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Les Vampires de Salem : oubliez Shining, voici la meilleure adaptation de Stephen King

Par Clément Costa
4 juillet 2023
MAJ : 24 mai 2024
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Les Vampires de Salem : photo meilleure adaptation Stephen King

Adaptation idéale d’un roman de Stephen King, Les Vampires de Salem réalisé par Tobe Hooper a traumatisé des générations entières. Et c’est entièrement justifié.

Le maître de l’horreur Stephen King fait partie sans le moindre doute des auteurs les plus adaptés pour le cinéma et la télévision. Cependant, mis à part une poignée de grandes réussites, son œuvre a bien trop souvent été déformée et caricaturée (oui, il déteste l’adaptation de Shining par Kubrick). Ces innombrables échecs ont contribué à créer une croyance populaire selon laquelle l’auteur serait tout simplement inadaptable. Et ce n’est pas avec Le Croque-Mitaine que les fans vont être rassurés.

Il existe pourtant une adaptation presque parfaite d’un des plus grands chefs-d’œuvre de Stephen King. La mini-série Les vampires de Salem réalisée par Tobe Hooper a traumatisé toute une génération lors de sa diffusion initiale en 1979. Un an avant Shining, le papa de Massacre à la Tronçonneuse signait un véritable modèle qui condense tout ce qu’une adaptation de King devrait réunir. Il est grand temps de revisiter ce classique.

 

Stephen King : photoStarsky et l’autre

 

L’ENFANT LUMIÈRE

Le style Stephen King comporte de nombreux codes qui ne sont que rarement respectés au cinéma. Tout d’abord, l’auteur est passionné par les longs récits. Ses romans-fleuves multiplient les personnages, les sous-intrigues et fourmillent de détails. Généralement, les réalisateurs qui s’attaquent à ses œuvres préfèrent aller à l’essentiel et se concentrent uniquement sur une poignée de protagonistes. Une erreur évidente, qui ne prend pas en compte l’importance de ce parti-pris narratif dans la création de l’univers de l’auteur.

Avec Les vampires de Salem, Tobe Hooper semble avoir parfaitement compris le roman d’origine. Grâce au format sériel, il peut se permettre un récit qui s’étire sur trois heures et conserve ainsi une grande partie des intrigues. Afin de venir susciter la crainte et l’angoisse, la petite ville de Jerusalem’s Lot doit être réelle aux yeux du spectateur. Hooper prend le temps de nous familiariser avec chaque habitant, chaque boutique. On saurait presque se repérer au milieu de la bourgade tant le cinéaste parvient à poser un cadre précis et immersif.

 

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La mini-série saisit également un enjeu crucial dans l’écriture de ses personnages. Les protagonistes chez Stephen King sont rarement des modèles de bienveillance. L’auteur a l’art de créer des héros imparfaits, complexes, parfois mal-aimables. Plutôt que de présenter un Ben Mears lisse et exemplaire, Tobe Hooper choisit de mettre en scène un homme trouble, voire inquiétant. Ainsi notre héros va souvent se contredire, changer d’avis. Son attirance envers la maison maudite pose les bases d’une réflexion sur le Mal absolu et son pouvoir magnétique.

En lien avec ces questionnements moraux, Les vampires de Salem réunit la plupart des thèmes fétiches de Stephen King. On y croise ainsi la thématique du manque d’inspiration, mais aussi des sujets sociaux tels que les violences domestiques, l’intolérance ou les violences envers les enfants. Les métaphores sur l’homosexualité ponctuent également le récit, en particulier à travers le personnage du jeune Mark Petrie. Tobe Hooper fait preuve d’une grande intelligence d’écriture et parvient à ne jamais sacrifier les différentes couches de lecture au profit du rythme ou du suspense.

 

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En 1979, Tobe Hooper était essentiellement connu pour Massacre à la Tronçonneuse et Le Crocodile de la mort. On aurait aisément pu s’attendre à une adaptation de Salem qui soit purement horrifique et délaisse entièrement le drame humain qui se joue dans le roman. Loin de contourner ce changement de registre, Hooper fait partie des très rares cinéastes ayant compris l’intérêt d’embrasser pleinement l’aspect mélodramatique des écrits de King.

Afin de retranscrire à merveille l’humour noir et les stéréotypes chers à l’auteur, Les vampires de Salem profite de son format télévisuel pour offrir des séquences qui flirtent volontairement avec le soap opera. Cette autodérision apporte un vent de fraicheur évident et allège la gravité de l’histoire.

 

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LES MÉCANIQUES DE LA PEUR

Les trois heures de récit ne servent pas uniquement à poser de nombreuses intrigues et des personnages secondaires. Tobe Hooper décide d’utiliser cette durée pour prendre le public à contre-pied. Le cinéaste crée ainsi une peur contagieuse, progressive. Les vampires de Salem s’avère ainsi parfaitement fidèle à l’esprit du roman tout en restant redoutablement efficace en tant qu’œuvre indépendante.

Il faudra en effet attendre près d’une heure avant que le premier élément horrifique n’apparaisse à l’écran. Une fausse lenteur qui illustre à merveille les enjeux fatalistes de cette contagion inévitable. On devine l’issue dès le début – toute la série s’ouvre sur un saut en avant se déroulant après la catastrophe – et c’est justement l’angoisse de voir le cauchemar se dérouler qui vient pétrifier le spectateur.

 

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À la fin des années 70, les séries ne bénéficiaient pas d’une grande liberté de ton. Tobe Hooper a confié en interview qu’il travaillait avec des contraintes strictes : pas de séquence ouvertement gore, pas de nudité frontale, etc. Le défi était alors de créer une horreur plus subtile, qui mettrait l’accent sur le hors champ et la suggestion. On sent le cinéaste parfaitement à l’aise avec cet exercice. Il y a d’ailleurs fort à parier que cette nouvelle gestion du genre l’a grandement aidé lorsqu’il s’est attaqué à Poltergeist en 1982.

Une fois de plus, cette représentation d’une horreur plus psychologique que graphique correspond très bien au style de Stephen King. Si l’on retient souvent ses quelques conclusions trop démonstratives qui frôlent le mauvais goût, l’auteur crée avant tout des romans pensés pour marquer l’esprit. On ne retient d’ailleurs que très peu de chapitres ouvertement violents dans Salem. L’angoisse est plus profonde, bien plus proche d’une terreur cosmique à la Lovecraft que d’un banal slasher.

 

Tobe Hooper : photoUn petit massage ?

 

En ménageant son spectateur, Tobe Hooper peut ainsi décupler radicalement l’efficacité des quelques séquences-chocs que réserve la mini-série. C’est ainsi que la scène culte de l’enfant vampire qui frappe à la fenêtre de la chambre a traumatisé plusieurs générations. À ce moment-là, Hooper rappelle qu’il est un des plus grands maîtres de l’horreur. Le découpage, le mixage sonore, les effets pratiques, chaque détail contribue à faire de ce moment un cauchemar inoubliable.

La formule est si efficace que le cinéaste se permet de répéter la séquence trois fois, avec quelques variations, sans que jamais la terreur ne s’estompe. Dans ce qui semble être un hybride entre le mythe du vampire et L’Exorciste, Tobe Hooper met en scène mieux que personne les angoisses enfantines qui hantent toute l’œuvre de Stephen King depuis des décennies.

 

Stephen King : photoTraumatisme dans 3, 2, 1…

 

LE CHANGEMENT, C’EST IMPORTANT

Tant qu’il y aura des lecteurs dévoués, on trouvera toujours des voix qui s’élèvent pour regretter le moindre changement apporté à l’œuvre initiale. Ce serait nier le concept même du processus d’adaptation. Si la fidélité va forcément ravir les adeptes du roman, ce qui compte avant tout reste la cohérence artistique. À ce propos, Tobe Hooper fait preuve d’une intelligence remarquable dans les changements opérés pour Les vampires de Salem.

Le changement le plus radical est certainement celui opéré pour le personnage de Barlow. Dans Salem, Stephen King nous présente un antagoniste cultivé et élégant. L’incarnation même du vampire vénéneux et sophistiqué. Chez Hooper, il devient un monstre répugnant aux allures de Nosferatu putréfié. L’objectif selon le cinéaste était de mettre en valeur la nature bestiale du personnage. Une façon brillante de mettre en scène une horreur moins baroque et plus organique.

 

Tobe Hooper : photoQuand t’as été recalé au casting de Twilight 

 

On notera également un changement de cap du côté du grand dénouement. Le cinéaste décide de situer l’affrontement entre Ben Mears et Barlow dans la fameuse demeure Marsten, qui hante tout le récit, plutôt que chez Eva Miller. Une délocalisation qui a du sens. Notre protagoniste est revenu vivre à Jerusalem’s Lot à cause de cette maison, il écrit un livre à ce propos et on devine progressivement les événements étranges qui le lient à ce lieu. Dans une pure logique de scénario, il semblerait absurde de ne pas y situer la conclusion du récit.

Dernier changement majeur, Tobe Hooper retarde la mort de Susan. Si cette héroïne forte et intelligente méritait clairement plus de temps à l’écran, l’événement tragique semble mieux placé dans la mini-série que dans le roman. Les vampires de Salem ne veut pas faire de sa disparition un choc brutal, mais plutôt un événement émotionnel puissant. Ben Mears semble ainsi enfermé dans un éternel cycle de deuil dont il ne parviendra jamais à s’émanciper totalement.

 

Midnight Mass : photoLes héritiers de Salem

 

C’est une véritable leçon d’adaptation que Tobe Hooper a livré avec Les vampires de Salem. Une œuvre qui comprend comment respecter et comment innover. Sans jamais tomber dans la pâle copie, sa relecture saisit mieux que n’importe quelle autre adaptation de Stephen King l’esprit d’un auteur unique. Si son modèle avait été suivi plus régulièrement, les studios hollywoodiens nous auraient certainement épargné quantité d’adaptations médiocres et opportunistes.

Il convient toutefois de ne pas céder au pessimisme. Si les adaptations réussies de King sont minoritaires, il semble évident que Salem et la relecture de Tobe Hooper ont grandement contribué à la création d’une merveille comme Sermons de minuit. Et il semble évident que beaucoup de cinéastes rêveraient d’avoir Mike Flanagan parmi leurs héritiers.

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Dave bowman

La séquence du jeune garçon vampire qui gratte a la fenêtre de son ami en pleine nuit , l’incitant à ouvrir la fenêtre ,était absolument terrifiante quand j’ai découvert le film ado , même 30 ans plus tard , elle fait toujours son effet . De plus , palme d’or du maquillage le plus terrifiant pour un vampire , toujours pas egalé en 2024 . Un visage que l’on aimerait pas croiser tard le soir en rentrant chez soi .

Auressa

Alors sur la photo c’est Hutch (David soul), Pas Starsky

Rock

Alors autant Shinning est un très bon film, autant c’est clairement une mauvaise adaptation

Birdy était là

La meilleure adaptation du King depuis toujours, et pour toujours : Shawshank Redemption.
Inutile de chercher à comparer avec les autres, qu’elles soient réussies ou un coup de coeur.
Mais le débat pour la 2è place est sympa : Shining ? La Ligne Verte ? Dead Zone ? Stand by Me ? Carrie ? Misery ? Myst ? Firestarter ?

A noter que 4 livres fleuves auraient du donner des séries/films de qualité mais se sont hélas pris les pieds dans le tapis :
Dôme : tout est mauvais et sonne faux, pourtant ce « huit clos » étudiant la montée du fascisme aurait pu être fascinant
Ça : c’est beau… trop beau. manque le talent pur et dur, la trouille, l’émotion, et un gros problème de rythme avec une mauvaise présentation de ce groupe d’enfants.
Le Fléau : tellement dense… même défaut que Dôme : les persos sont des archétypes compliqués à incarner sans tomber dans la sitcom.
22.11.63 : énorme erreur de casting avec James Franco qui ne parvient jamais à devenir sympathique, même en sauvant un gosse du marteau de son père. Et la difficulté à changer le passé tout en se blottissant dans cette époque bénie… la magie des mots à disparu.

J’avais aussi de gros espoirs avec la Série Castle rock. Mais visiblement la mayonnaise a tourné. Pourtant, le multivers King, un vrai potentiel…

Pat Rick

Le roman est l’un des meilleurs de Stephen King mais cette adaptation bien qu’ayant de bons passages n’est pas à la hauteur du film.

Ray Peterson

Non Salem’s Lot n’est pas une bonne adaptation du très très bon roman de King.
Et non c’est pas bien réalisé. En même temps cela devait être un TV Film tronqué en film cinoche.
La contamination , la progression des relations des persos, Barlow, Striker et en fait tout.
Une déception;

Et j’ai beau admiré James Mason, ça ne marche pas. Bon après y a Bonnie Bedelia avant Die Hard et Needful Things adapté du même King (que je préfère alors que c’est vraiment pas terrible non plus, c’est pour dire).
J’attends, tellement , mais tellement de la nouvelle adaptation… Bref

Et ben hum, non, Tobe Hooper n’est pas un super bon réalisateur. Alors ok, y’a eu Massacre.

Après, perso, sa filmo reste vraiment contestable. Bien sûr y a le Crocodile de la Mort, Poltergeist, Lifeforce (…), Massacre dans le train fantôme (hum), Massacre 2 (allez, il a donné des idées à Sam Raimi).
Pour moi le réal d’un seul très très très bon film (et ok ça n’est pas donné à tout le monde)
mais tellement sur estimé.

Relire le bouquin c’est mieux… Pour l’instant.

Dario 2 Palma

Effectivement ces VAMPIRES DE SALEM sont une belle réussite du regretté Tobe, c’est un téléfilm certes mais on y retrouve quand même le sens du macabre et du décor chers au réalisateur, le casting est cool et le vampire est bien flippant, de même que les scènes avec le gamin vampire qui flotte à la fenêtre…brrrr!

cooper

Stephen King n’aime pas Shining surtout pour le rôle de la mère qui ne fais que crier dans le film et n a quasiment aucune personnalité, elle est juste la pour gueuler alors que dans le livre elle est importante, sur ce point de vue il a entièrement raison, comment pourrait on le contre dire.

Geoffrey Crété

@cidjay

C’est littéralement ce qu’on rappelle dans l’intro oui.
Et c’est pas parce que Stephen King n’aime pas, qu’on doit penser comme lui.

Mx

Un remake arrive sous peu..