Les Rascals : critique d'une bavure prolifère

Judith Beauvallet | 11 janvier 2023 - MAJ : 18/01/2023 11:59
Judith Beauvallet | 11 janvier 2023 - MAJ : 18/01/2023 11:59

Présenté au Festival du cinéma américain de Deauville de 2022, Les Rascals est le premier long-métrage du scénariste et réalisateur Jimmy Laporal-Trésor. Un film qui ne mâche pas ses mots sur la violence subie par les minorités ethniques, notamment à l’époque de la montée des groupuscules néo nazis dans Paris. Une histoire qui prend place dans les années 80, mais qui parle bien évidemment d’aujourd’hui. 

Jimmy and the Jets 

Deux bandes de gamins d’une dizaine d’années se cherchent des poux aux abords de leur banlieue. Rudy et Rico, en particulier, aimeraient bien se mettre sur la tronche tranquillement. Sauf que, pas de chance : l’un est arabe et l’autre est noir. Il n’en faut pas plus pour que le délinquant blanc de trois fois leur âge qui regarde la scène décide d'y mettre son grain de sel en passant lui-même les gosses à tabac. Suite à cette dérouillée, les mini-caïds deviendront amis, et on les retrouvera plus tard membres des Rascals, un gang aux couleurs mixtes avec lequel les bandes de fafs parisiens se fritent régulièrement.

Il ne faut pas se fier à l’impression que donne la mise en place du film. Entre la chamaillerie entre gamins aux dialogues qui sonnent faux, la présentation des différents gangs qui fait penser à un West Side Story de supermarché ou les jeunes d’aujourd’hui qui peinent à être naturels en parlant comme s’ils venaient des années 80... le film donne presque, au départ, l’impression qu’il a l’intention d’être comique. Peut-être pour mieux surprendre par la violence aussi injuste que soudaine qui s’abat sur ses héros ? En tout cas, l’apparente maladresse est de courte durée. Rapidement, Les Rascals fait entièrement place à son véritable ton, et il ne s’agit pas du tout de rigoler.

 

Les Rascals : photo, Jonathan Feltre, Missoum Slimani, Jonathan Eap, Marvin Dubart, Taddeo KufusGeorge Chakiris prend la photo

 

Rétro dans le viseur 

Si le film raconte son histoire à travers le vécu de quelques jeunes, Jimmy Laporal-Trésor met tout en place pour clarifier les choses : c’est une situation systémique qu'il dénonce. Validés en arrière-plan par un prof d’université qui tire les ficelles, des agents de police plus que complices et des médias hypocrites, le racisme et la violence des skinheads en herbe font leur chemin sans mal dans une société complaisante. Les seules armes des Rascals, pour lutter ? Se castagner ou s’enrôler dans l’armée pour peut-être échapper à la misère au bout du chemin

Le film trouve une belle identité visuelle en esthétisant volontiers la banlieue sans non plus tomber dans la caricature d’image “vintage” pour représenter une époque passée. Laporal-Trésor privilégie des plans-séquences aussi discrets que prenants pour mettre en scène les moments charnières, et filme ses acteurs avec une délicatesse étonnante. 

Une faiblesse, néanmoins : le traitement des personnages féminins qui ne sont que le support des volontés masculines. D’une passivité presque totale, le personnage d’Angela Woreth représente avec justesse les travers d’une personne trop influençable, mais à un niveau de mutisme caricatural. Les autres femmes que l’on aperçoit ne servent qu’à être harcelées dans la rue par nos héros. 

 

Les Rascals : photo, Angelina Woreth, Victor MeuteletTu peux préparer le café noir

 

A violence of History

Évidemment, l'histoire a beau se situer dans les années 80, elle appelle au parallèle avec les tensions politiques actuelles. À l'heure où les crimes racistes sont de plus en plus revendiqués dans Paris et où les violences policières se retrouvent au cœur des débats, Les Rascals donne au contraire l'impression de nous montrer un futur proche.

La frontalité avec laquelle sont abordés certains sujets, aujourd'hui tabous dans les médias, laisse à penser que l'époque du film sert avant tout de couverture pour pouvoir taper du poing sur la table librement. Et Jimmy Laporal-Trésor ne s'arrête d'ailleurs pas là, car en parallèle du film, il réalise le court-métrage Soldat noir, nommé aux César 2022 du meilleur court-métrage de fiction, et qui raconte la suite du combat avec le même Jonathan Feltre.

 

Les Rascals : photo, Victor MeuteletHurler avec la meute-let

 

La direction d'acteurs, impeccable, permet à Jonathan Feltre, Missoum Slimani, Marvin Dubart et leurs acolytes d'incarner des Rascals parfois tête à claques, mais surtout émouvants, et à Victor Meutelet de faire grincer des dents en futur Skinhead à la violence à fleur de peau. Jimmy Laporal-Trésor est-il le nouveau Spike Lee ? Il revendique en tout cas son admiration pour le cinéma de Costa-Gavras, et l'intelligence de sa caméra comme l'efficacité de son écriture laissent à penser qu'il fera partie des futurs grands cinéastes engagés.

 

Les Rascals : Affiche française

Résumé

Les Rascals raconte des oppressions passées pour parler tout haut du racisme actuel, et si le film est d'entrée de jeu hésitant, il ne cesse de monter en régime jusqu'à un final dont la violence touche cruellement juste.

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commentaires
The insider38
12/01/2023 à 18:05

@zapan : c est bon n’en fait trop , babylon c est moyen. C est long pour rien , ça raconte pas grand choses .. chazelle est de toute façon très surcote

Zapan
11/01/2023 à 20:33

@Geoffrey Crété

Ah mais il le faut, ce film ne mérite pas le flop qu'il se tape sur le continent NA.
C'est juste magnifique!

Fox
11/01/2023 à 14:14

@Tonto
"Bon, à part ça, j'ai quand même tendance à penser qu'un film qui affiche deux avis de Melty et de Konbini part pas gagnant, hein... XD"

En effet, je ne trouve pas que ça joue en faveur de la crédibilité d'un film. On a plus affaire à des médias mainstream orientés "jeunes" qu'à une presse spécialisée, mais à la réflexion, je pense - malheureusement - que cette promo est axée sur un public jeune. Ceci étant dit, je ne trouve pas non plus qu'avoir un condensé de critiques de Première ou des Cahiers sur l'affiche soit une bonne chose.

J'en profite donc pour faire un petit aparté sur les affiches actuelles. Je collectionne les affiches de ciné, et ce que je trouve particulièrement agaçant sur les affiches modernes - outre les compositions immondes et les Photoshop faits à la va-vite -, ce sont ces atroces placards de pseudo-critiques qui viennent bouffer entre 1/4 et 1/3 du visuel. C'est insupportable. L'affiche ne respire plus, tout est remplissage.
Si on prend l'exemple de celle des Rascals, il n'y a rien qui va :
1 - La construction "en triangle" n'était en soi pas une mauvaise idée, mais venir boucher l'espace supérieur avec ces "critiques" (qui, soit dit en passant, ont une typo plus grosse que celle du réal'), ça annihile toute la compo ;
2 - L'éclairage est pensé pour intégrer les comédiens sur n'importe quel fond aléatoire en post-prod avec Photoshop. Du coup, ils ont laissé blanc parce que... la flemme ? Caractère = 0 pointé.
3 - Honnêtement, quand je regarde cette affiche, je ne sais pas ce que je vais voir. Avant d'en entendre parler, j'ai même cru que c'était une comédie !

On touche là à un gros problème sur l'image des films qui doit, à mon sens, passer également par l'affiche. Compte tenu du sujet, j'aurais plutôt vu quelque chose qui s'inspire de The Warriors par exemple. Alors oui, on a aussi les personnages principaux alignés au premier plan, mais pour le film de Walter Hill, on sait à peu près ce qu'on va voir (c'est sombre et les personnages sont armés !).
Avec les Rascals, exit la violence (qui me semble quand même au coeur du film, non ?), avec des acteurs éclairés comme pour un packshot de yaourt. Hors sujet à tous les niveaux !

Lr
11/01/2023 à 13:16

Les photos : Léa R

RiffRaff
11/01/2023 à 11:39

Tiens de la propagande catho-monarchiste dans les commentaires...

Tonto
11/01/2023 à 10:52

Je comprendrai jamais comment on peut penser que le futur peut nous ramener à quelque chose proche du nazisme... On n'a jamais été aussi loin de la privation de libertés qu'aujourd'hui, quand même. Ce qui nous guette, c'est bien plus "Le Meilleur des mondes" d'Aldous Huxley, qui pèche par excès de libertés, que "1984" d'Orwell ("1984 est une oeuvre sur 1948, pas sur aujourd'hui" disait le visionnaire Terry Gilliam à propos de son magnifique film "Brazil"). Pas vraiment nazie, comme conception de la société.

Bon, à part ça, j'ai quand même tendance à penser qu'un film qui affiche deux avis de Melty et de Konbini part pas gagnant, hein... XD

Geoffrey Crété - Rédaction
11/01/2023 à 10:52

@Zapan

Et on en parlera évidemment très vite sur Ecran Large pour la sortie.

Zapan
11/01/2023 à 10:49

Hors sujet mais...

Babylon... allez voir Babylon !!
Je viens de prendre une claque!
J'y retourne demain.

Fin du hors sujet.
Bonne Chance à Jimmy pour les Rascals!

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