Après une saison 11 piteuse et une saison 12 inégale et frustrante, Doctor Who était de retour pour un épisode spécial chargé de faire patienter les fans jusqu’à la treizième fournée, dont la diffusion n’interviendra qu’à l’automne 2021 en raison du contexte sanitaire. Cette Révolution des Daleks assume-t-elle son statut de transition et d’étendard du divertissement britannique ? Attention spoilers !
Un être vous manque…
Jusque dans son titre, l’épisode s’inscrit dans la continuité de l’épisode spécial Resolution de 2019. Il s’ouvre sur la carcasse suppliciée d’un Dalek, créature généralement réputée pour sa perfection mécanique. Sauf que celle-ci échappe à la destruction à laquelle elle était promise par l’intervention du cupide Robertson (Chris Noth), politicien frustré reconverti en homme d’affaires déjà croisé en saison 11.
On retrouve ce simili-Trump en pleine négociation avec la future première ministre Jo Patterson (Harriet Walter). Sa proposition : réaffecter l’armure du Dalek en drone de sécurité régi par une intelligence artificielle.
Que la série ait déplacé son épisode rituel de fin d’année de Noël au Nouvel An se révèle particulièrement signifiant en ce jour de Brexit : bien qu’articulée sans grande finesse, sa résonance politique s’avère donc bienvenue, qu’il s’agisse d’illustrer la porosité entre sphère politique et monde des affaires, ou de faire allusion aux soulèvements populaires, à la répression policière, au déploiement aux frontières ou à l’émergence de nouveaux outils technologiques censés favoriser le maintien de l’ordre.
De son côté, le Docteur croupit dans la cellule de l’espace où l’ont expédié les Judoons à la fin de la saison 12, « parce qu’elle était elle ». Une captivité censée durer dix-neuf ans et résumée en quelques plans : nourriture infâme, programme de maintien en forme digne de Wii fit et codétenus probablement condamnés pour abus de fan-service. Dommage : voir le Docteur sombrer dans un dédoublement de personnalité gollumesque aurait constitué un arc novateur.
Sa captivité constituait surtout une occasion en or de conférer à ses trois compagnons l’épaisseur qui leur fait cruellement défaut, en les forçant à prendre les choses en main. On retrouve Graham, Ryan et Yaz passablement déprimés, cette dernière refusant de se résigner à la disparition du Docteur et passant ses nuits dans le second Tardis qui leur avait permis de s’enfuir.
La vue du Dalek aux actualités et de la vilaine trogne de Robertson les place en situation de lanceur d’alerte, puisqu’ils ont conscience d’un danger que le reste de l’humanité ignore. Ils décident donc, dans un élan aussi chevaleresque que puéril, de foncer voir le grand méchant sans arme ni argument, pour lui demander d’arrêter de se comporter de la sorte parce que… parce que ce n’est pas gentil.
Contre toute attente, leur plan ne fonctionne pas. Ou comment démontrer leur totale dépendance au Docteur et à ses babioles technologiques par une scène qui entendait probablement suggérer l’inverse.
Vous voulez dire qu’on va devoir faire quelque chose tout seuls ?
Dalek and the city
Comme on pouvait le craindre, plutôt que d’approfondir l’émancipation des compagnons, le scénario s’empresse de rendre au Docteur sa liberté grâce au combo DeusJack-ex-machina et artefact « ta gueule c’est technologique ». Jack Harkness (John Barrowman), qui passe son temps à rappeler qu’il est immortel pour ne rien en faire, permet à son vieil ami de s’échapper grâce à une technique inspirée des roues de hamster et à des effets spéciaux approximatifs.
Après un delta de dix mois dû aux légendaires approximations du Tardis, le Docteur retrouve donc ses compagnons et le récit, ses rails bien balisés.
Une touche de Torchwood
Car dans l’intervalle, le triumvirat de la bêtise malveillante n’a pas chômé : tandis que Robertson et la future ministre ont produit des centaines d’armures grâce à des imprimantes 3D, un apprenti sorcier d’une naïveté confondante a cloné des Daleks à partir de traces organiques retrouvées dans la première carcasse.
Tandis que le Docteur et ses équipiers remontent leur piste à coup de ficelles épaisses, de moments de tensions artificiels à base de Daleks face-huggers et de raccords spatio-temporels douteux – un comble ! -, les méchants sont, ô surprise, dépassés par leur création.
À la surprise d’absolument personne, sauf du Docteur, les Daleks trouvent le moyen de prendre possession de leurs armures flambant neuves. Une révolte qui évite au scénario de se confronter à des thèmes autrement plus pertinents : que serait-il advenu d’une société sous la coupe de ces drones ? Mais nous ne sommes pas devant Years and Years et la dystopie sécuritaire est prudemment tuée dans l’œuf.
OK tu t’occupes de les cloner et moi de leur fournir leur armure
Exterminate subtility
Les Daleks peuvent donc s’adonner à leur passe-temps favori : sillonner les rues en hurlant « Exterminate ! » et en jouant du canon désintégrateur à tort et à travers sur de pauvres figurants.
Le Docteur, qui résout subitement son petit problème identitaire en se définissant comme « celle qui arrête les Daleks », échafaude un plan pour les arrêter. Celui-ci souffre de deux tares : la première, c’est d’être exposé devant le veule Robertson sans autre raison que de lui permettre de les trahir quelques instants plus tard, ce qu’il ne se prive pas de faire sans que le Docteur fasse quoi que ce soit pour l’en empêcher. La seconde, c’est que ce stratagème qu’on nous présente comme audacieux se révèle surtout d’une crétinerie abyssale, puisqu’il consiste à… appeler d’autres Daleks.
Certes, depuis la saison dernière et sa gestion absurde du Cybérium, on s’est habitué aux idées du Docteur qui empirent la situation. Mais de là à tenter de combattre la Covid avec le SRAS… De fait, si les Daleks appelés en renfort exterminent effectivement leurs homologues au nom de la pureté de leur race, ils décident de rentabiliser le déplacement en envahissant la Terre par la même occasion.
Le Docteur s’en sort en utilisant le second Tardis comme leurre. Tous les Daleks acceptent de l’y suivre sans se méfier ni lui tirer dessus – c’est tout juste s’ils ne s’essuient pas les propulseurs avant d’entrer. Ce vaisseau d’appoint est sacrifié sans l’ombre d’un cas de conscience, anéantissant ses hôtes par la même occasion.
Le choix de Ryan
Ce n’était pas un mystère : cet épisode devait conduire au départ annoncé de Ryan (Tosin Cole) et Graham (Bradley Walsh). Une promesse de dramaturgie particulièrement excitante au regard des antécédents de la série en la matière, la fin d’un compagnon étant souvent synonyme de grand moment d’émotion.
Que ce départ découle d’un choix de Ryan plutôt que d’une péripétie quelconque relève d’une appréciable sobriété : le jeune homme préfère s’en retourner à ses attaches terrestres – ce en quoi on est bien forcé de le croire sur parole puisque celles-ci ont été plus souvent évoquées que mises en image.
Le bracelet à dissoudre les personnages en fin de parcours
Par ricochet, Graham se retrouve tiraillé entre l’envie de poursuivre l’aventure et celle de rester avec son petit-fils. Il décide finalement d’imiter Ryan, ce qui constitue peut-être son premier acte de protagoniste autonome depuis son introduction dans la série. Dommage qu’il n’ait disposé que d’un minimum d’espace dans cet épisode, et qu’aussi peu d’efforts aient été consentis pour générer un réel attachement à son égard.
L’épisode se conclut sur les deux hommes rendus à leur vie terrestre et aux difficultés de Ryan sur un vélo, manière élégante de boucler la boucle et de nous rappeler que oui, n’oubliez pas, il est dyspraxique. L’appel de l’aventure se fait encore sentir, en espérant qu’aucun scénariste en descente de bûche glacée n’aura l’idée de gâcher cette fin digne par un spin off. S’ensuit une apparition de grand-mère Amazing Grace en mode Ghost, qui force un brin l’émotion.
« Enjoy the journey when you’re on, because the joy is worth the pain »
Si La Révolution de Daleks ne brille guère par sa menace très fonctionnelle, il profite de sa longueur (1h10) pour s’autoriser quelques respirations et approfondissements bienvenus.
Et c’est essentiellement Yaz (Mandip Gill) qui en profite. On la découvre particulièrement obsédée par la disparition du Docteur, au point que sa carrière de policière est totalement évacuée par les scénaristes. Elle continue à se battre tandis que ses comparses se sont résignés, annonçant sa prise d’importance. Sa réaction épidermique au retour du Seigneur du temps, dont la violence témoigne d’un réel sentiment d’abandon, questionne d’ailleurs le caractère purement amical et platonique de son attachement.
L’épisode s’arrange pour l’isoler avec Jack et leur permettre de débattre de la place du Docteur dans leur vie… et de la douleur ressentie lorsque survient l’inéluctable séparation. Ce dilemme fait habilement écho au propos politique, qui interroge ce à quoi nous sommes prêts à renoncer (la liberté / le frisson) pour assurer notre sécurité. Vaut-il mieux avoir vécu pleinement, avec le risque de souffrir, ou s’en protéger par anticipation ? Par son échange avec Jack, Yaz chemine sur la voie de l’acceptation d’une existence d’exaltation et de frissons aux côtés du Docteur, avec les risques qu’elle engendre.
La vraie gagnante de l’épisode ?
Le potentiel de son personnage transparaissait déjà en filigrane au cours des saisons précédentes, en dépit d’une écriture qui ne l’exploitait jamais totalement. Le départ de ses comparses offre la promesse d’une dynamique duelle d’autant plus stimulante qu’elle concernera, pour la première fois, deux femmes aux commandes du Tardis. Et on espère de tout cœur que l’arrivée programmée d’un troisième larron, incarné par John Bishop, ne diluera pas cet arc prometteur.
Le thème de la nouveauté et de la méfiance qu’elle peut inspirer parcourt cet épisode spécial, que ce soit par un dialogue à cœur ouvert entre Ryan et le Docteur, ou le rejet par les « anciens » Daleks de leurs alter ego modifiés. Optimisme volontariste au seuil de cette nouvelle année, ou flèche décochée par un showrunner frustré par la dynamique descendante du show – qui ne serait pas dénuée d’hypocrisie au regard de son usage décomplexé du fan service ?
Rappelons à toutes fins utiles que les réserves exprimées sur son règne créatif ne tiennent pas au caractère novateur de ses propositions, mais à leur médiocrité. La confiance ne se décrète pas, elle se mérite – et Doctor Who a encore un peu de chemin à accomplir avant de mériter celle des téléspectateurs.
Doctor Who livre un épisode spécial jamais déplaisant, mais dont la trame est pour le moins anecdotique. Sauf qu’en évacuant deux compagnons, la série s’octroie la possibilité d’une densification dramaturgique dont devrait profiter Yaz, pour muter en point d’ancrage émotionnel. À l’heure où le besoin d’évasion et de réenchantement est plus vital que jamais, espérons que la prochaine saison, resserrée à huit épisodes, en profitera pour retrouver une vraie vigueur créatrice.
@Ceddenantes
Et vous avez absolument raison de regarder l’épisode pour vous faire une idée par vous-même ! J’accueillerai votre perception avec plaisir, sans remettre en cause votre objectivité – cette tare que l’on suspecte tellement plus souvent sur des avis qui divergent des nôtres 😉
Je voulais simplement me renseigner sur un épisode qui m’est pour le moment inaccessible (n’aimant pas regarder de la VO) et au lieu de tomber sur un article détaillant un épisode, je suis tombé sur son jugement sans saveur écrit sans aucune objectivité.
Dommage, cela ne me rebute pas à voir l’épisode, mais plutôt à ne plus lire les articles de ce journaliste.
Je rajouterais simplement que lorsque Tennant est parti, tout le monde critiquait Smith (qui pour moi était pourtant bien meilleurs). Puis les gens s’y sont habitués et lorsqu’il a laissé sa place à Capaldi, on s’est de nouveau mis à le critiquer. Puis est venu le tour du personnage de Bill, puis… bref, on s’attache et on est ensuite déçu de ce qui suit, un cercle sans fin. Moi j’apprécie tout, par pour les mêmes raisons, mais j’aime la nouveauté et les histoires qui me font m’évader.
J’ai vu la s12, moi j’ai bien aimé sauf 2 épisodes:TESLA (mon idol) a un épisode vraiment Naz (avec N TESLA cela devrait faire un bon épisode mais NON !
Par Contre l’épisode homage à La machine à voyager ds le temps de HG WELLS « Orphan55 » avec: « les Draigz »en faite les Dragz d’HG Wells c’était cool. si quelqu’un a une bonne HTTPS SREAMING GRATUIT ET SANS ABONNEMENT NI INSCRIPTION (Mais Légal hein)pour voir l’épisode de NOËL 2020 2021 ce serait top, je m’arrache les cheveux c’est bien sûr le seul que j’ai pas trouvé en Streaming.
Voilà voilà merci de votre aide doctony080180@gmail.com (mailto:doctony080180@gmail.com)
3 : la technique de l’image est juste supérieur à celle de toutes les autres saisons avec une atmosphère beaucoup mieux gérer
4 : Jodie witthaker est le docteur. Elle a réussi à le prouver des les premières secondes où elle est apparu.
1 : ce docteur est plus compréhensive que tout les autres docteurs donc normal qu’elle ne descende pas ces compagnons sur ces 19ans d’absence et leurs 10mois. (Elle a pu méditer sur son identité / ils se sont sentis abandonné. )De plus le docteur qui reste seul n’est pas extraordinaire. On a vue capaldi voyager seul alors que Clara était toujours là (double épisode avec les ziggon)
2 : faire venir les daleks pure n’est pas ridicule car, eux, ne sont que daleks. Donc facile à berner et a maitriser comparer à cette nouvelle race de daleks/humain/drones
Bonjour, savez vous où et quand cet épisode sera diffusé en France ?
Je pensait déjà pouvoir le trouver, au moins en VO, sur France TV mais il n’y est pas encore.
@Doktoren
Mais oui ! Ca me semblait tellement énorme que le docteur n’oppose pas ses 19 ans de captivité aux complaintes des compagnons que j’étais convaincu que ça déboucherait sur un dialogue plus tard dans l’épisode, pour lever ces incompréhensions. Et non…
@Grami
Cher Grami, comme bien spécifié, le problème n’est pas tant le changement en lui-même que la qualité de la proposition. Que chacun est libre d’apprécier ou non, cela va sans dire. Et pointer la baisse de qualité globale de l’écriture n’induit naturellement pas que les saisons précédentes étaient parfaites en tout point.
Quant à Clara et Me j’y ai effectivement pensé (c’est l’avantage de vivre dans le passé) mais étant donné que la série nous les montre effectivement aux commandes pendant 8 secondes, je doute qu’on puisse mettre ça au même niveau qu’un développement narratif articulé spécifiquement autour de ça.
Avec les amitiés d’un « journaliste » amateur de trash talk.
Faut que tout le monde arrête de vivre dans le passé sérieux. Comparer la saison 12 a la saison 2 ou 9 n’a aucun sens. Doctor who change, oui. Mais c’est son ADN
Si vous n’aimez pas et bien… Cassez vous. Cette série n’est plus faite pour vous. Personnellement j’adore tout l’arc narratif de Jodie Witthaker et celui de tout les autres. Toutes les saisons de cette séries on des problèmes (du genre « oui on peu tout réécrire comme on veux et effacer un gros passage de la vie du 10eme Doc » avec l’arrivé de Smith etc etc) mais c’est comme ça.
Et effectivement c’est du jamais vue deux femmes dans un tard….. Ooooooooh mais… Clara et « Moi » ‘e compte pas alors ? Très bien très bien ! Soit un oubli soit juste un « journaliste » qui veux faire du buz en trash talk…
Excellent article, tout est parfaitement résumé. Sans parler du « Docteur comment osez vous, vous nous avez abandonné 10 mois » alors que celle-ci vient de sortir de plusieurs décennies en prison… Apparemment Jodie serait sur le départ oui, et c’est dommage. Ce qu’il faudrait c’est que Chibnal se barre et qu’on ai au moins une saison avec Jodie en Docteur. Et je veux vraiment dire « en Docteur » car là le perso qu’on a depuis 2018 n’a rien du Docteur. Le Docteur de « Fugitive of the Judoon » avait plus le feeling « Docteur » en 10 secondes que le 13e en 2 saisons. Mais ce problème de personnage dépend en majorité, pour moi, de l’écriture plus que médiocre des épisodes.
Personnellement Doctor Who c’est énorme pour moi alors je continue de regarder malgré mon intérêt décroissant. Ce qui me peine c’est que j’ai vraiment l’impression que cette série s’est arrêté a la fin de Capaldi, et que depuis on se tape un spin off Wish en attendant que la série reprenne… mais pourtant c’est bien la série que l’on regarde.