Après deux épisodes généreux et enchanteurs, Les Anneaux de Pouvoir montre déjà un premier signe de faiblesse avec un épisode 3 assez laborieux.
Attendus de pied ferme, les deux premiers épisodes de Le Seigneur des anneaux : Les Anneaux de Pouvoir ont légèrement divisé la rédaction la semaine dernière, avec une critique des deux premiers épisodes de Les Anneaux de Pouvoir plutôt positive de l’auteur de ces lignes et une critique vidéo plutôt négative de son estimé collègue. Mais cet épisode 3 pourrait amener un début d’entente, puisqu’il peine à rallumer l’enthousiasme.
Bien sûr, la série n’est pas devenue mauvaise en un seul épisode, et certaines qualités sont toujours au rendez-vous, en particulier sa facture visuelle et technique toujours quasi-impeccable (à deux choses près, on y revient). Pour autant, force est de reconnaître que cette nouvelle heure d’aventure est plus laborieuse qu’elle ne le devrait.
Attention mini-spoilers !
BIENVENUE CHEZ LES Númenor-ET-RIEN
La faute principalement à son décor principal (logique) : Númenor. Teasé à la fin de l’épisode 2 par le sauvetage en haute mer de Galadriel et Halbrand, le royaume insulaire, point crucial de la mythologie de Tolkien et des évènements du Deuxième Âge, entre enfin en scène. Sur une sacrée fausse note malheureusement, puisque si les designs et les décors y sont toujours aussi somptueux, on ne peut pas en dire autant de l’écriture et des dialogues. On l’évoquait brièvement dans notre guide des personnages de la série, Númenor est l’espace narratif dans lequel Amazon a pris le plus de liberté avec la chronologie initiale, et cela se sent, que l’on soit profane ou expert de Tolkien.
Le contexte de sous-arc narratif y est en effet établi avec à la fois beaucoup de lourdeur et de confusion, la faute au trop grand nombre d’informations à délivrer – Galadriel et Halbrand nous gratifient d’ailleurs du pire dialogue à leur arrivée sur l’île, mais Míriel et Elendil ne sont pas épargnés – mais aussi au trop grand nombre de personnages à établir. Pharazôn, Míriel, Elendil, Isildur, Ëarien : pas moins de cinq personnages majeurs nous sont présentés, sept si on compte les évocations du roi Tar-Palantir et Anárion. Tous bien évidemment accompagnés de leurs sous-intrigues propres. Autant dire que c’est un sacré bordel, et malheureusement cela force les showrunners à prendre de nombreux raccourcis grossiers.
Pourtant on a du prendre le bateau, tu parles d’un raccourci
Et ils sont visibles même si l’on ne connaît rien à la Terre du Milieu (si c’est le cas, c’est pire, prenez un calmant avant). La preuve avec une gestion toute Game of Thrones-ienne de l’espace-temps, avec des personnages qui vont et viennent entre deux lieux séparés de « six heures de cheval ». Cela dit, quand ils ne téléportent pas, ils se déplacent à grand renfort de ralentis hippiques mi-Paco Rabanne mi-Royal Canin dégueulasses, donc peut-être y sommes-nous gagnants ?
L’explication de la fameuse marque de Sauron, inventée par la série, risque également de crisper de nombreuses mâchoires et de péter quelques crânes. Si les implications de son sens sont très excitantes, la solution de l’énigme elle-même laisse pantois et situe le niveau global d’intelligence entre la grande section de maternelle et le CP. On n’en dira rien, mais on navigue entre la dague de Star Wars : L’Ascension de Skywalker, la « couleur de la vie » du Tomb Raider de 2018 et le jeu éducatif au dos d’un paquet de Frosties.
Númenor vient également confirmer une deuxième crainte : la faible pertinence de certains personnages inventés. Nori, Arondir et Bronwyn ont su convaincre d’emblée au cours des deux premiers épisodes, mais Halbrand et Ëarien ont plus que jamais du pain sur la planche. Le premier s’annonce en effet comme un décalque fumeux-fumiste d’Aragorn version Grands-Pas, tandis que les lecteurs de Tolkien se demandent bien comment la seconde va réussir à a se faire une place sans phagocyter les deux formidables destins qui attendent Isildur et Anárion.
S’il convient de lui laisser sa chance, on espérait à son annonce qu’Ëarien soit une Anárion au féminin, mais en confirmant qu’il s’agit bien de deux personnages distincts et qu’Anárion fera partie intégrante de l’histoire, Amazon joue à un jeu dangereux en densifiant encore un matériau déjà trop riche pour tenir à l’écran.
Quand ton enfant fictif sert Ëarien
ARONDIR LES ANGLES
Un choix qui a malheureusement des répercussions partout ailleurs dans cet épisode 3, puisqu’Elrond et Durin sont en tout simplement absents, et que l’intrigue rame également du côté de Nori, Meteor Man et les Hobbits – bien que dans une moindre mesure. Si ces derniers sont toujours aussi astucieusement travaillés visuellement, l’inspiration à l’origine de leur culture n’est pas très… inspirée, justement. Pour rappel, si les Hobbits ne sont pas inventés par Amazon, ils ne sont pour autant pas censés exister dans l’univers de Tolkien au moment où la série se déroule. Amazon a fait le choix très judicieux de les traiter comme des êtres semi-primitifs, superstitieux et n’ayant pas encore rationalisé le monde.
Cela donne un traitement visuel extrêmement pertinent et plastiquement merveilleux, comme si Arcimboldo s’était mis à peindre des faunes (et les Tuatha’an hippies crasseux de La Roue du Temps devrait en prendre de la graine). Mais on le sait, Hollywood et naïveté ne font pas toujours bon ménage, et le rituel « païen » Hobbit auquel nous sommes conviés est aussi beau à voir qu’il est bête à entendre (et provoque des incohérences). Un peu comme un cerf : c’est beau, mais ça brame, et des répliques pleines de clichés fantasy-new-age pouet pouet.
Toujours aucune idée de qui cela peut-être
Autant dire que le charme initial tend à se dissiper et que le temps s’étire dans cet épisode décidément bien statique pour une série d’aventure, d’autant plus que tout cela aboutit à une progression de l’intrigue extrêmement minime, voire quasi nulle, du côté de Meteor Man. Au passage, n’attendez pas de cet épisode qu’il livre l’identité ou même le moindre indice de l’identité de Meteor Man, il n’y a rien à se mettre sous la dent de ce côté-ci. Ceux qui attendent Gandalf peuvent donc toujours attendre. Et c’est probablement la même chose pour ceux qui attendent Sauron… bien qu’Amazon ait tout de même pris la peine de lancer un bien bel os du côté du Mal.
Car, les Valar en sont remerciés, le dernier arc narratif abordé au sein de cet épisode mitigé lui permet de sauver la mise, et d’Arondir nos angles d’assez belle manière. Capturé à la fin de l’épisode 2, Arondir se retrouve en effet aux mains des Orcs de Sauron, qui le réduisent en esclavage et l’enferment dans ce qu’il convient logiquement d’appeler un camp de travail. Encore une sous-intrigue statique nous direz-vous, et vous auriez tort, puisque c’est l’occasion pour la série de se réveiller, et même faire de la mise en scène. Et de la bonne.
Une scène vraiment pas gourde (chut dans les commentaires)
Suspense, action, cruauté et morts violentes : Les Anneaux de Pouvoir se rappelle enfin qu’elle est aussi faite d’un matériau épique et tragique dans cette reprise à oreilles pointues de La Grande Évasion. Elle impressionne également avec ses Orcs, que l’on peut enfin voir de près. Et l’impression que nous avaient laissée les bandes-annonces à leur sujet n’était pas trompeuse : ils sont magnifiques, dangereux et absolument abjects. Arondir de son côté continue de faire rayonner son charisme mutique, et seul un Warg au rendu un brin inégal viendra assombrir cette trépidante partie de l’épisode 3, quasi-sans-faute.
On espère qu’Adar, le nouveau vilain introduit dans ses dernières demi-secondes sera à la hauteur de sa présentation, et que le prochain épisode sera moins mollasson et mieux écrit.
Un nouvel épisode de Le Seigneur des anneaux : Les Anneaux de Pouvoir est disponible tous les vendredis sur Amazon Prime Video depuis le 2 septembre 2022
Merci pour cette analyse très juste qui ne manque pas d’humour. Moi aussi j’aime bien Arondir les angles.. c’est fou que vous n’aimiez pas la séquence du galop à cheval en hyper slowmotion, je l’ai trouvée magnifique sauf le fait que Galadriel a le visage déformé, c’est sûr !
Il manque quand même quelque chose dans cette série : c’est le souffle épique des films de Peter Jackson qui nous faisait pénétrer cet univers de légende. On reste ici dans une démonstration d’images hyper léchées, esthétiques, certes sublimes, mais on ne va pas au delà et puis manque cruellement le support indispensable, véritable esprit de l’épopée, qui est la musique omniprésente d’Howard Shore, compositeur incomparable..
mais bon ça se laisse voir !!
Meteor Man Est Gandalf comment pouvez vous en douter ?
Vous pouvez faire un minimum de recherche avant de rédiger ?
D’accord avec votre critique, même plus mécontent, cet épisode est complètement raté à mes yeux, pire que les deux premiers. La mise en scène est mauvaise, les décors sont mauvais, on dirait du carton pâte, et même si des plans sont magnifiques, des effets spéciaux sont mal fais (9:40, le fond vert est mal découpé), l’intrigue est horriblement mauvaise, la Time Line et le Lore ne sont pas respectés, les acteurs sont au rabais.
Vraiment triste. J’ai mal à mon SDA.
Il valait bien plus.
Épisode le moins bon des trois, j’ai l’impression que pour l’instant la serie ne raconte pas grand chose, ils s’attardent sur des passages qui ne font pas avancer le récit.
Au passage, ça s’entend que c’est bear mcrairy à la BO, on peut entendre des notes typiques et magnifiques de la série outlander (où il excelle dans ses compositions). Notamment les passages avec les pieds velus.
Je ne partage pas le même avis que l’auteur de l’article, mais je félicite le travail de critique!
NB: L' »Arondin les angles » est incroyable xD
Le meilleur épisode des 3. Même le Ouarg est sympathique, ça change !
Autant je vous rejoins totalement sur le raté de la scène à cheval sur la plage et des effets spéciaux du warg, autant pour le reste j’ai trouvé au contraire que la série démarrait vraiment avec cet épisode, que le rythme y était meilleur. Par contre il est vrai qu’on est surpris de voir abandonnés certains personnages dans cet épisode.
Mais globalement, j’ai apprécié cet épisode tout autant voir même un peu plus, que les deux précédents. J’avais lu le titre de votre article vendredi, et je craignais donc de ce qu’allait être cet épisode. Quand je l’ai regardé samedi, je n’ai pas bien compris en quoi la série pouvait caler à vos yeux.
Je n’ai pas encore commencé a regarder la série mais j’adore l’article, truffé d’humour à votre habitude.
Toutefois, il était illusoire d’attendre d’une série qu’elle est la qualité narrative d’un film. Dans une série, rien n’est jamais figé, Personne ne connait la fin d’une série, encore moins son propre réalisateur.
Difficile donc de creuser le côté narratif qui pourrait perdre tout son sens dans le temps.
3 épisodes, soit 3h. On peut comparer à la trilogie de Jackson et la Communauté de l’anneau. Franchement, à part les décors et costumes, le reste est franchement très en dessous. Mais vraiment… C’est pas nul, le budget est visible, mais ça reste très très moyen.
Il n’y aura pas d’amélioration pour la suite. La qualité de l’histoire, les dialogues et les acteurs sont ce qu’ils sont.
Je regarderai encore 1 ou 2 épisodes peut etre mais ensuite, j’attendrai de voie les critiques avant de décider de poursuivre ou non.
J’ai beaucoup aimé cet épisode 3 et j’ai un peu de mal à comprendre cette critique : Numenor est introduit, certains arcs continuent leur développement.
La réalisation et la direction artistique est belle.
On est bien dans l’univers de Tolkien et il faut vraiment être d’une mauvaise foi pour affirmer l’inverse à mon sens. Certains ont de toutes façons décidé de détester cette série a l’avance