Turok : la chasse aux dinosaures qui mêlait DOOM et Jurassic Park

JL Techer | 18 mars 2023
JL Techer | 18 mars 2023

Sorti en 1997 sur Nintendo 64, Turok : Dinosaur Hunter était un FPS à l'univers fou, à mi-chemin entre Doom et Jurassic Park. Retour nostalgique.

1997 a été une année particulièrement glorieuse pour le jeu vidéo. Final Fantasy VII, GoldenEye 64, Fallout, Super Mario 64... Et sur cette liste de titres mémorables figure en bonne place Turok : Dinosaur Hunter, un FPS hybride entre DOOM et Jurassic Park, dont l'ambiance sauvage, et le cocktail pulp mêlant science-fiction et cultes primitifs ont laissé une empreinte durable dans la vie des joueurs de l'époque.

Adapté d'un comic-book américain culte né dans les années 50 (qui n'a malheureusement jamais franchi l'Atlantique), Turok : Dinosaur Hunter a été le point de départ d'une longue saga qui s'est éteinte en 2008. Cependant, aucun de ses successeurs n'est arrivé à la cheville de ce premier coup d'éclat. Retour sur l'un des chefs-d’œuvre (presque) oubliés de l'histoire du jeu vidéo.

 

Turok : Dinosaur Hunter : photo"Va essayer d'apprivoiser celui-là Chris Pratt !"

 

Turok You like a hurricane

Le Natif Américan Tal'Set, surnommé Turok par ses pairs, est un guerrier voyageur du temps. Il porte le fardeau des membres mâles de sa lignée : devoir défendre la barrière mystico-scientifique qui sépare la planète Terre de Lost Lands (les Mondes Perdus), une sorte de zone hors du temps et de l'espace, où les pires racailles de l'univers venant de toutes les époques se retrouvent dans un joyeux foutoir. Dinosaures, extraterrestres, créatures mutantes en tous genres croisent sa route chaque jour.

Sa routine de super flic local se trouve perturbée du jour au lendemain quand un Seigneur fou répondant au nom de Campaigner (littéralement le Miliant ou le Vétéran militaire) se met en quête du Chronosceptre, une arme légendaire capable de franchir les limites de l'espace et du temps. L'artefact est si puissant qu'il a été disloqué en huit morceaux, qui ont été disséminés aux quatre coins des Lost Lands. Tal'Set part alors en quête des huit morceaux de l'arme, répartis dans les huit niveaux qui composent le jeu.

 

Turok : Dinosaur Hunter : photoStargate

 

Le scénario tient surtout lieu de prétexte à l'exploration des Lost Lands, ces terres étranges où se rencontrent hautes technologies et cultures ancestrales. Turok : Dinosaur Hunter est l'un des rares softs de l'époque à pouvoir se targuer d'avoir un univers vraiment original, du quasi-jamais vu dans le paysage vidéoludique. Tal'Set affronte des cyborgs, des démons, des insectes géants, et une belle brochette de dinosaures, dont un énorme T-Rex Cyborg répondant au doux nom de Thunder, un des boss les plus mémorables de toute la franchise.

Pour pouvoir les réduire à l'état de corned-beef, Turok disposait d'une palette d'armes tout aussi folles que le casting d'ennemis auxquels il s'opposait. L'arme emblématique de la saga reste le Tek Bow, un arc permettant d'utiliser toute une collection de flèches qui aurait rendu Hawkeye jaloux, de la flèche explosive à la flèche empoisonnée. Mais le héros avait également à sa disposition un fusil à pompe, un fusil alien, un lance-grenade, un couteau de chasse... Et le jouissif canon à particule, qui congelait les ennemis avant de les faire exploser. Un pur plaisir.

 

Turok : Dinosaur Hunter : photoAttention Dino Danger

 

For those about Turok

L'une des plus grandes forces de Turok a été de prendre son sujet très au sérieux. Malgré le contexte délirant, l'aspect foutraque du bestiaire et un scénario plus que limité, les Américains du studio Iguana Entertainment ont fait le choix de traiter leur sujet au premier degré, aux antipodes de ce que pouvait faire un Duke Nukem 3D. Le designer et réalisateur du jeu David Dientsbier souhaitait retrouver l'aspect sauvage du comic book Turok, créé par Rex Maxon, et publié par Dell Comics (Flash Gordon) à partir de 1956, tout en gardant l'aspect SF de ses versions plus modernes.

Inspirée par Le Monde Perdu d'Arthur Conan Doyle, la bande dessinée mettait en scène Turok et son frère Andar, deux natifs américains qui se retrouvent perdus dans un monde peuplé d'hommes préhistoriques et de dinosaures. Après quelques déboires, la licence Turok a fini par atterrir chez Valiant Comics en 1993, et des éléments SF sont injectés dans le comics. Quand Acclaim rachète Valiant en 1994, la firme décide de pousser le concept plus loin, en faisant des Lost Lands une sorte de hub spatiotemporel où tous les espaces-temps se rencontrent.

 

Turok : Dinosaur Hunter : photoL'évolution des comics Turok

 

En 1997, Acclaim a déjà perdu les droits d'exploitation de ses plus grosses licences : NBA Jam et Mortal Kombat. Décision est donc prise d'aller piocher dans le catalogue comics de Valiant pour relancer la machine à billets. Les pontes jettent leur dévolu sur la licence Turok, et décident de se donner les moyens d'accoucher d'un grand jeu. Turok devait devenir le fer de lance du renouveau d'Acclaim.

Turok : Dinosaur Hunter était de loin le projet le plus fou d'Acclaim et d'Iguana Entertainment (NBA Jam). Dans une interview donnée à IGN en 1997, David Dientsbier expliquait que dès le départ, il voulait que Turok soit un jeu ambitieux, et que seule la Nintendo 64 pouvait être à la hauteur :

"L'un des genres les plus en vogue dans le jeu était celui des FPS. Et nous savions que des jeux comme Quake et Prey arrivaient [...]. Nous savions que ce que nous pouvions faire avec la N64 serait largement supérieur à ce qui pouvait être fait sur un PC. Cela nous a semblé être un moyen naturel de mettre en valeur la puissance 3D de la machine et de proposer ce type de jeu à un niveau supérieur de réalisme et d'intensité."

 

Turok : Dinosaur Hunter : photoUne méthode simple pour régler ses problèmes

 

Turok The Casbah

Réaliste, intense, sauvage... Des adjectifs qui ont servi de ligne de conduite à l'élaboration du jeu Turok sur Nintendo 64, et qui qualifient à merveille le résultat final. Turok : Dinosaur Hunter est un FPS de très haute volée. Profitant pleinement de la puissance de la N64, d'un point de vue graphique le jeu assène une vraie claque au public à sa sortie. Les dinosaures sont criants de vérité, les textures sont bluffantes, et les ennemis avaient une IA tout à fait crédible. L'usage du brouillard pour pouvoir maintenir une fluidité de tous les instants était particulièrement ingénieux.

Le monde à explorer dans Turok était dangereux, empli de pièges, et la moindre inattention pouvait mener à une mort immédiate. Le soft a pu même se targuer de proposer des moments d'une rare intensité dans un FPS de l'époque : le combat contre le boss Longhunter au volant de son Hummer blindé était particulièrement épique, tout comme l'affrontement contre Mantis, l'insectoïde cyborg d'une rapidité hallucinante. Et les phases de plateformes dont est parsemé le soft ont dû donner des sueurs froides aux joueurs de l'époque.

 

Turok : Dinosaur Hunter : photoUne envie d'insecticide

Certaines phases de jeu étaient si tendues par moments que le titre allait flirter avec le survival horror. Quand le joueur, acculé au bord d'un précipice, assistait impuissant à la ruée de deux raptors, la peur prenait aux tripes. Une peur renforcée par l'exceptionnelle bande originale du titre, signée Darren Mitchell. Le compositeur américain a signé une ambiance sonore oscillant entre un minimalisme s'approchant de la mouvance drone, et des percussions tribales comme pour les morceaux Ancient City ou Jungle.

Il n'a cependant pas hésité à aller chercher quelques nappes de pianos particulièrement lourdes, histoire d'ajouter une dimension pesante à l'ensemble, à l'image des pistes Boss ou Campaigner's Fortress. Une OST admirable qui, bien que peu variée, parvient à happer les joueurs, et à s'immiscer durablement dans leurs cerveaux. Elle est aussi un tour de force technique qui a prouvé que, malgré son support cartouche, la N64 est an avait sous le capot pour ce qui était de ses capacités de gestion du son.

 

Turok : Dinosaur Hunter : photoWe'll be back soon...

 

Turok'n'roll train

Le jeu de chasse aux dinos a été un immense succès pour Acclaim, avec 1,5 million d'exemplaires vendus sur Nintendo 64. Bien que conçu comme une exclusivité destinée à la Nintendo 64, suite à la réussite critique et commerciale du soft, l'éditeur a pris la décision de porter le jeu sur support Windows en fin d'année 1997 pour le plus grand bonheur des PCistes, mais aussi sur Game Boy. Pour cette dernière mouture, la formule avait été modifiée pour devenir un side scroller d'action 2D.

Turok : Dinosaur Hunter a connu les joies de la parentalité vidéoludique en donnant naissance à deux suites, Turok 2 : Seeds of Evil et Turok 3 : Shadow of Oblivion, ainsi qu'à un épisode purement multijoueur Turok : Rage Wars. Des opus tous sortis sur N64, et bénéficiant d'adaptation sur Game Boy et Game Boy Color. Des softs dont les qualités ludiques et narratives n'ont fait que décroître au fil du temps, malgré des upgrades graphiques constants. 

 

Turok 2 : Seeds of Evil : photoLe mode multi de Turok 2 n'avait rien à envier à celui de GoldenEye 64

 

En 2002, le prequel à la saga Turok : Evolution fut le premier jeu de la série à débarquer sur PlayStation 2, Xbox et GameCube, mais n'est pas parvenu à convaincre le public, ni la presse spécialisée, la faute à un gameplay mou et à un aspect nanardesque auparavant absent de la saga. L'arrêt de mort de la franchise a eu pour nom Turok, un reboot dispensable conçu par Propaganda et Disney Interactive pour PS3, Xbox 360 et PC, dont les mécaniques d'infiltration bancales, l'usage abusif de la shaky cam et les bugs intolérables ont eu raison de la patience des joueurs. 

Avec son ambiance primale, la structure ouverte de ses niveaux, tous reliés entre eux grâce à un HUB central, et à son aspect recherche et survie en milieu sauvage, le Turok : Dinosaur Hunter de 1997 préfigure déjà le Far Cry de 2004 réalisé Ubisoft. Le côté brut et direct des deux premiers Far Cry, l'accent mis sur un contexte plus tropical qu'urbain, tout renvoie à Turok. Une filiation qui devient évidente avec les titres Far Cry Primal avec ses combats contre des bêtes sauvages, et Far Cry Blood Dragon, en particulier lors de l'affrontement contre un T-Rex Cyborg...

 

Far Cry 3 : Blood Dragon : PhotoArc et dino cyborg, la recette pour Turok Far Cry : Blood Dragon

 

À ce jour, la licence est officiellement morte et enterrée. Malgré des remasters sortis sur Xbox One, Switch et PS4 entre 2018 et 2021, qui auraient pu augurer d'un retour de la saga, rien ne laisse présager d'un come-back de Tal'Set ou de ses descendants sur le devant de la scène vidéoludique. Pourtant, de folles rumeurs laissaient entendre qu'Ubisoft aurait pu relancer la franchise. La boucle aurait été alors bouclée entre Turok et Far Cry

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commentaires
Ghob_
21/03/2023 à 20:39

Jamais joué aux jeux, bien que très informé à l'époque des sorties JV par la presse spécialisée, ce 1e Turok me faisait rêver juste par ses images. Par contre, j'ai découvert récemment le comic book sorti chez Valiant et effectivement c'est du lourd et l'univers est sacrément original.

Voilà qui pourrait faire une bonne adaptation ciné, si jamais un jour Sony compte lancer un Valiant Cinematic Universe (malgré le bide abominable de Bloodshot)...

The Moon
19/03/2023 à 20:38

J'ai beaucoup aimé Turok 2, des niveau très long et 1 ambiance visuelle et auditive très plaisante.

JL Techer
17/06/2022 à 09:26

@TofVW & @Pistolero,
Merci beaucoup, content que les clins d'oeil vous aient plu ;)

Moixavier58
13/06/2022 à 21:49

Far cry c'est Crytek, distribué par Ubisoft. Sa devient complètement Ubi a partir du 2. Turok evolution est sympa, nottament avec les codes

Pistolero
13/06/2022 à 19:26

@TofVW je pensais être le premier à évoquer ces titres :p
J’ai bcp apprécie également !

TofVW
13/06/2022 à 16:40

J'aime beaucoup les titres des chapitres de l'article. \m/