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Star Wars : Skeleton Crew – on a vu les 3 premiers épisodes… et c’est compliqué 

Par Antoine Desrues
3 décembre 2024
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Star Wars : Skeleton Crew – on a vu les 3 premiers épisodes... et c’est compliqué © Canva Disney+ / Lucasfilm

Chapeautée par le réalisateur de Spider-Man : No Way Home, la série Star Wars : Skeleton Crew débarque sur Disney+. On a vu les 3 premiers épisodes. Critique sans spoilers.  

Traitez-nous d’indécrottables optimistes, mais on avait envie d’y croire à Skeleton Crew (bon ok, surtout l’auteur de ces lignes). Oui, ça fait un moment que les séries Star Wars déçoivent, ou s’attirent une haine plus ou moins justifiée du côté des fans autoproclamés (une pensée pour The Acolyte, petit ange parti trop tôt). Oui, la présence à la réalisation de Jon Watts, la serpillère des Spider-Man de Tom Holland, ne rassurait guère.

 

Oui, la direction artistique n’augurait rien de bon depuis ses bandes-annonces et ses quartiers résidentiels à l’américaine, vaguement pimpés par un filtre Star Wars qu’on pensait sorti de la dernière IA générative à la mode. Et oui, voir Lucasfilm « s’inspirer » pour sa dernière aventure spatiale de l’héritage d’Amblin (la maison de production de Steven Spielberg, point de convergence de la pop-culture des années 80) fleurait bon l’opportunisme pour surfer sur le succès de Stranger Things

Comme c’est original

E.T. Phone Hoth

Pourtant, il y a bien une raison qui donnait envie d’espérer. Souvenez-vous : dans le chaos narratif et esthétique de la trilogie Disney, il y avait cette scène, à la fois simple et bouleversante, qui concluait Les Derniers Jedi. Malgré l’oppression qu’ils subissaient au quotidien, les enfants esclaves de Canto Bight se racontaient les exploits mythiques de Luke Skywalker, avec en creux la promesse d’un monde meilleur. L’un des gamins, sensible à la Force, faisait de son balai un sabre-laser de substitution, alors que s’ouvrait à lui un panorama d’étoiles.  

Si Rian Johnson tenait surtout à éloigner son film des éternelles lignées et familles qui connectent tous les personnages importants de la saga (en bref : tout le monde peut être un Jedi), il ramenait aussi au sein du monde de Star Wars un sens du merveilleux typiquement enfantin. L’idée pourrait sembler galvaudée au vu du pouvoir de l’imaginaire instauré par George Lucas, mais c’était l’air de rien une belle manière de remettre l’église au milieu du village, surtout pour une franchise toujours plus accaparée par les grands enfants incapables de grandir, de prêter leur jouet, et sans nul doute de quitter la cave de Papa et Maman.  

Chaque tube de papier-cadeau a été un sabre-laser

L’espace d’un instant, il est clair que Skeleton Crew cherche à capter cette même magie, et il y parvient en filmant dramatiquement deux amis, Wim (Ravi Cabot-Conyers) et Neel (Robert Timothy Smith), se battre avec des sabres-laser imaginaires. Tout est affaire de projection, de soif d’un ailleurs, y compris pour ceux qui se trouvent déjà dans la galaxie lointaine, très lointaine. 

Seulement voilà, Wim et Neel sont coincés sur At Attin, une planète où la bureaucratie est reine, ainsi que le normativisme au rythme du tramway, boulot, dodo (tous les véhicules évoluent sur rails, au cas où ce n’était pas clair). La finesse n’a pas sa place dans cette introduction au forceps, où la caractérisation des personnages est réduite à son plus strict minimum. Les deux garçons, plus ou moins intrépides, sont vite rejoints par Fern (Ryan Kiera Armstrong), une jeune rebelle fan de vitesse, et KB (Kyrianna Kratter), une geek spécialiste de l’électronique.  

Et en même temps, Skeleton Crew comprend bien que Star Wars se définit par son storytelling environnemental, et donne un cachet inattendu à ce décor urbain tout sauf exotique, quelque part entre Wisteria Lane et La Défense (sacré combo des enfers). Tous rêvent de fuir leur futur peu enviable dans la compta ou les statistiques, sans savoir que leur vœu va être exaucé après avoir fait décoller les ruines d’un mystérieux vaisseau. 

« Now, this is not podracing »

Star Wars : Come Back Home

Clairement, la série avance aussi sur des rails très confortables, mais son premier épisode trace les contours d’un potentiel engageant, porté par le regard de sa troupe de gamins misfits rapidement perdus dans l’espace. Depuis son sympathique Cop Car, Jon Watts n’a jamais caché son goût pour les enfants (phrase à ne pas sortir de son contexte) et leur point de vue sur le monde, quand il n’a pas carrément pillé les récits d’initiation adolescents de John Hughes pour sa trilogie Spider-Man

Catapulté showrunner de Skeleton Crew aux côtés de son producteur Christopher Ford, le cinéaste a toujours le mérite d’être un directeur d’acteurs inspiré. C’est bien ce qu’on a envie de sauver : la malice de ce quatuor, teinté de naïveté, dont l’énergie cherche une réaction chimique intrigante au contact de Star Wars et de ses règles.  

Reste maintenant à voir comment cette unique nouveauté sera traitée au fur et à mesure de la saison, car pour le moment, les trois premiers épisodes (sur huit) peinent à sortir du moule Amblin, agité comme un hochet nostalgique qui annulerait presque le hochet nostalgique habituel de la saga pour la trilogie originale.  

Les aventuriers du scénario perdu

Avec ses inspirations du côté de la piraterie, Skeleton Crew s’assume en relecture à peine déguisée des Goonies. Cette complaisance serait plus facilement pardonnable si elle ne soulignait pas l’éternel problème des séries Disney+ : la sensation de voir un long-métrage inutilement rallongé sur 5 ou 6 heures, sans pour autant qu’on s’attarde sur quoi que ce soit. Les durées bâtardes des épisodes (46, 29 et 37 minutes) ont pour objectif de naviguer à chaque final vers le point narratif suivant, avec un art du pilotage automatique dont Lucasfilm et Marvel sont devenus spécialistes (on était déjà revenu sur le problème en vidéo).  

Alors que le premier chapitre amorce de façon poussive l’appel à l’aventure de ses jeunes héros, le deuxième leur trouve un compagnon de route en la personne de Jod Na Nawood, incarné par un Jude Law presque trop bien casté pour le rôle. Avec son sourire mielleux et ses attitudes de faux gentil, il est clair que ce personnage sensible à la Force cache quelque chose, à la manière d’un Long John Silver que même les gamins grillent dans sa fausseté.  

(Am)blindage nostalgique

Pourtant, c’est bien là que la série pourrait trouver sa personnalité. Loin de la noblesse des Jedi, Skeleton Crew présente le monde impitoyable de Star Wars par le prisme d’une innocence que Nawood ne peut que nuancer, en vieux loup de mer de la galaxie qu’il semble être. C’est tout le plaisir du train-fantôme, de cet imaginaire à la fois merveilleux et fondamentalement effrayant par sa part d’inconnu.  

Ça a toujours été la marque de fabrique d’Amblin (E.T. en tête) et paradoxalement, c’est sur cette note d’intention que la série Star Wars déçoit le plus. Même à hauteur d’enfant, la mise en scène n’arrive jamais à filmer cet enchantement. Le spatioport qui sert majoritairement de décor aux épisodes 2 et 3 n’est qu’une énième cantina de Mos Eisley, devenue avec le temps un cabinet de curiosités lui-même muséifié, rempli d’inserts et d’animatroniques pour souligner l’exotisme de son univers.  

Des gueules de porte-bonheur

Cet effet d’énumération bêtement régurgité amorce ce qui s’annonce comme le piège de la série : la répétitivité d’effets de style toujours plus dévitalisés, entre les totems de Star Wars et ceux de ses modèles spielbergiens (les BMX troqués par des scooters futuristes). C’est d’autant plus dommage au vu des talents que convoque Skeleton Crew, du génial David Lowery (A Ghost Story, The Green Knight) aux Daniels (Everything Everywhere All At Once) en passant par Lee Isaac Chung (Minari, Twisters).  

Leurs personnalités semblent vouées à être noyées dans ce marasme de références réchauffées, qui se planque un peu trop derrière son envie supposée de convaincre une nouvelle génération de fans. On pourra toujours reprocher à The Acolyte ses problèmes d’écriture, mais la série de Leslye Headland avait le mérite de prendre de vrais risques avec les acquis de son univers. A l’inverse, Skeleton Crew ne provoque aucun frisson de nouveauté, passé le vernis de son introduction amusante à la Stranger Things.  

Bien sûr, il est toujours difficile de juger sur pièce les trois premiers épisodes d’une saison, et Skeleton Crew a pour lui des éléments qui rendent curieux, à commencer par le mystère qui entoure la planète natale des protagonistes. Mais il est compliqué de passer outre les mêmes problèmes structurels répétés de série en série, où les péripéties s’enchaînent pour pallier la vacuité des rapports humains. Un comble, quand on sait que ces mêmes rapports humains ont fait la vraie saveur de l’héritage d’Amblin.  

Les deux premiers épisodes de Star Wars : Skeleton Crew sont disponibles depuis le 3 décembre sur Disney+. Un nouvel épisode sortira ensuite tous les mercredis.

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julie45

Très mauvais, le costume de neel est terrifiant tellement c’est mal fait, on n’a l’impression de regarder desperate housewiwes et pas star wars…

jpsg1973

J’ai regardé les 2 premiers. Ca se regarde mais c’est gentillet, totalement inoffensif. Ca ressemble à du Spielberg avec des nenfants gentils ! La durée des épisodes c’est toujours une blague. Même pas une 1/2 heure pour l’épisode 2.

liojen

Et bien contrairement à l’auteur de cet article je n’attendais absolument rien de cette série et je dois dire que j’ai été agréablement surpris. J’ai beaucoup aimé cette introduction, c’était fun, rythmé et cette vibe Amblin/Spielberg ambiance pirate est très agréable.
Bref, j’ai passé un bon moment et j’ai hâte de voir la suite!

chrisb

Ce n’est pas compliqué. C’est nul, tout simplement.

ozymandias

Jon Watts en prison !
J’aime sortir les phrases de leur contexte.

nonocinoche

Il faut surtout qu’ils arrêtent d’exploiter ces licences jusqu’à la moelle…