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La Casa de papel : le braquage de Netflix, succès mérité ou phénomène surestimé ?

Par Alexandre Janowiak
18 juillet 2019
MAJ : 21 mai 2024
23 commentaires

Alors que La Casa de papel est sur le retour avec sa partie 3 sur Netflix, on analyse la série espagnole et les raisons de son succès.

La casa de papel : Photo Úrsula Corberó

La Casa de papel fait son grand retour sur Netflix avec sa partie 3 ce 19 juillet.

Diffusée à l’origine par la chaîne Antena 3, connue en France pour les séries Un, dos, tres ou Physique ou ChimieLa Casa de papel avait été un grand succès sur la péninsule ibérique avec une moyenne de 2,6 millions de spectateurs par épisode. Sentant le filon, Netflix avait donc racheté les droits de diffusion de la série espagnole à l’international.

Résultat : fin 2017, la plateforme a frappé un grand coup, promouvant la série de braquage comme un des immenses succès de la plateforme dans le monde entier. La deuxième partie, balancée sur la plateforme au mois d’avril 2018, a fini de faire de cette petite série espagnole rebelle et explosive un phénomène au succès retentissant.

Mais alors que la partie 3 est sur le point d’arriver sur la plateforme dès ce 19 juillet 2019, Ecran Large s’est demandé comment la série avait réussi à marquer autant le public. Et au-delà, si ce succès était mérité ou si tout ce phénomène était surestimé. On fait le point.

 

 

LE BRAQUAQUE DU SIÈCLE

Quoi qu’on puisse en dire (et l’auteur de ces lignes en premier), La Casa de papel a beau être le théâtre de bien des facilités, la série d’Álex Pina a des qualités indéniables. Et s’il y a bien une chose qu’elle sait parfaitement faire, c’est dynamiser son récit et rendre rapidement accros tous les spectateurs qui s’y plongent.

C’est sans doute l’une des raisons principales ayant permis à la série de devenir un tel phénomène auprès du public. Le créateur de la série, grâce à son talent de narrateur, permet à l’histoire de se mettre en place rapidement, de placer des enjeux simples et concis, et surtout d’instaurer une ambiance prenante à chaque instant.

Le rythme soutenu de la série, qui enchaîne les péripéties comme des petits pains, offre aux spectateurs un récit qui ne cesse d’avancer, de changer de point de vue, créant un nouvel obstacle à chaque piège démantelé. Les twists se multiplient ainsi pour créer un suspense captivant et les cliffhangers concluent la plupart des épisodes pour rendre addicts les spectateurs avec brio.

À l’image des célèbres films de casses de ces dernières années – et tout particulièrement la trilogie Ocean’s Eleven et Inside Man – la série de Álex Pina s’amuse avec le spectateur en cumulant les twists.

 

PhotoLe public pris en otage, mais avec son consentement

 

LARD DU TWIST

Des Diaboliques de Clouzot au Fight Club de Fincher en passant par Usual SuspectsSixième SensLe Prestige ou Old Boy, ce procédé est largement apprécié des spectateurs, qui restent alors sur le qui-vive et super attentifs. C’est aussi un moyen de toujours relancer l’intrigue, de donner encore plus de valeur aux personnages et de savoir jouer avec les émotions du public.

Au-delà, le genre du braquage n’étant pas commun sur le petit écran, cela donne par conséquent une certaine originalité à la série espagnole. L’angoisse sur l’avenir des héros du récit est réelle et accroche donc le spectateur sur leur destin, après les avoir présentés de manière succincte dans les premiers épisodes.

 

PhotoNetflix, professionnel des farces et attrapes

 

Mieux encore : La Casa de papel narre les déboires d’un groupe de personnages profondément antisystème. À l’heure où celui-ci est pointé du doigt par la population, que les grandes corporations sont dénoncées par le peuple et que le capitalisme est de plus en plus contesté (encore plus aujourd’hui avec les Gilets jaunes entre autres, et le mouvement des Indignés en Espagne depuis 2011), la série se met du côté du peuple. Celui qui n’a rien pour survivre et qui veut berner le système qui l’a tant dupé depuis des années, pour mieux le défaire. La reprise du Bella Ciao par ces mêmes Gilets jaunes en « Macron Ciao » ces derniers mois ne vient pas d’ailleurs que de Casa de Papel.

En reprenant un masque proche des Anonymous, figure de rébellion très appréciée du public, les personnages se révèlent finalement être des Robin des Bois des temps modernes, en volant ledit « voleur de la société », à savoir la fabrique nationale de monnaie soit le système. Dans une atmosphère où le peuple désire changer les choses et où la révolte sociale se rapproche (si elle n’est déjà là), La Casa de papel coche toutes les cases.

 

PhotoUne révolte antisystème apprécié du grand public

 

L’ATOUT NETFLIX

Cependant, si La Casa de papel doit évidemment son succès, en grande partie, à son intrigue simple et sa proximité avec le public, c’est Netflix qui a promu la série à ce rang et redynamisé l’ensemble avec une certaine maestria. Quelle ingénieuse idée de transformer quinze épisodes d’environ 1h10-1h15 en 22 épisodes de 45-50 min, avec l’accord d’Alex Pina évidemment.

Premièrement, le public international est plus habitué à ce format, et deuxièmement, dans un monde où le nombre de séries se multiplie à vitesse grand V, le temps est devenu précieux pour chaque spectateur. Savoir que la nouvelle série à regarder ne sortira pas des carcans traditionnels au niveau de sa durée est rassurant, et concrétiser les attentes du public dès le premier épisode (un pilote d’une efficacité redoutable) était une stratégie parfaitement pensée.

Par la suite, Netflix a su creuser le filon et provoquer une véritable ferveur autour de sa série. Tout d’abord, en balançant la première partie dans un créneau hyper opportun pour son public, à savoir le 20 décembre en face d’aucune série phare de la plateforme et juste avant les vacances de Noël. Face au très bon bouche-à-oreille, Netflix a évidemment accentué sa promotion sur la série (à compter d’un tweet par semaine ou presque sur la série, entre début janvier et début avril) pour faire monter la pression.

En attendant ne serait-ce que quatre gros mois avant de balancer la conclusion des aventures du groupe de braqueurs, Netflix a provoqué l’hystérie, créé un vrai engouement et une attente insoutenable pour les spectateurs. Netflix a donc largement contribué au succès international de La Casa de papelElle en est même le fer de lance tant cette petite série espagnole serait restée dans l’anonymat du monde entier sans le rachat de la plateforme. 

 

PhotoNetflix qui sort la monnaie pour racheter La Casa de papel

 

UNE ARNAQUE PRESQUE PARFAITE

C’est bien là justement la preuve que le phénomène Casa de papel est une sacrée imposture. À bien des niveaux, la série espagnole a du mérite. Après tout, peu de séries réussissent à jongler avec autant de brio entre discussions émouvantes et grand spectacle, à jouer ardemment avec les nerfs de ses spectateurs autant sur son récit (à coup de twists et cliffhangers) que dans sa promotion (Netflix expert de la communication), ou à être aussi proches de son public dans une période économique difficile.

Cependant, le phénomène en tant que pur objet télévisuel est totalement surestimé. Évidemment, La Casa de papel sait parfaitement jouer de son tempo pour clouer le spectateur à son siège, mais à y regarder de plus près, la série est remplie de défauts impardonnables pour les spectateurs les plus exigeants. Qu’il s’agisse de ses innombrables incohérences scénaristiques, de l’instauration de multiples intrigues secondaires futiles, de la surabondance de rebondissements ou simplement de la présence de personnages bien développés mais profondément stéréotypés, La Casa de papel est d’une légèreté aberrante dans son ensemble.

 

PhotoDenver déçu par les remarques d’Ecran Large

 

Au fil des épisodes, on comprend rapidement que la série n’invente finalement rien. C’est ici que ça coince et qu’il devient difficile de comprendre l’immensité de son succès auprès du public. Exception faite de son exotisme évident (les séries espagnoles sont rares de par chez nous), rien ne semble véritablement authentique dans la série d’Álex Pina.

Le postulat antisystème rappelle allégrement la plus impressionnante Mr. Robot quand le personnage du Profesor ne semble qu’un pastiche du fameux Michael Scofield de Prison Break (sans parler de sa passion pour l’origami). L’idée des mêmes masques et tenues portés par les braqueurs (et les otages) reprend copieusement le pitch d’Inside Man quand la narration en forme de flashback (et de twists) ne fait que reprendre la forme très appréciée de la série judiciaire Murder. Même musicalement parlant, la série copie sans vergogne les compositions de Interstellar et Utopia par moments.

Le Profesor est un personnage intouchable, Deus Ex Machina de chaque instant qui offre, sans nul doute, la possibilité à la série d’être toujours boostée. Mais concrètement, il permet surtout de ne prendre quasiment aucun risque narratif et scénaristique. C’est sûrement la chose la plus dérangeante de La Casa de papel : cette façon qu’elle a de ne jamais se mettre en péril. Lorsqu’elle tue un personnage, il s’agit souvent d’un rôle secondaire qui permettra à la série d’être plus forte et de ne se mettre aucun spectateur à dos.

Et encore, il semblerait qu’elle soit même capable de rebrousser chemin sur ses choix narratifs si l’on en croit le teasing de la partie 3 et le possible sort du personnage de Berlin. Peu importe d’ailleurs s’il s’agit au final de probables flashbacks, encore une fois la série fait revenir un personnage adulé pour ne perdre aucun fidèle. C’est dire à quel point elle n’ose rien et se contente de filer sans sourciller vers des chemins balisés et aimés du grand public, pour le satisfaire.

 

PhotoLe Spectre du sex-appeal ou pas

BILAN

Finalement, à y repenser, La Casa de papel est avant tout un succès marketing, et à ce niveau il est plus que mérité tant Netflix a fait un travail profond pour mettre sa série sur un piédestal. En revanche, le phénomène télévisuel est plus que surcoté.

Certes, La Casa de papel a su parler au public qu’elle visait avec une certaine maestria à la fois sur le fond (une histoire simple) et sur la forme (un rythme percutant), tout en proposant une petite réflexion sociale très actuelle. Cependant, l’ampleur du phénomène est terriblement désarçonnante tant l’ensemble se révèle assez basique et répond à des codes narratifs traditionnels. À croire que le public ne cherche vraiment plus à se creuser la tête.

 

Les Parties 1 et 2 sont disponibles sur Netflix. La Partie 3 débarque sur la plateforme dès ce 19 juillet.

 

Affiche espagnole

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Rorschach

La série de papier

Miami81

Entièrement d’accord avec cette critique. C’est exactement mon ressenti après la vision de la série.
Bien Sympathique mais qui ne méritait pas le côté phénomène qu’elle connaît. après, tant mieux pour elle.
Parfois incohérent, très souvent facile, des twist amenés à coup de pied dans la porte et qui se résolvent comme s’ils avaient déjà été prévus, des moments qui n’apportent rien à l’intrigue.
Donc oui, sympathique, mais déjà vu, en mieux.

Lapin

criminels, drogue, flics… super original.

WalterB

@necro +1 , façon personne ne regarde Murder parce que c’est de la m…, de Shonda Rhimes…

@Gripsou, je pense que tu tiens qque chose d’intéressant, mais la pratique ne relève pas du snobisme mais d’un attachement soudain à la culture hispanique dans la culture pop française actuelle, qu’on voit fortement ressortir dans la musique (en particulier dans le rap ou le rythme reggaeton est repris à toute les sauces). Effet de mode plutôt que désir synchronique de découvrir une culture par toute ses facettes.

Là ou les stats de Netflix pourraient être intéressantes c’est dans le nombre de visionnage de la série en VO dans l’hexagone…les profs d’espagnol seraient déçus.

Necro

Globalement plutot d’accord avec l’analyse.
Juste une petite chose : pour moi le récit en flashback a bien été utilisé dans la série Murder, mais la première utilisation marquante dans ce type de format est a mettre au crédit de Lost.

Gripsou

Très pertinant cet article, surcoté, exautique, stéréotypes et aucune prise de risques ça définit bien la série. Je crois que l’incroyable bouche à oreille dont a bénéficié cette série est due a un sentiment faussement snob de regarder une série espagnole sur Netflix.

Boddicker

Tout comme Stranger things je trouve cette série totalement surestimé et médiocre à mon avis.
Après, ça n’est que mon avis, il n’y a pas de mal à aimer 🙂

STOCK59

Nul à chier…. Franchement ce n’est pas mérité du tout comme succès…

ΓΙΑΝΝΗΣ

ΠΙΤΕΡ ΣΕΛΛΕΡΣ

Paulmac

En ce qui me concerne cette série m’a beaucoup plu.Je ne pense pas être un benet pour autant