cabotinage ne se prête pas a tous les support, a moins que l’on soit Bebel et c’est bien dommage que Dujardin s’ enferme dans le rôle du bouffon de service. Surtout qu’il sait jouer plus sérieusement.

at-tlantis

Le seul rôle où Dujardin n’avait pas le droit de se planter… et il y parvient encore. Un acteur qui n’est pas vraiment drôle, qui affiche toujours la même expression, et dont l’anglais laisse sérieusement à désirer, tout comme son jeu d’acteur d’ailleurs. On dirait qu’il n’évolue jamais, se contentant de recycler encore et encore son registre habituel. On peut supposer qu’il est sympathique et qu’il sait bien s’entourer, car c’est sans doute la seule raison pour laquelle il continue à décrocher des rôles.

dutch

Au final rien ne vaux la série avec Guy Williams ou le 1er film avec Banderas. Dujardin faire du Dujardin non merci.

Prisonnier

D’facon, si y a pas Tina Arena en vocalise, je regarde pas