Godzilla Minus One : critique du vrai blockbuster de fin d'année

Mathieu Jaborska | 7 décembre 2023 - MAJ : 24/01/2024 00:01
Mathieu Jaborska | 7 décembre 2023 - MAJ : 24/01/2024 00:01

Énorme carton à travers le monde, le très attendu Godzilla : Minus One de Takashi Yamazaki a le droit à une distribution brève, mais intense en France. Il n'est à l'affiche que deux jours, les 7 et 8 décembre 2023, en Imax et 4DX (et même en Dolby). Mais il a eu droit à une projection au Paris International Fantastic Film Festival en séance de minuit ce 6 décembre. C'est donc les oreilles encore vrombissantes du rugissement du roi des monstres qu'on écrit cette courte critique.

Le retour de Gojira

Repoussé par le hiatus contractuel décidé avec les Américains de Legendary et la pandémie, Godzilla Minus One allait forcément occuper une place particulière dans la saga. Si on exclut la trilogie animée de triste mémoire, cela faisait plus de six ans que l'icône absolue de la culture populaire japonaise n'avait pas été à l'affiche d'un blockbuster local. Tandis que ses homologues américains s'inspirent de plus en plus du monstre grotesque des années 1960 et après la déflagration philosophico-bureaucratique de Shin Godzilla, l'expérimenté Takashi Yamazaki choisit de revenir à un divertissement classique, au sens noble du terme.

Loin, très loin des expérimentations de Hideaki Anno et Shinji Higuchi, il le situe symboliquement avant même la sortie de l'original, dans l'immédiate après-guerre. À l'époque, la défaite, les cendres à peine retombées d'Hiroshima et de Nagasaki (qui ne sont pas explicitement citées dans le film), la situation sociale et politique empêchent encore le cinéma de faire raisonner la souffrance de la guerre, comme il le fera dans les années 1950, parfois de manière détournée à travers la naissance du Kaiju Eiga.

 

Godzilla : Minus One : photoThis time it's war

 

C'est dans cet angle mort qu'il entend, aux côtés de son co-scénariste Kiyoko Shibuya, se remparer de la dimension allégorique du lézard géant. Plus une sorte de divinité directement issue de la guerre qu'un animal biologique aux origines explicites, accompagné du légendaire thème d'Akira Ifukube, il est bien une puissance monstrueuse terrifiante, charriant toute la violence et la destruction qui hantent encore l'esprit des Japonais au lendemain des combats.

Un statut rendu possible grâce au passif du metteur en scène, venu des effets spéciaux et passé par l'animation, virtuose quand il s'agit de décupler l'impact de ses effets numériques. Et ce notamment lors d'une scène de chaos au découpage précis, traduisant à la fois la panique frénétique des victimes à coups de mouvements de caméra rapides et la dévastation progressive du bestiau dans quelques superbes plans larges.

 

Godzilla : Minus One : photoHail to the king, baby

 

Yamazaki parvient miraculeusement à conjuguer la pesanteur historique de ses références et les idées contemporaines. Il préserve un design portant l'empreinte de la suitmation (un acteur dans un costume, technique d'effets spéciaux utilisée par la Toho jusqu'à Shin Godzilla, le premier Godzilla numérique), comme pour rappeler les prémisses humaines des ravages de la guerre. Toutefois, pour signifier la menace que le monstre représente, il fait de son fameux souffle atomique non pas une arme supplémentaire destinée à agrémenter le climax, mais bien une épée de Damoclès destructrice (et hyper spectaculaire), directe représentation de la bombe nucléaire et de la sidération qui suit son passage.

 

Godzilla : Minus One : photoUne séquence hyper impressionnante

 

Suicide Club

Si la saga Godzilla est aussi fascinante et commentée, c'est qu'elle évolue en même temps que le Japon et le monde, matérialisant au sein de la culture pop courants sociaux, historiques et politiques. En reprenant telles quelles les thématiques du classique d'Ishirô Honda, et alors que le Monsterverse américain est en train de malmener un peu ses jouets, la Toho aurait-elle dérogé à la règle pour se contenter d'un shoot de nostalgie grave, dans la droite lignée de ce que fait Hollywood depuis une décennie ?

Certes, la narration assume les codes du blockbuster à l'ancienne, articulée autour d'une quête de rédemption. Mais cette rédemption est impossible, puisque c'est celle d'un pilote désigné kamikaze ayant fui ses obligations (sujet déjà abordé par le cinéaste dans Kamikaze, le dernier assaut), forcé de survivre dans un pays qui l'accuse de ne pas avoir donné sa vie pour lui. Minus One tire en fait toute son originalité de sa description de l'après-guerre, monde incertain où les anciens soldats tentent tant bien que mal de panser des plaies ouvertes, sous la pression perpétuelle du feu atomique (les débuts de la guerre froide sont évoqués).

 

Godzilla : Minus One : photoHidetaka Yoshioka en ingénieur qui va devoir dépasser sa fonction guerrière

 

L'antimilitarisme des débuts de la franchise, qui allait de pair avec une conclusion très amère, rejoint ici une quête de la valeur humaine, alors que les personnages reprennent le contrôle de leur existence. Le cheminement de Shikishima accompagne celui de ses concitoyens, ainsi que des réflexions finalement très contemporaines : comment en finir avec nos guerres personnelles, empoisonnées par les idéaux belliqueux, et accepter une cohabitation pacifique ? C'est un travail collectif, qui implique de faire couler, puis de faire remonter à la surface le poids de la destruction d'autrefois pour mieux prendre conscience de l'importance de chacun. Non pas dans une armée, mais dans une famille, un équipage, une société.

Shin Godzilla était obsédé par la mainmise administrative et le joug politique. Godzilla Minus One, au contraire, choisit de raconter son histoire à un moment d'absence du gouvernement, laissant ses personnages prendre la mesure de leur valeur et de leur capacité à s'extirper par eux-mêmes du cycle de destruction incarné par Big G. Cela se fait peut-être au prix d'une intrigue aux ressorts un peu artificiels (le dernier twist), voire parfois mièvres (la fin), mais à l'aune de la pandémie de Covid, qui déteint sur le scénario de l'aveu même du réalisateur, ce 37e volet de la saga est sans conteste l'un des plus humanistes.

 

Godzilla Minus One : Affiche ressortie 2024

 

Résumé

Malgré son classicisme apparent et ses séquences de destruction spectaculaires, ce Godzilla est bien celui de la reconstruction.

Autre avis Antoine Desrues
On pourrait évidemment s'attarder sur le brio des séquences de destruction, et de leur découpage qui n'en oublie jamais la terreur d'une échelle humaine. Mais ce Godzilla vaut surtout pour son émotion (bien que parfois maladroite), et le parcours courageux d'un soldat confronté à l'absurdité d'un patriotisme mortifère.
Autre avis Judith Beauvallet
A part le design de Godzilla qui manque cruellement de charisme, peu de points noirs viennent entacher la réussite d'un film efficace du début à la fin, émaillé par une galerie de personnages attachants. En replaçant la créature dans son contexte initial de seconde guerre mondiale, le scénario réssuscite une sincérité et une émotion bienvenues.
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Lecteurs

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commentaires
Flo 1
30/01/2024 à 13:33

"C'est Minus et Cortex, c'est Cortex et Minus
L'une est pleine d'astuces, l'autre un vrai nimbus..."

On le sait bien, pendant que les américains s'amusent à jouer aux grosses bébêtes avec la franchise de Godzilla, les "vrais" films se font dans le pays natal, le Japon.
Quelle que soit leur qualité, variable mais n'empêchant pas l'attachement... même en n'ayant pas de Continuité fixe.
On dirait que pour ce film là, le réalisateur Takashi Yamazaki a voulu relancer la machine avec un quasi remake/prequel (la même musique, la même scène où Godzilla bouffe un train), avec une potentielle histoire au long cours, très explosive et...
Plus hollywoodienne que les américains ! Chose troublante, en voyant ce film on a l'impression de retrouver le Roland Emmerich des années 90 - le meilleur, celui qui était encore lisible et moins cynique.

Tout y est comme en 1998, l'année de son propre film de Godzilla : une version plus mince de la créature (du moins au début, ensuite il ressemble plus à une statue mouvante), le monstre montré surtout comme un salopard envahisseur (évidente représentation symbolique d'un pays corrupteur), les cols bleus et les scientifiques échevelés plus doués que les militaires, les acteurs qui surjouent et frôlent la caricature - bon, on peut aussi trouver ça chez les japonais...
De très bonnes images de synthèse (le réal est un spécialiste et son équipe assure, même en étant sous-payée au vu du budget officiel), une suite de climax costauds, du gros sentimentalisme un peu inoffensif, une conclusion trop ouverte ("quand y en a pus, y en a encore"), et un héros traumatisé, tenté par le sacrifice - là c'est plus à "Stargate" et "Independance Day" qu'on peut penser, mais avec un sens évidemment culturel pour ce pays.
Étonnamment c'est moins subtil que chez Emmerich, les interprètes y répétant 2-3 fois ce que l'on comprend très facilement, si on n'est pas un spectateur trop impressionnable (y compris les pay-off et autres retournements de situation, très prévisibles).
On aurait bien pu couper dans le gras, ou bien développer un peu les autres personnages, multiplier les points de vue... ça aurait été mieux équilibré.

Le résultat est un blockbuster impressionnant à chaque scènes de destruction, mais se prenant un peu trop au sérieux via son sujet post Seconde Guerre Mondiale, ses questionnements sur la lâcheté, la contrition et l'instinct de conservation, l'idée de famille recomposée, la défiance du peuple par rapport aux gouvernements...
Tout ce côté à la fois intimiste et global n'est pas traité à la hauteur du sujet, c'est souvent trop didactique (remarquez, chez le Kurosawa d'après guerre aussi), et ça prend beaucoup de temps sur le long-métrage. Lequel mélange aussi des références comme Miyazaki (un avion de chasse aux formes épurées et à la sombre histoire - la plaque écrite en allemand) et... Wolverine !? Les piques qui sortent et le facteur mutant autoguérisseur ? On est aussi dans un reboot à la "X-Men First Class" ou quoi ?
D'ailleurs, à propos de Matthew Vaughn, comme dans "The King's Man" le réalisateur se retrouve pris entre l'envie de faire du gros délire explosif qui part dans tous les sens... et le nécessaire devoir de mémoire, respectueux envers un peuple qui a trop de fois été victime tragique.

Mais bon, c'est japonais, c'est exotique, c'est particulier, donc on s'efforce d'être indulgent et on profite au moins du spectacle... même si ça aurait pu être mieux que la réputation de ce film laissait entendre.

"Il est vraiment Gros, dit, l'âne.."

Marc en Rage
26/01/2024 à 21:09

je viens de voir GODZILLA MINUS ONE c'est incroyable pourtant pas fan du monstre , on suit plusieur personnage un pilote Kamikaze dans le Japon après guerre. Si le budget du film seulement 15 millions c'est dingue, les décors les VFX sur ce film on a vraiment l'impression de voir un film à plus de 100 millions. Quel Film. La musique du générique de fin je l'ai écouté jusqu'à la dernière note.
GODZILLA MINUS ONE. ☆☆☆☆☆

Sanchez
23/01/2024 à 19:55

Avec l’énorme hype autour du film , je me suis laissé tenter. Hélas je devrais arrêter de me faire influencer comme ça. On ne m’y reprendra plus !
Le film est bien quand on voit Godzi , c’est à dire 15 min. Pour le reste c’est quasiment catastrophique malgré un excellent thème. Ce kamikaze déserteur qui culpabilise parce qu’il a failli à son devoir, doit il se sacrifier par rédemption ou assumer ses nouvelles responsabilité ? C’est passionnant sur le papier, mais en pratique c’est complètement raté. Il aurait fallu prendre un acteur principal qui sait jouer, écrire des personnages secondaires de qualité autres que la copine sainte nitouche et le scientifique à lunette et cheveux ondulés, user d’une mise en scène moins ronflante. L’image est belle mais c’est tellement plat. Ça veut imposer de l’émotion au forceps dans un déchaînement de niaiserie aussi spectaculaire qu’une attaque du monstre. On atteint un sommet quand notre héros nous ramène son mécano qu’on avait complètement oublié depuis des lustres.
Quant aux scènes de Godzi, c’est réussi mais j’avais déjà vu les 3 money shots dans des trailers. Et quand il marche dans la campagne on dirait un playmobil, il a l’air plus con qu’effrayant. Ne parlons pas des incohérences, avec notre héros qui retrouve sa copine au hasard dans une métropole en plein mouvement de foule.
C’est toujours amusant de voir les occidentaux s’exciter sur un film nippon ou coréen avec énormément d’indulgence alors que si le même film avait été français ou américain ils auraient comme moi relever la niaiserie de l’ensemble et l’ennui profond que ça provoque.

Pseudo2
18/01/2024 à 00:07

J'ai beaucoup apprécié le film ... du moins, j'aurais pu l'apprécier nettement plus s'ils avaient choisi un acteur passable voir limite un peu nul dans le rôle principal.

Le mec est tellement nul, tellement faux et à côté à chaque scène qu'il en arrive à faire sacrément baisser mon appréciation du film. Et on parle d'un Godzilla, donc j'avais pas de grandes attentes non plus.

Ce mec, c'est la mort de Marion Cotillard dans Batman à chaque scène. Dur.

(Sinon, le reste est vraiment super)

Misty
16/12/2023 à 01:46

Quel claque ce film.... histoire musique effet spéciaux photographie! Énorme ! La toute première scène où godzilla faut son apparition est une leçon de cinéma ! Tout y est ! Tension , mise en scène, design magnifique et affet spéciaux de très grande qualité, musique! On aurait dit un remake de la scène du trex dans jurrasic park, . Et que dire de la fameuse scène du rayon de charge en plaine ville. Ultra spectaculaire et mérite le prix de la meilleur scène d'action de l'année vivement une suite aussi juste que ce film

Joshal
12/12/2023 à 14:42

C'est rare de voir des films aussi spectaculaires avec un budget aussi petit.
C'est rare de voir des films de destruction avec des vraies personnages.
C'est rare de voir du PTSD avec des gens qui veulent s'en sortir.
On a des personnages qui ne se connaissent pas, et qui se retrouvent à devoir vivre ensemble, et apprendre à vivre alors que la menace est juste impossible à éviter.

Peu importe comment, ce film doit être vu pour créer le nouvel étalon du film de monstre.

Si quelqu'un a mieux à me proposer, je suis preneur !

Ghost Leopard
10/12/2023 à 11:44

Mouais...

Depuis des années, vous avez des films asiatiques, surtout indiens, qui sortent de manière très brève dans quelques salles françaises.

Le truc, c'est que vous signez votre article du 7 décembre soit le jour même de la sortie donc l'info est déjà obsolète à moins d'un coup de bol. Il s'agit donc plus d'un message à caractère informatif quant au film lui-même que de m'offrir la possibilité de le voir en salle.
Après, vous n'êtes pas non plus responsable de la programmation ou de la distribution.

C'est gonflant ce genre d'histoire.
Perso, c'est le genre de film qu'il m'aurait plu de voir en festival, ce qui est souvent pendant un créneau tout aussi limité que cette sortie salle. Mais là,...
Dommage ?

Bond
08/12/2023 à 19:55

Bon pour ceux qui ont une carte UGC c’est rapé, nada il n’y a rien à voir

STORM
08/12/2023 à 17:06

exactement la 4DX et le VOST n'a posé aucun problème , au contraire, comme un commentaire plus bas, j'ai cru que la salle exploser à plusieurs reprise notament avec son fameux souffle, dailleur je vais le revoir dans 2 heures , je veux vraiment profiter de cette experience au ciné, quel deception de lire un peu plus bas que certains veuillent se contenter du P2P car en vost et et 4DX...

Osiris67
08/12/2023 à 15:37

Aaah mes amis, vous savez pas de quoi vous parlez au sujet de la 4dx sur ce godzilla, le truc est pas juste un gadget inutile, il plonge reellement dans le films sans jamais. On dirait qu il a vraiment etait fait pour etre en 4dx. Le voir en format normal me paraitra bien fade desormais, meme si ca n enleve rien au fait que le film avec ou sans 4dx est magistral.

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